S’entretenir avec Sarah-Maude Beauchesne, même dans un contexte de Zoom plutôt froid, c’est couper court à la bullshit. Au plus vite. Et à mon grand bonheur. «Je dois t’avouer que je ne sais pas comment vivre ma vie autrement, dit simplement Sarah-Maude. J’haïs le small talk et les gens fake. Je suis incapable de ne pas être honnête, et j’ai de la difficulté à gérer les personnes qui ne le sont pas avec moi. Pour mon écriture, c’est la même chose. Je sais que je choque parfois les gens avec mes mots, mais je ne peux pas m’en empêcher. Ça sert à quoi d’avoir une tribune si c’est pour dire la même chose que les autres? À rien.»

Le ton est donné. Et c’est dans ce même état d’esprit que l’autrice a fait naître Au lac D’Amour, un court roman sensuel et gourmand racontant l’histoire de Joséphine, qui passe l’été de ses 20 ans à travailler au domaine D’Amour, et qui y revoit, du même coup, ses amis d’enfance: les trois frères D’Amour. Un roman, je dois l’avouer, dont je me serais tant délectée si j’avais eu la chance de le lire dans ma jeune vingtaine. «C’est exactement pour cette raison que je l’ai écrit, me confirme Sarah-Maude. Quand j’avais 18 ans, tout ce que je lisais dans les livres par rapport aux garçons, aux autres filles, à la sexualité et au désir, ça ne représentait pas ce qui se passe dans la vraie vie. J’ai donc eu envie de célébrer toutes les sensations intenses qu’on vit à cet âge.»

Au lac D’Amour, de Sarah-Maude Beauchesne, Les Éditions de la Bagnole, en librairie le 29 septembre.

Onde sensuelle

S’étant mise à l’écriture de ce roman en plein cœur de la pandémie, l’autrice s’était promis une chose: éviter à tout prix le drame. «Il y a des tomates ancestrales, de l’huile d’olive, du sel, du poivre, des cunnis et un lac dans ce livre… c’est tout!», dit-elle, le regard joueur. Et pour quiconque connaît un tant soit peu l’œuvre de Sarah-Maude (Les fourchettes, Cœur de slush, L’Académie), on peut affirmer sans se tromper que la sexualité est un de ses thèmes de prédilection. Au lac D’Amour ne fait d’ailleurs pas exception à la règle. «Pour ce roman, j’avais un agenda! Par exemple, c’était important pour moi que Joséphine ait des rapprochements avec tous les personnages. No shame. Elle a envie de vivre des affaires nouvelles: elle les vit. Point. Ce n’est que de l’impulsion et de la spontanéité.»

Et qui dit sexualité assumée dit évidemment consentement, dans tout ce que ce concept possède d’érotisant. «Il faut parler de consentement, le voir à l’écran et le lire dans les livres pour qu’il soit bien compris. Les gars qui sont insultés de devoir demander la permission avant de poser un geste n’ont rien compris à la sensualité. C’est tout simple: “Est-ce que je peux faire ça?” C’est si excitant!» Puis, elle ajoute, comme un complément d’information auquel on doit tous et toutes réfléchir: «C’est aussi voulu qu’il n’y ait pas de relation avec pénétration dans mon roman. Plein de sexe, mais pas de coït. On comprend souvent trop tard que la sexualité hétérosexuelle pénis-vagin est plurielle.»

Mais on comprend bien assez vite à quel point tu es une autrice essentielle, Sarah-Maude.