Elles capturent les chats errants pour les faire stériliser avant de les relâcher dans leur milieu. Kidnappent des dindes destinées à l’abattoir. Soignent les bêtes abandonnées dans les refuges. Se battent pour le statut juridique des animaux. Publient des livres elles capturent les chats errants pour les faire stériliser avant de les relâcher dans leur milieu. kidnappent des dindes destinées à l’abattoir. Soignent les bêtes abandonnées dans les refuges. Se battent pour le statut juridique des animaux. publient des livres de recettes véganes. Manifestent contre l’utilisation des rats et des singes dans les laboratoires. Protestent contre l’élevage industriel, les jardins zoologiques, la fourrure.

Comme bien des domaines qui carburent à la compassion – les soins aux tout-petits et aux personnes âgées, par exemple –, le mouvement de défense des animaux est composé de 68 % à 80 % de femmes, souligne la professeure de sociologie et d’anthropologie Emily Gaarder dans Women and the Animal Rights Movement.

À la SPCA de Montréal, qui mobilise 126 employés et 400 bénévoles, près de 90 % du personnel est féminin, admet Élise Desaulniers, directrice générale de l’organisme. «On trouve la même proportion dans la plupart des organisations qui se consacrent aux animaux. Élise, également l’autrice de Défi végane 21 jours, affirme qu’en fait, la cause animale est le mouvement qui, depuis 150 ans, rallie le plus de femmes après le féminisme.

Au même rang que les animaux

Au 19e siècle, en Angleterre et aux États-Unis, ce sont des femmes qui fondent les premiers refuges pour les chats et les chiens errants», raconte Virginie Simoneau-Gilbert dans l’ouvrage Au nom des animaux – l’histoire de la SPCA de Montréal (1869-2019). «Comme elles sont confinées à la maison, elles trouvent une source de réconfort et de joie auprès des animaux domestiques, d’où la sympathie à leur égard, explique l’autrice en entrevue. Mais la composante historique intéressante, c’est que ces pionnières voient aussi dans la cruauté envers les animaux, comme les chevaux qui sont battus dans les rues, leur propre souffrance à elles.»

Les liens entre le féminisme et la cause animale ont longtemps été occultés, souligne le philosophe québécois Frédéric Côté- Boudreau. C’est comme si le «mouvement de libération des animaux» était apparu il y a quelques décennies avec les célèbres philosophes Peter Singer et Tom Regan. Pourtant, comme l’explique M. Côté-Boudreau, au 19e siècle, des suffragettes qui luttaient pour obtenir le droit de vote en Angleterre se battaient en même temps contre les expériences sur les animaux.

L’anthropologue Margo DeMello écrit dans son essai Animals and Society – An Introduction to Human-Animal Studies que ces militantes s’identifiaient aux bêtes torturées au nom de la science, parce qu’elles-mêmes se sentaient comme des cobayes. Elles étaient attachées par des sangles durant l’accouchement, subissaient des hystérectomies en silence… À cette époque, les femmes disposaient de peu de droits et étaient reléguées au bas de l’échelle, comme les animaux.

Un homme, ça mange de la viande!

Dans les années 1970, lorsque les luttes féministes se sont poursuivies, des militantes ont commencé à protester contre la violence exercée envers les femmes dans la pornographie. Certaines manifestaient dans la rue en criant: «On n’est pas des animaux!» Des mots qui sont loin d’être innocents, comme l’affirme Carol J. Adams, autrice de The Sexual Politics of Meat – A Feminist-Critical Theory. La militante américaine explique que le patriarcat, ou la domination masculine, repose sur deux choses: l’exploitation du corps féminin et celui des animaux. Elle donne en exemple des publicités qui associent le corps d’une femme et la viande juteuse à souhait. Sur l’une d’elles, des mains tiennent deux sandwichs ronds comme s’il s’agissait de seins. Sur l’autre, des lèvres rouges s’apprêtent en engloutir un sous-marin bourré de steak: It’ll blow your mind away (en référence à une fellation).

«Il existe un scénario inconscient dans notre société qui dicte qu’un homme doit manger de la viande et contrôler la femme sexuellement, mentionne Carol J. Adams en entrevue. Et ces pubs sont conçues pour renforcer ce scénario.»

La salade, c’est pour les filles!

Le documentaire The Game Changers, diffusé il y a quelques mois sur Netflix, donne la parole aux athlètes qui sont véganes et montre à quel point l’identité masculine est liée à la viande. Arnold Schwarzenegger, l’un des producteurs du film, avoue lui-même avoir englouti bien des steaks avant d’aller au gym. «Je viens d’un monde où la viande, ça rend fort, c’est viril», affirme le Terminator. La salade, c’est pour les filles. (De 63 % à 79 % des véganes sont des femmes, selon des études.)

Dans son essai Vache à lait – Dix mythes de l’industrie laitière, Élise Desaulniers fait un lien entre l’exploitation du corps féminin et celui des femelles sur les fermes – vaches, brebis, truies, poules – qui sont utilisées comme des machines, inséminées de force et séparées cruellement de leurs petits pour qu’on puisse traire leur lait et transformer leurs bébés en côtelettes. Ces femelles sont perçues comme de simples objets, alors que la science a prouvé qu’elles ressentent la douleur physique et mentale, comme tous les mammifères.

«L’élevage, la chasse, la pêche, le rodéo, la corrida étant largement dominés par des hommes, l’identité masculine se construit en partie sur la violence envers les animaux», affirme Axelle Playoust-Braure, titulaire d’une maîtrise en sociologie et études féministes de l’UQAM. «Remettre en question ces pratiques impliquerait une profonde refonte de la société et des identités. Montrer de l’empathie pour les animaux doit donc être perçu comme ridicule, comme de la sensiblerie. Les femmes compatissantes se font ainsi traiter de madame “chien-chien” ou d’hystériques. L’“affection exagérée” pour les animaux faisait d’ailleurs partie du Guide pratique des maladies mentales de 1893.»

Un animal a-t-il plus de valeur qu’un humain?

Heureusement, de grands courants de pensée viennent appuyer les militantes d’aujourd’hui, comme le souligne l’historienne Keri Cronin, qui a fondé avec la photographe Jo-Anne McArthur la plateforme numérique Unbound Project, recensant les femmes qui viennent en aide aux animaux sur la planète. Keri fait allusion au mouvement environnementaliste, bien sûr, qui stipule que consommer moins de viande réduirait les gaz à effet de serre et aiderait à préserver la biodiversité.

Il y a aussi la mouvance écoféministe, qui attribue au patriarcat le pillage éhonté des ressources et la débâcle environnementale; ainsi que le courant antispéciste, qui réfute l’idée qu’une espèce soit supérieure à une autre, y compris l’espèce humaine.

Lorsqu’on tient pour acquis que certains animaux valent plus que d’autres (pourquoi manger un agneau mais pas un chien?); lorsqu’on dit que la vie d’un humain vaut plus que celle de n’importe quel animal, on installe une hiérarchie de valeurs qui place en haut de la pyramide certains êtres (par exemple, le mâle blanc hétéro) jugés plus dignes ou plus intelligents que les autres, comme le résume la Québécoise Christiane Bailey, doctorante en philosophie et spécialiste en éthique animale. De cette pensée découlent toutes les autres formes d’injustices: envers les femmes, les personnes homosexuelles, racisées ou en situation de handicap, qui sont classées au milieu ou au bas de l’échelle. De là il n’y a malheureusement qu’un pas vers l’esclavage, le colonialisme, les génocides…

Marguerite Yourcenar, l’auteure des Mémoires d’Hadrien, disait qu’il y aurait moins de wagons de train amenant des humains à la mort si nous n’avions pas l’habitude de voir des camions où des bêtes agonisent en route vers l’abattoir. Une phrase qui résume à elle seule bien des horreurs.

Pour les Koalas

En janvier dernier, des femmes du monde entier ont fabriqué des pochettes pour les bébés kangourous et des mitaines pour les koalas brûlés par les incendies en Australie. La page Facebook de l’organisme animal Rescue Craft Guild, qui fournissait les patrons, a vu son nombre de membres majoritairement féminins passer de 900 à plus de 230 000 en quelques jours.

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