FACE À FACE AVEC LA VIE

La ballade de Baby
Heather O’Neill (10/18)

«Il m’a assuré qu’il reviendrait dans un mois. Je savais bien que son absence durerait plus longtemps, il ne revenait jamais à la date prévue.» C’est Baby, 12 ans, qui parle. Son père est héroïnomane. Les cures répétées n’y changent rien, il finit toujours par retomber. La petite n’a personne pour veiller sur elle. Sa mère est morte un an après sa naissance. Oh, il y a bien, de temps en temps, un lit et un couvert qui l’attendent dans une famille d’accueil recrutée par les services sociaux. Sinon, elle erre, dans le Red Light de Montréal. Elle fraye avec la racaille, s’enlise dans la délinquance, la drogue, la prostitution. Ça ressemble à un beau gâchis. Pourtant, quelque chose en elle crie au secours, rêve d’une autre vie. Et il y a son père. Son père poqué, défoncé, d’accord. Mais qui l’aime, même mal. Qui l’attend au bout du tunnel. Wow! Quel livre! La ballade de Baby est le premier roman d’une Anglo-Montréalaise de 34 ans. Vendu à des dizaines de milliers d’exemplaires, couronné de prix, le récit ressemble à un exploit: on est là, dans la tête de l’enfant, on voit le monde à travers ses yeux, on ressent ce qu’elle ressent. Et en même temps, cette petite, on voudrait tant la prendre dans nos bras.

FACE À FACE AVEC LA MORT

Mort d’une inconsolée –
Les derniers jours de Susan Sontag

David Rieff (Climats)

C’est un livre écrit du point de vue du survivant. Qui s’en veut absolument. S’en voudra toujours d’avoir fait ceci, de ne pas avoir fait cela, d’avoir été trop froid à tel moment, de ne pas avoir parlé quand c’était le temps, de ne pas avoir pris l’autre dans ses bras, tout simplement. C’est à la fois universel et très, très particulier. Universel, parce qu’il s’agit d’un affrontement avec la mort. Particulier, parce que celle qui meurt, à 71 ans, d’une leucémie, s’appelle Susan Sontag. Intellectuelle new-yorkaise, femme de gauche, féministe, francophile, la romancière et essayiste laisse derrière elle une quinzaine d’ouvrages traduits dans plus de 30 langues. C’est son fils, grand reporter pour le New York Times Magazine, qui raconte comment, jusqu’au bout, elle a refusé de baisser les bras: «Elle est morte comme elle a vécu, c’est-à-dire irréconciliée avec la mort.»SUGGESTIONS DE ROMAN QUÉBÉCOIS

Je suis un écrivain japonais,
de Dany Laferrière (Boréal)

Non, il n’avait pas dit son dernier mot. L’auteur de Comment faire l’amour avec un nègre sans se fatiguer revient au roman. Mais il se glisse dans la peau d’un écrivain… qui n’écrit pas. Il ne pond pas l’ouvrage promis. Il rêve, il lit, il erre. À quoi bon noircir des pages? Son roman – qui se résume finalement à un titre – fait déjà sensation! Savoureux.

La machineà orgueil,
de Michel Vézina (Québec Amérique)

Des mots qui «fessent», une langue qui claque. C’est la marque de l’auteur d’Asphalte et vodka. Il nous offre cette fois un roman sur le suicide. Ou plutôt: sur ce qui fait qu’on décide de ne pas en finir malgré le désespoir, malgré tout. Une leçon de vie, oui!