Tout a commencé par une panne d’écriture. L’auteure travaillait sur un roman qui avait germé dans son esprit durant la maladie de son mari, Pablo (décédé en 2009). Et puis, le blanc. Elle ne s’est plus reconnue dans cet ouvrage, et l’a finalement abandonné. Au même moment, elle a reçu une demande de la part d’une éditrice: rédiger une préface en vue de la parution du bref journal intime de Marie Curie. Comptant une vingtaine de pages en tout, ce document a été écrit tout au long de l’année qui a suivi la mort accidentelle de son mari, Pierre Curie, en 1906.

Il avait 47 ans, elle en avait 38. Ils étaient mariés depuis 11 ans, avaient deux filles. Marie Curie, dévastée, s’est alors murée dans le mutisme, ne révélant qu’à son journal, adressé à son mari, son désespoir et sa peine, son manque absolu de lui. Froide au-dehors, bouillonnante à l’intérieur. Lisant ce cahier, Rosa Montero y a vu sa propre souffrance après la mort de son mari.

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La douleur terrible qui assomme, la défaillance des mots, l’impossibilité d’exprimer quoi que ce soit. Elle compare la souffrance aiguë du deuil à un accès de folie. Comment faire son deuil, d’ailleurs? Elle a bien essayé, en tâchant de se conduire comme il se doit, en tentant de se ressaisir. Elle a pris son affliction comme une maladie «dont il fallait guérir au plus tôt». Et, en cela, elle a eu tout faux. Trois ans après la mort de son mari, elle a fini par convenir que «ce n’est pas possible de redevenir qui vous étiez». Par contre, concède-t-elle, «la réinvention existe». Tout porte à croire que le fait de plonger dans la vie de Marie, d’éplucher ses biographies, de se documenter sur elle, encore et encore, avec une admiration grandissante a amené Rosa à se renouveler, d’une certaine façon. Et à retrouver le goût d’écrire.

Ainsi, on retrouve, dans L’idée ridicule de ne plus jamais te revoir, des extraits tirés du journal intime de Marie Curie, mais aussi de sa correspondance, ainsi que des biographies qui lui ont été consacrées, tout comme on plonge dans les souvenirs, les réflexions et les émotions de Rosa. Cela alterne, sans lien apparent, et pourtant, cela nous prend, nous chavire, nous soulève, nous amène à plusieurs remises en question, sur la manière dont nous menons notre vie, le sens que nous lui donnons. Et la façon que nous avons de porter nos morts.

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