Voilà ce qui enchante tout au long de la lecture de ce livre, dans lequel l’auteur souhaitait «déraper dans l’autofiction»: Simon navigue allègrement dans les eaux à la fois limpides et troubles de sa vérité. «C’est un jeu de navette pour moi, avoue-t-il candidement. Je révèle ce que je veux bien révéler et je mens où je veux bien mentir! Quand toutes les assises de mon récit me semblent solides et réalistes, je peux ajouter des revirements qui ne sont jamais arrivés, mais qui font avancer la courbe narrative.»

Et on n’y voit que du feu. En fait, on a plus qu’envie de croire à tout ce qui arrive au protagoniste, de la tendre enfance jusqu’à l’âge adulte. On ne peut d’ailleurs passer sous silence un des trois moments marquants qui, dans la vie de Simon, le relient… à une mascotte.

«Ces trois souvenirs de mascottes sont tous des symboles dans le livre. Par exemple, c’est en tant que boule de tirage Loto-Québec que j’ai pu devenir un membre actif de l’UDA. Je trouvais le paradoxe génial. Un auteur qui a presque fini son bac en littérature et qui obtient sa carte UDA en faisant une mascotte qui émet des petits sons aigus et ne dit pas un mot. Retirer le langage à un écrivain, t’sais! (Rires) Je trouvais cet événement aussi léger que profond.»

Il importe de préciser que Pleurer au fond des mascottes est un roman, certes, mais qu’il flirte aussi avec un autre genre littéraire. «Je suis fier que ce livre glisse parfois vers l’essai. Ça m’a plu de créer quelque chose de très étoffé sur le plan de la pensée. J’ai voulu complexifier mon regard sur les choses. Et ajouter des citations d’auteurs marquants, ça bonifie ce que j’ai envie de dire. J’ai fait appel à des artistes qui m’ont inspiré: à Jean Cocteau, par exemple, qui a illuminé ma vie de ses mille et un talents. Mon livre est donc aussi de l’ordre de l’hommage.»

Et c’est en valsant entre ses références pointues (Raymond Radiguet, Heiner Müller, Violette Leduc) et populaires (les chanteuses Marie Carmen, Whitney Houston, Jewel) que Simon nous fait découvrir son univers unique. «J’ai rameuté des artistes que je trouve beaux et complexes, et qui ne vont pas tous dans le même sens, explique-t-il. Deux de mes idoles sont Gabrielle Roy et Violette Leduc, et elles sont diamétralement opposées dans le spectre de la pudeur et de l’impudeur. Je m’intéresse beaucoup à l’impudeur dans la vie – j’imagine que tu l’as remarqué en lisant le livre!»

Dans ce bouquin comme dans la vie, l’impudeur de Simon ne dépasse toutefois pas son enthousiasme légendaire (ou, on l’apprendra à la lecture du livre, la fabrication dudit enthousiasme).

«Je sais que je participe à ça et que j’agace bien des gens avec mon énergie, mais j’ai le souhait de dépasser cette façade-là, de gratter un peu. J’aime l’image des palimpsestes ou des couches de tapisserie qu’on enlève sur un mur.» Il poursuit: «Quand on décrit une personnalité connue, on a tous tendance à utiliser les mêmes adjectifs, car ça cristallise le personnage. On dit très souvent à mon sujet: «le souriant», «l’énergique» ou «le prolifique», et j’endosse tout ça, mais il y a mille autres adjectifs derrière ceux-là, dans l’ombre.»

Et comment vit-il, justement, avec ses parts d’ombre? «Je les cultive, répond-il du tac au tac. Elles sont 50 % de mon identité. Quand je suis à la maison, je suis dans ma bulle. Et j’en ai besoin. Si cette bulle n’existait pas, je n’aurais pas la même joie quand vient le temps d’être en société. J’ai l’air super sociable, mais c’est zéro ma nature. Je te jure, je suis capable de remiser ma joie quand je suis seul. Ma vie n’est pas une comédie musicale!» (Rires)

Pleurer au fond des mascottes, Simon Boulerice, collection III, Québec Amérique.

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