Sur la seule promesse d’un premier album en français, j’ai immédiatement voulu contacter cet auteur-compositeur-interprète originaire du Nouveau-Brunswick. Parce que j’avais, comme d’autres, adoré son disque précédent, le mélancolique Hungry Ghosts, et que comme d’autres, bien moins nombreux, apprécié son premier, le torturé Another Broken Lullaby, j’étais prêt à miser gros sur le virage franco de Comeau. J’avais raison: ce disque est un bijou.

On y retrouve cette voix grave et endolorie, maintes fois comparée à celle de Leonard Cohen, mais un souffle plus chaud semble l’habiter. «Je dois reconnaître que c’est un disque plus apaisé, plus apaisant aussi, confirme le principal intéressé. Il a quelque chose de réconfortant, comme si j’étais enveloppé dans un cocon. C’est surtout un disque qui marque le passage à la trentaine.»

Après avoir longuement hésité, il l’a baptisé d’un titre évocateur: Ève rêve. «C’est un hommage aux femmes, c’est sûr, et puis presque toutes mes chansons sont des lettres d’amour», dira-t-il, se qualifiant plus tard, du bout des lèvres, de romantique. Alors que Hungry Ghosts racontait l’errance, Ève rêve est un disque plus sédentaire. «Même lorsque j’y parle de voyage, je suis immobile», confirme Comeau. Mais point de stagnation côté musical: si Hungry Ghosts regorgeait de cordes, ce sont les vents (flûtes, mélodica) qui soufflent sur Ève rêve, suivis d’une pluie de percussions (xylophone, vibraphone) et de la caresse chaude d’un orgue Wurlitzer. Jusqu’ici Comeau avait réservé le français à ses recueils de poésie; aujourd’hui, il laisse ses mots prendre leur envol, affichant une pointe d’accent qui fleure bon la mer et une confiance retrouvée.

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