«Ce que j’aime, c’est raconter la vie et ce que j’y vois. J’ai l’impression d’avoir une caméra dans chaque oeil», s’enthousiasme l’ex-journaliste de 59 ans dans un café de la région parisienne. C’est une scène de violence dont elle a été témoin qui a donné naissance à Muchachas («filles», en espagnol), une trilogie dans le sillage de la précédente, vendue à plus de six millions d’exemplaires et traduite dans une trentaine de langues. On renoue avec certains de ses personnages, notamment la belle Hortense Cortès, une designer de mode en cavale à New York avec son amoureux musicien, et on en découvre aussi de nouveaux, dont une Léonie battue à répétition par son mari, et sa fille Stella, victime d’inceste. «Partez à la première gifle.» C’est ce que Katherine Pancol souhaiterait dire aux femmes victimes de violence conjugale.
La romancière, qui reçoit des centaines de courriels chaque jour de ses fans de France et d’ailleurs, rêve de trouver un matin un message de la femme qu’elle a vue se faire battre à la terrasse d’un café en juin 2010, lorsqu’elle était de passage dans un petit village français.
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Elle a pris soin de préciser, à la fin du premier tome de Muchachas, le nom de la localité où elle a assisté, impuissante, à l’agression, la date de l’évènement ainsi que la manière dont il s’est déroulé. Un homme a frappé sa conjointe, enceinte, devant leurs deux petits garçons. Quand la femme, mal en point, s’est levée pour aller aux toilettes, Katherine Pancol l’a suivie, mais le mari a tassé l’intruse contre le mur. «Il m’a dit: « Si tu lui parles, je la tue. » Je n’ai rien pu faire. Je me dis que si cette femme lit la note à la fin de mon roman, elle va savoir que j’ai écrit ce livre pour elle.»
Un territoire habité
Au départ, elle n’avait pas l’intention de ramener dans le décor Hortense et les personnages entourant le clan de la famille Cortès. Ça s’est fait malgré elle, précise la romancière. «C’est comme s’ils faisaient partie de ma famille. Ils sont vivants pour moi: ils existent. Quand j’ai décidé d’écrire Muchachas, je prévoyais entrer directement dans l’histoire de Stella et Léonie, mais ce n’est pas ce qui s’est passé. La première phrase qui m’est venue en tête, et qui m’a fait beaucoup rire, provient d’Hortense: « Que les gens sont laids, pas étonnant que j’aie autant de succès. »»
Les héroïnes de Katherine Pancol cherchent à être libres, à s’affirmer. Ce besoin est particulièrement fort chez les femmes, selon l’auteure. «Elles ont encore du chemin à faire parce qu’elles partent de loin. Les hommes ont toujours eu une place dans la société. C’est facile pour eux d’accéder au marché du travail. Ce l’est moins pour les femmes. En France, même si la situation change peu à peu, elles demeurent moins payées que les hommes.»
Rompre les chaînes
Katherine Pancol, qui est divorcée et a une fille de 25 ans et un garçon de 24, ne se définit pas comme une féministe. «Je suis d’abord et avant tout pour le respect de l’être humain. Si j’avais vu un homme se faire battre, j’aurais été dans le même état. Je crois qu’on doit arriver à se faire respecter dans la vie et qu’il faut laisser aux autres leur place. On en a tous besoin. Sinon, c’est horrible: on devient des numéros et on cavale jusqu’au jour où on meurt. Je déteste qu’on me traite comme un numéro!»
Une femme libre: c’est ce qu’elle estime être. Et le succès qu’elle rencontre en tant que romancière n’a rien à voir avec ça, insiste l’auteure qui, après la publication en 1979 de son premier roman, Moi d’abord, vendu à 300 000 exemplaires, s’est enfuie à New York, où elle est restée une dizaine d’années. «J’ai toujours été libre. J’ai toujours fait ce que je voulais. Je crois que c’est le fait d’avoir survécu à une enfance difficile qui m’a donné cette liberté. Après, il est devenu impossible qu’on me mette dans une boîte. Quand vous en êtes sortie, on ne peut plus vous y remettre.»
Muchachas, de Katherine Pancol, Albin Michel, 2014, 29,95$.
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