Et parce que cet écrivain tchèque établi en France depuis près de 40 ans compte parmi les plus grands de notre époque. Parce qu’il est un des rares qui ont fait leur entrée dans la Pléiade de leur vivant, parce qu’il est traduit dans plus de 30 langues, qu’il a reçu de nombreux honneurs, dont le Grand Prix de littérature de l’Académie française pour l’ensemble de son oeuvre en 2001. Parce que son roman L’insoutenable légèreté de l’être, adapté au cinéma avec Juliette Binoche et Daniel Day-Lewis dans les rôles principaux, est un des plus marquants qu’on ait lus. Parce que celui que nous offre Kundera aujourd’hui, La fête de l’insignifiance, pourrait bien être son dernier, qui sait? Parce qu’on y célèbre la légèreté, l’ironie, la bonne humeur. Et que ça fait du bien de rire de soi, des autres, de nos comportements, de notre époque. De notre insignifiance?

On se trouve parmi un groupe d’amis, aujourd’hui, à Paris. Tous des hommes. L’auteur nous les présente d’abord un à un, puis ensemble, notamment à l’occasion d’une fête qui s’avère on ne peut plus insignifiante. Rien à comprendre des comportements erratiques, inattendus, des invités. Voilà le fil narratif, ténu, de La fête de l’insignifiance. Un prétexte, en somme, car l’intérêt du livre réside dans les réflexions qu’il suscite. Et dans l’amusement qu’il provoque.

Parmi les scènes qu’on retient, il y a celle qui ouvre le roman. Un homme se promène et observe les jeunes filles dans la rue. Il constate qu’elles ont à peu près toutes le nombril dénudé. Ça le fascine en même temps que ça le trouble. Comment expliquer que l’arme de séduction féminine ne soit pas les cuisses, les fesses ou les seins, mais, comme l’écrit Kundera, «ce petit trou rond situé au milieu du corps»? Pourquoi cette obsession du nombril?

Toutes sortes de considérations sur la séduction, thème cher au romancier, parcourent le récit. Un homme, entre autres, est persuadé que le meilleur moyen de séduire une femme est de se montrer non pas brillant mais, au contraire, complètement insignifiant. Ainsi, la femme ne sent pas le besoin d’entrer en compétition et de briller elle aussi. Ça la libère, ça la rend insouciante et, du coup, plus facilement accessible…

Il y a le mensonge, aussi, la tromperie qui occupent une bonne place dans le roman et qui donnent lieu à des scènes plutôt jouissives. Et il y a une image qui revient souvent: celle des «excusards ». Pourquoi dans la vie certaines personnes passent-elles leur temps à s’excuser pour tout et pour rien, alors que d’autres n’hésitent pas à vous bousculer en se croyant tout permis? Parmi les questions qui se posent en filigrane: qu’est-ce qui motive nos gestes? Qu’est-ce qui est logique, qu’est-ce qui ne l’est pas? Qu’est-ce qui a du sens, qu’est-ce qui n’en a pas?

On referme le livre sans trop savoir quoi penser. Aucune conclusion, aucune morale. Mais une bonne humeur communicative. Surtout, pas question de se prendre trop au sérieux. (Gallimard)  

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