Aux fourneaux du célèbre Osteria Francescana, Massimo Bottura fait partie de ces toqués avant-gardistes qui réinventent le paysage culinaire. Encensé par les critiques du monde entier, son établissement de Modène, au nord de l’Italie, est arrivé en seconde position des 50 meilleurs restaurants du monde en 2015 — selon le réputé classement S.Pellegrino & Acqua Panna —, en plus de faire partie du club très sélect des trois étoiles Michelin depuis 2012. La recette de Massimo Bottura? Une bonne dose de savoir-faire et d’imagination, et une pincée de folie!

Quand avez-vous su que vous vouliez faire ce métier?

Je n’ai jamais voulu être chef. J’étais un gourmet qui aimait manger. Je dis toujours: «La cuisine m’a trouvé, et non l’inverse». En 1986, j’ai arrêté mes études en droit afin d’acheter une trattoria dans l’arrière-pays de Modène, la Trattoria del Campazzo [son premier restaurant]. C’est là que j’ai découvert ma vocation, qui est devenue par la suite une véritable passion.

Comment imaginez-vous un nouveau plat?

Tout commence par une idée. Avant d’arriver en cuisine, j’ai généralement pensé à tous les détails. Ensuite, j’expérimente avec mon équipe, afin de trouver la meilleure technique pour sublimer ce concept. Certaines recettes deviennent évidentes du jour au lendemain, d’autres prennent des mois, voire des années, avant d’être perfectionnées. Chaque plat raconte sa propre histoire.

Après 21 ans passés à la tête d’Osteria Francescana, qu’est-ce qui vous donne (encore) envie de continuer?

Je souhaite donner à la cuisine italienne la place qui lui revient dans le paysage gastronomique du XXIe siècle. C’est l’une des cuisines les plus diversifiées du monde… mais elle est trop souvent réduite à sa sauce tomate. L’Italie a pourtant une telle richesse gastronomique à offrir à un chef! Ici, on trouve l’un des meilleurs garde-manger, avec des produits variés et uniques: la mozzarella de Naples, les citrons de Capri, les truffes du Piémont, les tomates cultivées sur le sol du Vésuve… Dans mon établissement, on joue avec les traditions culinaires italiennes jusqu’à ce qu’elles deviennent actuelles et contemporaines, en respectant à la fois les ingrédients et le travail des producteurs d’ici. Mon rêve? Qu’à travers notre cuisine, nos invités expérimentent une vaste gamme de saveurs, d’idées et d’émotions, et qu’ils tombent amoureux de mon pays une seconde fois!

Chef’s Table, une série offerte sur Netflix qui suit six chefs ultracréatifs, vous consacre le premier épisode. Quel impact l’émission a-t-elle eu sur la réputation de votre restaurant?

La série a permis de faire connaître Modène à de nombreux touristes, qui n’auraient jamais imaginé visiter cette région de l’Italie. Le plus gratifiant, c’est de voir tous ces gens en pèlerinage, avec ou sans réservation, se présenter à notre restaurant. Recevoir ces invités qui viennent des quatre coins du monde, c’est mieux que de recevoir n’importe quelle étoile Michelin!

Vous avez fait vos premiers pas aux côtés des chefs étoilés Alain Ducasse (au Louis XV) et Ferran Adrià (à El Bulli). Vous avez aussi collaboré avec René Redzepi (de Noma) et David Chang (de Momofuku Ko). Que vous reste-t-il de ces expériences?

Ce sont des chefs inspirants, qui sont devenus des amis. Avec Alain, par exemple, j’ai appris l’importance des ingrédients de qualité, du terroir et de la simplicité. Grâce à Ferran, j’ai découvert la liberté de la créativité. En cuisinant avec René et David, j’ai compris à quel point il est enrichissant d’échanger nos idées et nos expériences.

D’où vous est venue l’idée de lancer la soupe populaire Refettorio Ambrosiano, lors de l’exposition universelle de Milan, en 2015?

Offrir la cuisine à ceux dans le besoin était la dernière volonté de ma mère. J’avais aussi envie de faire quelque chose de radical, en contraste avec toutes ces émissions culinaires superficielles qu’on peut voir à la télé. Enfin, je voulais envoyer un message à la prochaine génération de chefs quant à l’importance d’être socialement responsable. Lors de l’Expo 2015, 60 grands chefs internationaux ont répondu à l’appel! Refettorio Ambrosiano continue aujourd’hui de fonctionner grâce aux dons et aux aliments invendus des supermarchés; chaque fois que je cuisine là-bas, ça m’inspire.

Réduire le gaspillage alimentaire semble vous tenir à cœur…

À Osteria Francescana, on recycle tout ce qu’on peut. On se doit de rééduquer les gens sur la façon de faire leurs courses, de respecter les aliments et d’utiliser ce qu’ils ont dans leur réfrigérateur. Aucune excuse ne justifie le gaspillage alimentaire. Trop de gens ont faim dans le monde. Dans la foulée du lancement de Reffetorio Ambrosiano, j’ai créé la fondation caritative Food for Soul afin d’ouvrir d’autres soupes populaires à Turin, à Bologne et, éventuellement, à Rio, lors des Jeux olympiques. Nourrir ceux qui ont vraiment besoin d’un repas, au lieu d’être toujours aux fourneaux d’un restaurant gastronomique, me rappelle que cuisiner est un acte d’amour.

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