«Je n’ai jamais vu de drogues de ma vie, mais lorsque je dis que je suis Colombienne, la première chose qui vient à l’esprit des étrangers, c’est la cocaïne. Comme si on en prenait tous au petit-déjeuner! » s’indigne Maria Luisa Londoño Thuronyi, qui habite à Carthagène (Cartagena de Indias, en espagnol). Pour combattre cette idée reçue, la jeune femme de 24 ans se destine à une carrière en tourisme. «Je veux mieux faire connaître mon pays», dit-elle.

La tâche s’annonce ardue: depuis des lustres, les splendeurs de la Colombie et son impressionnante diversité topographique se font voler la vedette par les narcotrafiquants et les groupes armés. La réputation de violence de ce pays d’Amérique du Sud paraît parfois aussi persistante que le mythe de l’El Dorado, la «cité d’or» que cherchaient jadis les conquistadors espagnols.

Heureusement pour Maria Luisa, le vent tourne, et les choses semblent aujourd’hui évoluer dans la bonne direction. En 2002, l’Unesco a décerné le prix Ville pour la paix à Bogotá, la capitale, en raison de sa «convivialité urbaine». Le président Álvaro Uribe, élu cette même année, a fait de la sécurité civile sa priorité.

«El tiene pantalones (« il a mis ses culottes! ») et il n’a pas peur des groupes armés», assurent ses partisans. Les Colombiens lui sont notamment reconnaissants d’avoir créé les caravanas turísticas. Ces caravanes, composées de militaires déployés sur les principaux axes routiers du pays, veillent sur les voyageurs.

Alors, à nous, la vieille ville de Carthagène, classée dans la liste du Patrimoine mondial de l’Unesco! À nous, aussi, les paysages lustrés des plantations de café, sans oublier Bogotá, une métropole «équipée pour veiller tard» et considérée par le New York Times comme une des meilleures destinations touristiques du monde.

 

Cartagena, la belle

«Voici le mur de l’amour», lance le guide Pedro Bossio Picot, en désignant du doigt les imposants remparts de pierres qui corsètent la vieille ville de Carthagène. Les weekends, ils agissent comme des aimants sur les couples. Le guide ajoute en riant que ceux-ci sont si nombreux à s’y presser qu’il faudrait presque les forcer à réserver leur place.

Carthagène est située dans le nord du pays, face à la mer des Caraïbes. Elle a été fondée au 16e siècle par le conquistador Pedro de Heredia et est rapidement devenue le principal port d’expédition de l’or vers l’Espagne. Pour protéger ce butin des pirates, on a ceinturé la ville de remparts et de forts qui subsistent à ce jour dans leur quasi-totalité.

Si la vieille Carthagène participait à un de ces concours de beauté qui sont si populaires en Amérique latine, elle n’aurait pas de grandes rivales, outre la vieille Havane. Elle est aguichante le jour, ensorcelante la nuit. Son lacis de petites rues mène à des plazas flanquées d’anciens couvents, de palais et d’églises. Ici, on voit un bronze tout en rondeurs du génial artiste colombien Fernando Botero; là, on aperçoit la maison où a vécu son compatriote, l’écrivain Gabriel García Márquez. Plus loin, on trouve le Palais de l’Inquisition, converti en un musée qui raconte la triste traque aux prétendus hérétiques. Partout, de belles demeures coloniales à balcons, desquelles fusent des grappes de bougainvillées. Carthagène, destination vedette des amoureux? Et comment! La moitié de la clientèle de l’hôtel Sofitel Santa Clara est composée de nouveaux mariés.

«Juan Pablo Montoya (l’ancien pilote de formule 1 colombien) s’est marié dans l’église au coin de la rue, raconte Gloria Vega, directrice de l’hôtel-boutique La Casa del Curato. La vieille ville est tellement romantique. Et puis, grâce à ses bons restaurants, à sa vie nocturne et aux plages à proximité, elle attire tous les jeunes du pays.»

 

Sur la route du café

Une heure après avoir quitté Carthagène en avion, me voilà dans le Quindío, un des trois départements formant le fameux «triangle du café», à l’ouest de Bogotá. C’est dans cette zone qu’est cultivé environ 50 % de tout le café colombien. Les caféiers poussent en terrasses, à quelque 1500 mètres d’altitude, à l’ombre des plantains. Ils s’étagent à perte de vue. «C’est un paysage unique parce qu’il comporte pas moins de 15 tons de vert différents», me fait remarquer le guide John Arías Llano alors que nous admirons le panorama depuis la terrasse de la Hacienda Combia, près de Calarcá.

Le Quindío compte une trentaine de ces haciendas ou fincas agrotouristiques, des plantations de café centenaires, dotées d’auberges, où on séjourne pour s’imprégner de la beauté des lieux comme de la culture locale. Je me serais bien mise au vert une petite semaine à la Hacienda Combia, un domaine «rustico-sympa» appartenant à la même famille depuis 1887.

Toujours dans les environs de Calarcá, la Finca La Chapolera, sans hôtellerie celle-là, ouvre grandes ses portes à tous ceux qui s’intéressent au «meilleur café du monde». Cueillette à la main, extraction de l’enveloppe et lavage des baies, puis tri et séchage des fèves avant leur torréfaction: il est long, le procédé qui mène au tinto, ce café servi noir que j’avale au rythme des Colombiens, c’est-à-dire à tout bout de champ.

John m’ayant promis de me montrer un autre panorama unique, nous mettons le cap sur la Valle del Cocora, à l’orée du Parque Nacional Natural Los Nevados, dans la cordillère centrale des Andes. C’est le sanctuaire d’un symbole national: le palmier à cire, une espèce protégée qui ne croît qu’en haute altitude. Au bout d’un chemin de terre qui se transforme en sentier forestier, surprise! J’aperçois tout un régiment de ces arbres géants, qui n’aspirent qu’à toucher le ciel. Je me dirige ensuite vers le magnifique village de Salento, non loin de là. D’un belvédère qui surplombe la vallée et ses volcans, j’ai un petit pincement au coeur en contemplant une dernière fois les 15 tons de vert du Quindío.

 

La fiesta à Bogotá

Quand j’entre dans un taxi pour me rendre à La Candelaria (le plus vieux et le plus vibrant des quartiers de Bogotá), mon premier réflexe est de verrouiller la portière. «Mi amor [c’est une manie, tout le monde dans ce pays m’apostrophe ainsi], ce n’est nécessaire que dans les bidonvilles du sud», me dit aussitôt le chauffeur. Comme Bogotá est éminemment étendue, ce «sud» peu recommandable est bien loin*…

C’est du haut du Cerro de Monserrate, une haute colline de la cordillère orientale des Andes, que je prends la juste mesure de la taille de cette métropole de huit millions d’habitants. Bordée à l’est par les montagnes, elle se répand le long d’un axe nord-sud sur un plateau juché à 2640 m d’altitude. Au nord se trouvent les quartiers chics, tels El Chicó, la Zona G et le Parque de la 93, réputés pour leurs restaurants branchés, et la Zona T, où foisonnent les bars, les galeries et les boutiques de designers, comme celle de la Colombienne Julieta Suarez. Au centre, il y a La Macarena, un arrondissement bohème, le Centro Internacional et ses quelques tours de bureaux, ainsi que le «village» colonial de La Candelaria.

Dans les rues étroites qui grimpent dans la cordillère, je croise des vendeurs d’arepas (des galettes de maïs qu’on grignote à toute heure du jour), ainsi que des Mercedes, qui détonnent au milieu des bus bariolés et des charrettes. À la Donación Botero, un musée auquel le peintre et sculpteur a fait don de 123 oeuvres, je reluque avec bonheur les sublimes rondouillards imaginés par cet artiste. Au Museo del Oro, je contemple les fabuleux trésors qui ont échappé aux conquistadors.

«Mais ce que Bogotá a de mieux, ce sont… les Bogotanos, qui aiment la vie, la musique, la danse», me confie la guide Maria Del Pilar Cendales. Quel euphémisme! Ces gens ont la salsa dans le sang, tout comme la cumbia, un rythme typiquement colombien. Que ce soit au bar El Gato Gris, au Café Libro, chez Salomé Pagana ou chez Cachao, partout, j’ai l’impression d’être à un Match des étoiles latino! J’ai droit à un spectacle unique… comme le reste de la Colombie.

* Note: Le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international du Canada (voyage.gc.ca) recommande de faire preuve de prudence au cours des déplacements en Colombie. Précisons que cet avis vaut davantage pour les régions reculées que pour les centres touristiques. 

Carnet de route

Bons plans Le voyagiste Canandes, spécialiste de l’Amérique du Sud, propose aux voyageurs individuels ou en groupe des circuits préétablis ou sur mesure.

Bonne nuit Dans la vieille Carthagène, à l’hôtel Casa del Curato (avis aux Juliette, les suites 201, 206 et 207 ont un balcon), ou à l’hôtel et spa zen de la designer colombienne Silvia Tcherassi. Dans le Quindío, à la Hacienda Combia. À Bogotá, à l’Hotel de la Ópera.

Bon shopping La Colombie produirait les plus belles émeraudes du monde. À Carthagène, la Joyeria Caribe est un bon endroit pour se laisser tenter. Un tuyau: plus les pierres sont foncées, plus elles sont de qualité. Le cuir colombien est aussi réputé. Les designers Gabi Arenas et Mario Hernandez créent des chaussures et des sacs délirants.

Bonne bronzette La plage la plus proche de la vieille Carthagène est Bocagrande; elle longe la zone hôtelière moderne. La plus belle est Playa Blanca; elle borde l’île de Barú. L’archipel des Islas del Rosario quant à lui offre de belles occasions de plongée.

Bon appétit À Bogotá, au restaurant Casa Vieja, goûtez à l’ajiaco, un potage à base de pommes de terre et de poulet, un legs culinaire des Muiscas, les premiers habitants de la région.

Bonne soirée À Carthagène, au Café del mar, une terrasse sur les remparts, et au Coro, le bar avec orchestre du Sofitel Santa Clara. À Bogotá, chez Salomé Pagana, un bar où se produisent les meilleurs musiciens du pays.

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