Pourtant, ce n’est pas tellement le suspense qui nous tient sur la corde raide dans Que ta volonté soit faite (Albin Michel), mais la façon dont on s’enfonce dans une violence de plus en plus terrifiante. Par le truchement d’un psychopathe, mis en scène depuis sa naissance jusqu’à son ultime agression. C’est dans un bled perdu du Midwest américain, où tout le monde se connaît et où les clans religieux se regardent en chiens de faïence, qu’il grandit. Et c’est là aussi qu’il sévit. On le suit depuis le début des années 1960 jusqu’aux années 1980.

Ça commence alors qu’il est encore tout petit et qu’il vit dans l’asocialité totale, sur une ferme isolée, auprès d’un grand-père acariâtre et revanchard. 
Il prend d’abord un malin plaisir à détruire des fourmilières, à faire brûler des insectes. Sentiment de domination jouissif.

Jon Petersen ne tarde pas à s’en prendre sauvagement à un élève de son école, qui l’a ridiculisé. Il aime bien aussi martyriser et tuer les chats et les chiens de ses voisins plus ou moins éloignés. Ainsi de suite.

À l’adolescence, il commet son premier viol. Extase suprême. Il y prendra goût. Le mal est en lui. Comme un besoin irrépressible, une pulsion incontrôlable, animale. La rage le consume. Il ne cherche qu’une chose, à savoir comment «libérer la pression» en lui. Il devient néanmoins un homme, un mari, un père comme les autres. En apparence. Car, en privé, il est infect avec les siens, d’une cruauté sans nom. Sa femme et son enfant savent de quel bois il se chauffe; ils adoptent un profil bas, de plus en plus bas, jusqu’à devenir l’ombre d’eux-mêmes.

Et voilà que ça ne lui suffit pas. Voilà qu’il doit de nouveau passer à l’acte. Encore et encore. Une fois de trop: ça finira par le perdre… à notre plus grande satisfaction. On le hait tellement! Le pire, c’est qu’à la toute fin du roman, on se rend compte qu’on a été manipulée, jusqu’à un certain point. Par l’auteur, qui nous prévenait dans l’avant-propos qu’il ne voulait surtout pas être confondu avec son narrateur. Un narrateur mystérieux, dont on devinera l’identité dans les dernières pages seulement, et qui nous prendra alors à partie. On assistera aussi à un retournement de situation imprévisible. En fin de compte, un roman sans concessions, limite diabolique. Et extrêmement troublant.  

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