TERRORISME NOUVEAU GENRE

ZULU

Caryl Férey (Gallimard)

C’est le roman qui a reçu en France le Grand Prix de littérature policière 2008. On comprend pourquoi! L’auteur, un Breton de 41 ans, déjà honoré pour ses polars précédents, nous tient en haleine du début à la fin. Et nous glace le sang à tout moment. Son héros, un Zoulou d’Afrique du Sud qui dirige la police criminelle à Cape Town nage en plein chaos. Des jeunes filles blanches fortunées sauvagement assassinées, de nouvelles drogues qui font leur apparition sur le marché et le sida qui décime la population: le tableau est sombre, très sombre. De leur côté, des bonzes de l’industrie pharmaceutique – alliés aux mafias locales – fomentent en secret un plan terroriste cauchemardesque, tellement maléfique qu’il dépasse l’entendement. Tout ça sur fond d’injustice sociale, de tensions raciales et interethniques qui donnent lieu à une violence sans nom. Ouf! Bienvenue dans l’Afrique du Sud post-apartheid, post-réconciliation nationale!

homme.jpgTERRORISME À GRANDE ÉCHELLE
UN HOMME TRÈS RECHERCHÉ
John Le Carré (Seuil)

Un jeune Tchétchène débarque clandestinement en Allemagne. Une famille turque de Hambourg l’accueille, le prend sous son aile. Mais la police le poursuit, se méfie de lui. S’il était lié à un réseau de terroristes islamistes? Les services de renseignements allemands, mais aussi britanniques et américains s’en mêlent… pour ne pas dire s’emmêlent! Caustique au possible, Le Carré. Au sommet de sa forme. Cette façon qu’il a de dépeindre le climat de paranoïa d’après le 11 septembre et de montrer du doigt les dérives de la lutte au terrorisme… Saisissant! Pourtant, on sent derrière tout ça une profonde humanité, une réelle compassion envers les hommes et les femmes ordinaires aux prises avec des enjeux qui les dépassent. Un tour de force de la part de cet auteur de 77 ans.

 

 

 

 

 

bagdad.jpg TERRORISME DE TOUS LES JOURS
ULYSSE FROM BAGDAD
Eric-Emmanuel Schmitt (Albin Michel)

C’était un défi de taille: se mettre dans la peau d’un immigré, un clandestin irakien, considéré comme un paria, et s’identifier à lui complètement. Nous faire vivre de l’intérieur le caractère tragique de cette condition. Nous faire vivre de l’intérieur, aussi, l’enfer qu’a vécu la population irakienne, d’abord durant la dictature sanglante de Saddam Hussein et les années d’embargo, et après, avec tous les faux espoirs amenés par la libération américaine… Un immense défi, oui. Que l’auteur français, un des plus lus dans le monde, relève haut la main. Même si les ficelles sont un peu grosses, que le message est surligné au passage, l’ébranlement est constant.
   
   

Trois incontournables réédités en poche


russe.jpgUn roman russe
Emmanuel Carrère (Folio)

Un livre exceptionnel, porté par un souffle puissant. Le premier que l’auteur de L’adversaire et de La classe de neige écrit au je. Son plus intime aussi. Tandis qu’il erre dans un village isolé en Russie, voit la folie et l’horreur en face, c’est sa propre vie qui vole en éclats. Son histoire familiale le rattrape. À commencer par ce grand-père d’origine russe, assassiné à Bordeaux en 1944 pour faits de collaboration. Un secret honteux, jamais divulgué. Et puis il y a sa relation amoureuse qui prend l’eau, sombre dans l’autodestruction. C’est un homme traqué par ses obsessions qui se livre ici,en toute authenticité. C’est terriblement triste et très beau. •

 

 

 

 

abri.jpgÀ l’abri de rien
Olivier Adam (Points)

C’est Marie qui parle. Une jeune mère de famille démunie, dépressive. Elle raconte sa vie morne. Puis, sa rencontre avec un homme qui vit bien pire qu’elle, un sans-abri, un sans-papier, un sans rien. C’est le genre de livre qui s’insinue en nous, tandis qu’on plonge dans la détresse humaine. C’est extrêmement touchant, bouleversant.

 

 

 

 

 

 

 

 

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Camille et Paul.
La passion Claudel

Dominique Bona
(Le Livre de poche)

Une biographie croisée du frère et de la soeur. Lui, Paul Claudel, poète et écrivain reconnu, qui a fait carrière comme haut fonctionnaire et s’est réfugié dans la foi; elle, Camille Claudel, sculptrice de génie, qui a passé les 30 dernières années de sa vie dans un asile d’aliénés. L’auteure passe au peigne fin leur relation fusionnelle, tourmentée. Un document d’une rare qualité, plein d’intensité, salué en France par le Grand Prix des Lectrices de Elle 2007.

papa.jpgOÙ ON VA, PAPA?

Jean-Louis Fournier (Stock)

L’histoire
Celle de l’auteur, père de deux enfants lourdement handicapés, physiquement et mentalement. L’un mort à l’adolescence. L’autre toujours vivant, âgé de plus de 30 ans.

Ce qui vous fera succomber
1. Le ton, pas le moins du monde larmoyant. Au contraire: hyper cinglant.

2. La grande tendresse qui perce néanmoins. Celle d’un père pour ses enfants, tels qu’ils sont.

3. Le miroir qu’il tend, à tous les parents et futurs parents. Qui n’a jamais craint de mettre au monde un enfant anormal? «Tout le monde y pense, comme on pense à un tremblement de terre,comme on pense à la fin du monde, quelque chose qui n’arrive qu’une fois. J’ai eu deux fins du monde», écrit-il.

Notre avis
C’est un livre singulier, atypique, qui se lit d’un trait. C’est une leçon de vie. En remettant à son auteur le prix Femina en novembre dernier, le jury a dit que ce livre faisait du bien aux gens.
Et étrangement, c’est vrai.

 

 

BIBLIO-ELLE

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La Bête
de Francis Léveillée et Ève Dumas (La Pastèque)

La cigogne s’annonce-t-elle pour bientôt chez vous ou chez vos amies? Si oui, voici le livre à offrir à bébé, mais que les parents se chargeront de remplir. Du genre: dates du premier sourire, de la première dent, du premier pas… Un livre de naissance, oui, mais réinventé. Au-delà des clichés. Plein d’humour, de trouvailles. Super original.

 

prince.jpgLe Petit Prince,
de Joann Sfar d’après l’oeuvre d’Antoine de Saint-Exupéry (Gallimard)

Une bédé magique pour s’émerveiller comme quand on était enfant et qu’on croyait que le Petit Prince existait pour  de vrai. Et qu’on avait peur autant que lui pour sa rose… «On ne voit bien qu’avec le coeur», reprend à son tour le bédéiste français de 37 ans dans cet album librement inspiré du chef-d’œuvre de Saint-Ex. Magnifique!

On ne naît pas féministe, on le devient.

 

groult.jpgMON ÉVASION
Benoîte Groult (Grasset)

L’auteure a été une petite fille modèle, une adolescente complexée, puis une épouse soumise, une mère de famille dévouée. Avant de se rebeller et de devenir, à l’orée de la cinquantaine, une féministe convaincue. Le déclic: sa découverte des mutilations sexuelles que subissent les femmes, notamment en Afrique. Découverte qui allait donner lieu en 1975 à un essai percutant: Ainsi soit-elle, vendu à plus d’un million d’exemplaires. À 89 ans, cette battante qui a subi plus d’un avortement clandestin, s’est mariée trois fois et a eu plusieurs amants, fait le bilan de sa vie. Avec lucidité et humour. Tout en sachant que la mort est au bout.

 «Je n’ignore plus que la mort est tapie non loin désormais, guettant sa proie sous ses paupières de crocodile qui ne dort jamais. Je me berce encore de l’espoir qu’elle n’abattra pas sa griffe sur moi de sitôt, mais je sais qu’elle a plus d’un tour dans son sac. Par quelle grâce parvient-on à l’oublier? Par quels stratagèmes réussit-on encore à jouir de la beauté du monde, du bonheur d’écrire et du plaisir de se réveiller chaque matin? Il faut se garder d’approfondir la question. Un malheur est si vite arrivé… »