Attention. Vous ouvrez ce livre à vos risques et périls. Car une fois cette étape franchie, il est impossible de le lâcher. Mauvaise étoile, de l’Anglais R.J. Ellory (Sonatine), est un thriller haletant comme ce n’est pas possible. Mais noir, tellement noir. La scène d’ouverture donne le ton. Un homme tue sa conjointe à coups de bâton de baseball. Les deux fils de cette femme, Clarence, 5 ans, et Elliott, 6 ans et demi, nés de pères différents, assistent à la scène. Ils dormiront deux jours avec le cadavre de leur mère. Leur calvaire ne fait que commencer. Seuls au monde, ils seront placés dans un orphelinat. Puis, ils connaîtront les maisons de correction: mauvais traitements, abus sexuels, dureté généralisée. Heureusement, ils se soutiennent l’un l’autre, se montrent solidaires, se complètent d’une certaine façon. Jusqu’à ce qu’un tueur fou, évadé de prison, les prenne en otage – un psychopathe qui tue sans retenue, sans remords. Les voici en cavale sur les routes du Texas, la police à leurs trousses. Les meurtres sanglants, d’une violence sans nom, s’accumulent.

Pas de répit. Pas de lumière. Ou très peu. Par toutes petites touches. Ce qui nous retient, mis à part la redoutable efficacité narrative: la profondeur psychologique des personnages. Cette façon qu’a l’écrivain de fouiller jusqu’aux tréfonds les motivations de chacun, même les plus tordues. Comment expliquer la déviance, l’emprise du mal, la folie meurtrière? Comment démêler l’inné de l’acquis? Comment opère ou n’opère pas la résilience? Comment expliquer que, devant la même situation, deux garçons traumatisés, tous les deux nés sous une «mauvaise étoile», comme on dit, réagissent de façon tout à fait opposée? Ce livre, dont l’action se déroule dans les années 1960, nous amène inlassablement à nous poser ce genre de questions. Des questions qui, de toute évidence, ne cessent d’obséder son auteur, qui a lui-même connu, enfant, l’orphelinat et qui a goûté, dans sa jeunesse, à la prison.

On a découvert R.J. Ellory avec Seul le silence, un polar défiant les lois du genre, empreint d’une rare humanité malgré sa sordide histoire de meurtres en série perpétrés sur des enfants. Depuis, on a pu apprécier ses intrigues machiavéliques dans plusieurs thrillers: Vendetta, Les anonymes, Les anges de New York. Mais jamais encore l’auteur britannique n’avait égalé la puissance de son premier livre. Avec Mauvaise étoile, il s’en approche dangereusement. Car en dépit de la noirceur dans laquelle il nous entraîne, il réussit encore une fois à nous émouvoir, par la dose d’humanité qu’il insuffle à son histoire.

À DÉCOUVRIR:

L’appel du coucou, de Robert Galbraith 

Sous la surface, de Martin Michaud