À première vue, il n’est pas drôle d’être l’île d’Anguilla. De un, peu de gens prononcent son nom correctement (c’est ann-gwilah). De deux, il n’y a pas grand monde qui sait où elle se trouve (elle baigne à une dizaine de kilomètres au nord de l’île de Saint-Martin – Sint Maarten). Et de trois, cette dépendance britannique reçoit moins de 70 000 touristes par année, une misère comparativement au nombre de visiteurs d’autres îles des Caraïbes. Mais ça n’empêche pas les Anguillais de sourire. Ils savent que, à défaut d’accueillir les foules, l’endroit attire chaque année tout plein de VIP.

Car ici, quand on croise un gars qui ressemble à Orlando Bloom, C’EST Orlando Bloom! Même chose pour Denzel Washington, Uma Thurman ou Robert de Niro. Ce statut d’aimant à stars, Anguilla le chérit au plus haut point. «Loin d’être désavantageuse, cette réputation nous a aidés à nous concentrer sur la qualité de notre offre touristique», note Candis Niles, directrice du Conseil du tourisme d’Anguilla, à The Valley, la capitale. Et quelle offre! Des établissements «rien d’inclus» à 1000 $ US la nuitée, des villas ultraluxueuses à 75 000 $ US la semaine… voilà qui fait rêver (ou déprimer!). Heureusement, il y a aussi de petits hôtels sympas (voir le Carnet de bord) pour toutes celles qui ne s’appellent pas Uma…

 

 

Poudreuse à la plage

Qu’est-ce qui rend ce caillou plat et aride si attrayant? Trente-trois plages éblouissantes, qu’on dirait saupoudrées de fine farine et qui comptent parmi les plus belles des Caraïbes. Sans parler de la petite constellation d’îlots paradisiaques qui entoure Anguilla. Mon carré de sable préféré, Shoal Bay East, est régulièrement cité – et avec raison! – comme une des 10 plus belles plages dans les magazines de voyages. Quant aux fans de plongée en apnée, elles feraient bien d’attacher leur tuba avec de la broche, tellement l’expérience est renversante! Ainsi, autour de Sandy Island, qui appartient à l’archipel, j’ai nagé avec les pensionnaires magnifiquement nippés d’un récif de corail, et à Little Bay, je me suis prise à rêver près d’une falaise percée de grottes, au milieu d’un banc de poissons iridescents qu’escortait un barracuda long comme ça! Les accros de plongée sous-marine, elles, trouveront leur bonheur en agitant leurs palmes près d’épaves centenaires dans l’un ou l’autre des sept parcs marins.

Cultiver la sérénité

Anguilla, c’est aussi 14 500 habitants et leurs sourires spontanés, un art de vivre sans se presser et une ambiance anti-m’as-tu-vu, à mille lieues de celle qui règne à Saint-Barthélemy, sa presque voisine. Ça tient au fait qu’elle n’a rien d’une fêtarde, que les stars qui y séjournent se montrent discrètes et que la population respecte leur désir d’anonymat. Si les people adorent, les paparazzis y meurent d’ennui!

Pour le Canadien Frank Costin, propriétaire de la belle galerie d’art Savannah, sa contrée d’adoption est d’abord synonyme de tranquillité. «J’ai trouvé ici la paix de l’âme, dit-il. Que puis-je vouloir d’autre?» Mais selon Lillian Azevedo, une Californienne qui a contribué à la création du Circuit du patrimoine, inauguré en mai dernier, Anguilla a été radicalement transformée au fil du temps. «Jusqu’aux années 1970, il n’y avait pas d’électricité, pas de routes pavées non plus», raconte-t-elle.

Deux évènements ont contribué à son développement: sa séparation plus ou moins officielle en 1967 de la Fédération de Saint-Kitts-et-Nevis, indifférente aux besoins des Anguillais, et l’obtention graduelle d’un statut de territoire administré directement par la Couronne britannique à partir de 1982. «L’île s’est alors prise en main mais, au fil du temps, elle a oublié son histoire», ajoute la jeune femme. Aujourd’hui, grâce au Circuit du patrimoine, ses habitants et les touristes peuvent prendre la mesure de son passé. Dix sites témoignent de la présence des Indiens arawaks, de l’esclavage dans les plantations de canne à sucre et de coton, mais aussi de l’importance de l’industrie du sel: ainsi, on apprend que la Pumphouse – qui est aujourd’hui un resto-bar sympa adjacent à la saline abandonnée de Sandy Ground – servait autrefois de Q.G. pour le traitement de cet «or blanc».

Cuisine «eurobéenne»

Que seraient les vacances sans bonne chère, je vous le demande? À Anguilla, on est servies, clientèle sélecte oblige. On peut se régaler dans un resto gastronomique (hôtels Malliouhana ou Viceroy), dans un bouiboui de plage (celui de Sandy Island) ou dans un café (Le Petit Pâtissier, installé dans une magnifique maison coloniale du 18e siècle, à The Valley).

Plusieurs restaurants, dont le Pimms du luxueux centre de villégiature Cap Juluca, à Maundays Bay, proposent une cuisine «eurobéenne», qui marie les denrées locales (langoustes, fruits exotiques) aux saveurs de l’Europe. Daniel Le Guénan, du chic CuisinArt Resort & Spa (oui, le fabricant de robots culinaires!), est le plus heureux des chefs de l’île, car il dispose de légumes provenant du jardin hydroponique de l’établissement. Une initiative brillante, puisqu’ici tout ou presque doit être importé.

Mon coup de coeur? Blanchards, à Meads Bay, où j’ai adoré les beignets au crabe et où j’ai surtout retrouvé «la famille» dont le livre A Trip to the Beach raconte les aventures. Ce récit de Melinda et Robert Blanchard, un couple d’expatriés du Vermont qui sont à Anguilla ce que Frances Mayes est à la Toscane et Peter Mayle à la Provence, rend un vibrant hommage à ce coin du globe. À lire pour continuer d’en rêver une fois rentrées!

 

Carnet de bord

Bon trajet Au départ de Montréal, Air Transat vole vers Sint Maarten les vendredis, d’octobre à la fin d’avril. Une fois arrivées, on se rend à Anguilla en prenant une navette (une traversée de 20 minutes) ou un autre avion (anguillaairservices.com, un vol de 10 minutes). Hors saison, on y va avec American Airlines via Miami et Sint Maarten.

Bons dodos À l’hôtel Malliouhana ou au Cap Juluca, qui ont mis Anguilla sur l’écran radar des stars dès 1985; à CuisinArt Resort & Spa ou au tout nouveau Viceroy. Outre ces palaces, l’île compte plusieurs petits hôtels et B&B abordables (charmingescapescollection.com).

Bon à savoir L’été, Anguilla n’est pas moins belle, et tout est en solde! Les hôtels proposant des réductions sont répertoriés sous l’onglet «Offers & Packages» du site Anguilla Tourist Board.

Bon appétit Au restaurant Blanchards, à Meads Bay, où on donne une touche asiatique aux spécialités locales. À Tasty’s, à South Hill, un resto sans prétention qui sert d’excellents poissons et fruits de mer.

Bon shopping Pour courir les boutiques, mieux vaut aller à Marigot, chef-lieu de Saint-Martin, juste en face de Blowing Point. À Anguilla, on court plutôt les galeries d’art comme Savannah et l’Art Café, à Island Harbour.

Bon festival En mars, à la pleine lune, place au Moonsplash, un festival de musique reggae de trois jours qu’organise annuellement Bankie Banx, la vedette locale. Soyez de la fête au resto-bar The Dune Preserve, à Rendezvous Bay.

 

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