Ce printemps, elle incarne la magistrale peintre américaine Joan Mitchell sur la scène de Duceppe dans Le projet Riopelle, de Robert Lepage.

On l’a vue camper une chipie égocentrique dans l’émission Un lien familial, mais la douce voix flûtée et la politesse exquise de la comédienne en entrevue achèvent de nous convaincre qu’elle peut interpréter des personnages qui sont fort éloignés d’elle. Elle sera d’ailleurs une redoutable assoiffée sanguinaire dans le film Vampire humaniste cherche suicidaire consentant, d’Ariane Louis-Seize, qui sortira plus tard cette année, en plus d’être de la distribution, l’automne prochain, du nouveau téléroman Sorcières et de la suite de la comédie Contre-offre.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que les rôles affluent vers cette actrice caméléon, qui a été formée au Conservatoire d’art dramatique de Québec et qui était omniprésente sur les planches de cette ville, où elle avait même sa propre compagnie de création. C’est donc avec une allégresse effervescente qu’elle s’investit à nouveau intensément dans le théâtre… cette fois, sous la direction de Robert Lepage. N’est-ce pas le rêve de tout interprète de jouer pour ce virtuose de la mise en scène à la réputation internationale? «Oui, je suis dans mon rêve… mais il est concret. Robert est un grand visionnaire; il a de fabuleuses intuitions. Ça m’éblouit. Néanmoins, mon travail reste le même. Parfois, je ne me trouve pas bonne et parfois, je suis fière de moi. Aux trois quarts du processus, je pense que je n’y arriverai pas, qu’il y a trop d’incertitudes. Heureusement, lors de notre dernier laboratoire, j’ai ressenti cette affaire-là, qui revient toujours et qui me dit: “Oui, ça va le faire!”»

«Oui, je suis dans mon rêve... mais il est concret. Robert Lepage est un grand visionnaire; il a de fabuleuses intuitions. ça m’éblouit. »

Dans ce portrait du célèbre peintre Jean Paul Riopelle, elle jouera entre autres en compagnie de Luc Picard et d’Anne-Marie Cadieux. Elle partage d’ailleurs avec celle-ci le personnage de Joan Mitchell — elles l’incarnent à deux âges différents —, une artiste que Noémie connaissait peu, mais pour laquelle elle a maintenant une profonde fascination. «C’est un talent immense! Au cours du processus de création et de la recherche que j’ai faite pour me préparer au spectacle, j’ai découvert une femme très complexe, qui a laissé une œuvre qui me parle au boutte. Toute cette abstraction, ces couleurs… c’est sensible et magnifique. J’ai acheté plein de livres sur elle, que je consulte quand j’ai besoin de beauté.» Or, cette avant-gardiste, qui a partagé avec Riopelle une passion des plus orageuses, a terminé ses jours «dans la maladie, la souffrance et la solitude. En ce qui me concerne, ce serait mon pire cauchemar», dit Noémie.

Un rôle riche, donc, dans une pièce fleuve de quatre heures, qui non seulement esquisse la vie du peintre, mais illustre l’évolution du Québec au 20e siècle. D’ailleurs, un élément du spectacle interpelle tout particulièrement l’actrice: «Le Refus global, ce manifeste pour un Québec nouveau [publié en 1948], a provoqué de grands changements, et on est peut-être mûrs pour ça.» Et en quoi consisterait le manifeste de Noémie? «On est tellement polarisés: on sent le besoin de se camper dans des certitudes, où il n’y a pas de place à la nuance. Je souhaiterais un manifeste d’amour, qui nous amènerait à nous rencontrer, à communiquer avec plus de compréhension, avec plus de tendresse pour soi et pour l’autre.» Où est-ce qu’on signe?

Le projet Riopelle, jusqu’au 9 juin, chez Duceppe

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