En 2005, Ke$ha (Kesha Rose Sebert) a signé un contrat avec Kemosabe Records, une compagnie de disque affiliée à Sony et dirigée Dr. Luke (Lukasz Gottwald). Selon ce document légal, il lui reste maintenant six albums à produire avec son label. D’ici là, elle ne peut travailler avec aucun autre producteur, responsable de communication ou compagnie de disque pour enregistrer, produire ou promouvoir de la musique. Techniquement, tout son avenir musical repose entre les mains de Kemosabe Records.

Il y a deux ans, Kesha a demandé une injonction pour être libérée de son contrat. Pourquoi? Parce qu’elle prétend que, depuis ses débuts dans l’industrie musicale, à 18 ans, elle a été droguée, violée, abusée, manipulée, menacée et contrôlée par Dr. Luke, son producteur (et le directeur de son label). Ces abus ont mené Kesha à développer de sérieux troubles alimentaires. Traumatisée et malade, elle a dû se rendre en retraite de réhabilitation. À sa sortie, en 2014, elle a enfin décidé de parler et de dénoncer son agresseur.

Sony (qui possède Kemosabe Records) aurait pu comprendre, dans les circonstances, que le bien-être, la santé et la sécurité de Kesha étaient en jeu, et la libérer de son contrat. Cependant, pour protéger leur «investissement» et Dr. Luke, un de leur plus gros hitmaker, la compagnie a décidé de s’engager dans une longue et coûteuse lutte juridique qui aura duré, au final, deux ans.

Vendredi dernier, la Cour suprême de Manhattan a rendu son verdict: Kesha ne sera pas libérée de son contrat. Elle devra continuer de travailler avec son présumé agresseur et produire six autres albums avec Kemosabe Records et Dr. Luke. La juge, Justice Shirley Kornreich, estime que Sony «subirait des dommages irréparables» si Kesha brisait son contrat, puisque ça créerait un précédent dans le domaine. Elle a aussi pris en compte l’investissement de 60 millions de dollars fait par Dr. Luke pour la carrière de Kesha…
 

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Sony affirme que, même si Kesha reste sous contrat avec Kemosabe Records, elle pourra travailler avec un producteur différent, et donc ne pas être en contact avec Dr. Luke. Cependant, la chanteuse affirme que, si elle ne travaille pas avec lui, ses chansons ne seront pas promues, puisque Dr. Luke tiendrait encore les rênes de la promotion de la production de sa musique. Qui plus est, son contrat stipule clairement que, sur chacun de ses albums, six chansons doivent être produites par Dr. Luke. Même si Kesha choisissait de travailler avec un autre producteur, Dr. Luke, son présumé agresseur, garderait ni plus ni moins le contrôle de sa carrière, et donc de son avenir financier.

Dans sa newsletter féministe, Lenny Letter, Lena Dunham propose une analogie intéressante pour expliquer cette situation:

«Imaginez que quelqu’un vous fait vraiment du mal, physiquement et émotionnellement. Cette personne vous a fait peur, vous a abusé, a menacé votre famille. Un juge décide que vous n’aurez plus à côtoyer cette personne, MAIS qu’elle possédera toujours votre maison. Cette personne peut décider de monter ou descendre le chauffage, peut décider de payer ou non la facture d’électricité ou de téléphone, peut décider de réparer le toit ou non quand il coule. Après tout ce que cette personne vous a fait subir, vous sentez-vous en sécurité dans cette maison? Faites-vous confiance à cette personne? Pensez-vous qu’elle va vous protéger?»

La carrière de Kesha subit déjà le lourd contrecoup de cette saga médiatique. La chanteuse n’a pas sorti de nouveau matériel depuis 2012 et, selon plusieurs membres du milieu musical, si elle ne se remet pas bien vite à produire de la musique sous la direction d’un gros label, elle manquera l’occasion d’avoir à nouveau un succès commercial.

Comme tant de femmes, elle devra donc faire un choix: quitter son agresseur et perdre sa sécurité financière (et sa carrière) ou rester, et endurer la violence et les abus. La décision du tribunal n’est pas seulement dangereuse pour le bien-être et la santé de Kesha, mais aussi pour les autres femmes de l’industrie musicale (et de tous les autres milieux) qui comprennent, par ce verdict, que rien, ni leur dignité, ni leur sécurité, n’est plus important que le profit.

Plusieurs célébrités (et des millions de fans!) se sont ralliées derrière Kesha – notamment Taylor Swift, qui a donné plus d’un quart de million de dollars à la chanteuse pour «la supporter dans ce moment difficile». Voici ce que les stars avaient à dire:

 

 

 

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