Avouons-le, les «filles de» et les «fils de» nous intéressent. En naissant déjà célèbres, ils héritent à la fois d’une chance et d’un fardeau. Fille de Jane Birkin et du réalisateur Jacques Doillon, demi-soeur de Charlotte Gainsbourg, Lou Doillon a toujours été associée à l’une des familles les plus glamour de France – les Birkin-Gainsbourg – sans en faire totalement partie. Elle a longtemps fait la fête, menant avec désinvolture ses carrières d’actrice et de mannequin. Jusqu’au jour où, en 2012, elle a enregistré son premier album, Places. Et trouvé sa voie, à 29 ans: elle serait musicienne. Elle revient aujourd’hui, à 36 ans, avec un disque ambitieux, Soliloquy.

Comment décririez-vous votre nouvel album?
Je voulais qu’il y ait des violons, des claviers, plus d’arrangements qui créent une ambiance parfois cinématographique, épique. Mon précédent album était austère, dépouillé, avec surtout de la guitare folk. Cette fois-ci, je souhaitais mettre en avant un côté théâtral. Ne plus être seulement dans la confidence, mais faire la part belle à la mise en scène.

Pourquoi un tel changement?
Longtemps, j’ai été malléable, au service des autres. Quand je suis devenue chanteuse, en 2012, j’ai voulu me mettre à nu, être le plus authentique possible. Aujourd’hui, grâce à la musique, je me rends compte qu’on peut être soi à travers un personnage, que c’est peut-être en étant fardé qu’on se rapproche le plus de son être profond.

Est-ce lié au fait que vous ayez davantage confiance en vous?
Oui, certainement. Il y a un an et demi, un événement a beaucoup changé ma manière de voir les choses. Le chanteur britannique Richard Hawley m’a invitée à venir chanter à Sheffield, une ville industrielle du nord de l’Angleterre. Personne ne me connaissait là-bas. Il m’a dit: «Tu verras, le public ici est assez direct. Soit les gens adorent ce que tu fais, soit ils te jettent des bières à la figure…» J’étais terrorisée. Mais, finalement, ça s’est très bien passé. J’ai pensé que c’était mon métier maintenant, que j’étais devenue une chanteuse professionnelle. On peut aimer ou pas, mais c’est ce que je fais.

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Crédit: Éric Guillemain

 

Qu’avez-vous fait ces trois dernières années, depuis la sortie de l’album Lay Low en 2015?
De la musique et encore de la musique! C’est une boucle de trois ans. On passe un an à écrire des chansons dans son coin, seule, dans une démarche assez introspective. Puis il y a l’année où l’on travaille avec des musiciens et des producteurs qui aident à mettre en forme la musique, à l’enregistrer. Ce sont des moments de complicité magiques. Enfin, la troisième année, on s’ouvre vers l’extérieur: on fait la promo, on part en tournée – une étape que j’adore –, on rencontre une foule de gens. Puis on revient au point de départ.

À quoi ressemble le quotidien en tournée?
C’est un mode de vie assez étrange. Toute la journée est consacrée au concert, qui ne va durer qu’une heure et demie. On aimerait pouvoir se balader en ville, discuter avec les gens, mais on n’a pas le temps et on n’est souvent pas très disponible, car on est déjà en train de se projeter mentalement vers le soir. Je me réveille vers 11 heures, je prends un café, et c’est déjà l’heure du test de son. Puis je fais du yoga, je me prépare pour le concert. Et quand on sort de scène, là on est plein d’énergie, on aimerait bien faire la fête. Mais j’évite les excès. Ça exige une telle concentration que je ne peux pas me permettre d’être fatiguée.

On a l’impression que vous êtes de plus en plus épanouie. Est-ce le cas?
Oui. Quand je vois des photos de moi à 18 ans, j’étais plus mignonne qu’aujourd’hui, mais il y avait une  telle peur de la vie dans mon regard… La nature est bizarrement faite: elle nous donne les meilleurs atours quand on ne se sent pas très bien et c’est quand on commence à aller mieux qu’on enlaidit! À 18 ans, j’avais envie de plaire. J’ai essayé d’être toutes les Lou qu’on voulait que je sois. J’ai mis très longtemps à revenir à ce que je suis.

 

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