C’est en apercevant la photo de presse du personnage d’Irina de la pièce Les 3 Sœurs, de Tchekhov, tout en cheveux, avec ce je-ne-sais-quoi d’hypnotisant dans le regard, que j’ai voulu en savoir davantage sur cette actrice en pleine ascension.

«C’était la première fois que j’étais seule sur une photo pour un projet de cette envergure», dit-elle en enroulant une mèche de sa longue chevelure rousse autour de ses doigts fins. «Je suis très contente du choix final. Cela dit, quand je regarde ce cliché, je ne me vois pas: je vois le personnage.»

Il suffit de passer quelques minutes avec Rebecca pour se rendre compte que, malgré son jeune âge – 27 sublimes printemps –, l’actrice n’en est pas à son premier tour de piste dans la sphère théâtrale. «Je fais du théâtre depuis l’âge de sept ans. Enfant, j’avais beaucoup d’énergie, d’intensité, et mes parents ont trouvé un moyen pour que je canalise tout ça. Le jeu, ç’a presque été un appel pour moi. J’ai vite compris que c’était ce que je voulais faire.»

Ses grands yeux pers s’illuminent, signe d’un souvenir précieux qui refait surface. «Tout de suite après l’école secondaire, je suis partie un an en Biélorussie, pour Demain le Printemps: école de théâtre soviétique, où on enseigne selon les méthodes de Stanislavski et de Meyerhold. J’étais la plus jeune élève. Les profs y parlaient uniquement russe, mais ils étaient traduits simultanément en français.»

Elle en reviendra transformée, avec l’impression d’avoir vécu «quatre années en une seule». Puis, les rôles dans les pièces de théâtre se sont succédé, jusqu’à ce fameux jour d’une fascinante étrangeté. «J’étais en répétition pour la pièce L’idiot, de Dostoïevski, avec Macha Limonchik. Macha m’a tout bonnement demandé quel rôle je souhaiterais jouer dans le futur. J’ai instinctivement répondu: “Irina dans Les 3 Sœurs, de Tchekhov.” Eh bien, trois jours plus tard, je recevais une invitation à aller passer l’audition pour ce rôle! J’en pleurais.»

À la répétition suivante, Rebecca ne manque pas de poser des questions à Macha, histoire de savoir si elle a tout orchestré à son insu. Mais il n’en est rien. «Je te jure, Macha Limonchik, c’est une sorcière. Elle a un don. Quand elle pense à un acteur ou à une actrice pour un rôle, ça se passe.»

Alors, sorcellerie ou pas, Rebecca sera sur les planches du TNM pour interpréter Irina, ce personnage tant convoité, du 3 au 28 mars. Et elle ne tarit pas d’éloges pour son créateur. «Tchekhov est un de mes auteurs préférés, mais aussi un des plus difficiles à jouer, car ses pièces nécessitent une connaissance de la douleur, une profondeur particulière, une expérience de vie. De son côté, René Richard Cyr, le metteur en scène, nous pousse à nous rapprocher de notre vérité. Quand les gens disent que les acteurs sont de bons menteurs, c’est faux. Au contraire, il faut être un canal ouvert, avoir une pureté d’intention, enlever toute la boue sur nos ailes, pour que le public puisse se reconnaître. Et on se reconnaît dans Les 3 Sœurs… et on rit de nous-mêmes!»

Les 3 soeurs, au TNM du 2 au 28 mars.

William Arcand