Dans la série-culte Mad Men, dont la cinquième saison sera présentée en 2012, Don Draper, est un publicitaire mystérieux, laconique, tout en retenue. Il est aussi d’un chic vertigineux, millésimé début des années 1960. Tellement élégant, en fait, que son style a inspiré des collections de prêt-à-porter pour hommes et suscité un regain d’intérêt pour la pommade à cheveux. Sur Internet, de mauvaises langues disent que, en vrai, l’acteur est juste un gros plouc du Missouri, qui boit de la Bud, vit en short Adidas et mange des burritos. La traduction littérale de son nom, en français, n’est-elle pas «Jonathan Jambonn»? Pour y voir clair, notre journaliste est allée rencontrer Jon Hamm en personne (oui, il y a pire comme mandat) et a déterré six vérités intrigantes à son sujet.

1. Il y a un problème avec son physique

Évacuons tout de suite cette question qu’on lit partout: «Jon Hamm est-il le nouveau George Clooney?» L’acteur s’étonne: «Pourquoi aurions-nous besoin d’un nouveau Clooney? Celui dont nous disposons est en parfait état de marche, non?» Concentrons-nous plutôt sur ce qui compte vraiment: Jon Hamm ressemble-t-il à Don Draper, en vrai? Eh bien, Mesdames, roulement de tambour… oui! C’est le même, avec juste un peu moins de brillantine. Au lieu du complet-cravate, il se promène en jean bleu foncé et en chemise blanche, porte de belles chaussures qui reluisent, une montre ancienne magnifique et, seule ombre au tableau, une veste en tweed dont je ne raffole pas. Pour le reste, il est somptueux: ni trop petit ni trop grand, avec un regard de loup plus étonné qu’affamé. Maintenant, ça va être à vous de travailler: quel âge donnezvous à Jon Hamm? Dans les 45-50 ans, n’est-ce pas? Raté. Il a 40 ans tout juste. Cette tête à l’ancienne, c’est à la fois son drame et sa bénédiction. «J’ai toujours fait 10 ans de plus que mon âge, dit-il. À 25 ans, quand mes amis obtenaient des rôles d’ados, je jouais celui de leur père.» Aurait-il tiré une mauvaise carte en héritant de ce si joli physique? «Non. Ça m’a aidé pour jouer Don Draper.»

 

2. Il a une bio aussi palpitante qu’un scénario

Voici les faits, simples et bruts. Les parents de Jon Hamm, fils unique, divorcent quand il a deux ans. À 10 ans, il perd sa mère, emportée en trois mois par un cancer fulgurant («Mon enfance s’est arrêtée net, comme un ballon crevé qui tombe par terre»), et part vivre chez son père, qu’il ne voyait qu’épisodiquement jusque-là. Ce père, homme d’affaires flamboyant – «Don Draper, c’est lui, pas moi», dit l’acteur -, meurt sans lui laisser un sou, l’année des 20 ans de Jon. Celui-ci est alors étudiant en littérature à l’Université de Saint Louis. Pour payer ses études, il découvre les joies des petits boulots (serveur, tuteur pour enfants, prof de théâtre) et des horaires chargés. Après son bac, en 1995, il part tenter sa chance à Los Angeles. Et là? Rien. Pendant cinq ans. «Cinq ans de portes claquées, d’essais qui ne mènent à rien, de gens qui ne rappellent pas, de pilotes avortés avant même leur diffusion. L’ordinaire de l’aspirant acteur à Hollywood, quoi. Sur le plan émotif, c’est un peu rude. Rien ne peut vous préparer à vous sentir comme de la merde aussi régulièrement, aussi longtemps», s’amuse-t-il à dire. Alors qu’il se donne encore six mois pour percer, il décroche enfin un rôle récurrent dans une série télé. Pendant les cinq années qui suivent, il parvient à vivre de son art, modestement, certes, mais à en vivre tout de même. Puis, arrivent les auditions de Mad Men

3. Il n’en revient pas d’être là

Jon Hamm a été en lice pour les Golden Globes quatre ans de suite (de 2008 à 2011) et il en a remporté un (en 2008). Les gens l’applaudissent dans la rue. Et il n’en revient toujours pas. Être dans un grand hôtel à Cannes, avec la mer qui scintille devant lui et des journalistes étrangers qui font la queue pour lui parler 10 minutes, lui semble encore invraisemblable. «J’ai 15 ans de carrière, dont seulement 4 avec du succès. Dans ma tête, je ne suis pas encore passé du côté lumineux de la force!» Il parle avec beaucoup de finesse de Mad Men, de son glamour subversif. «Pour le regard contemporain, c’est le mal absolu, cette époque. Or, cette façon de vivre semblait tellement normale à nos parents, à nos grands-parents! Ça remet en question notre mode de vie actuel: dans 50 ans, nos petits-enfants seront peut-être effarés à leur tour.» Avant même d’avoir lu la première ligne du scénario, il savait qu’il allait l’aimer: «Lire un projet de Matthew Weiner (Les Soprano), c’est du caviar.» Après 20 minutes de lecture, la beauté et la complexité du personnage lui ont fait monter «des larmes d’envie aux yeux». Mais il était convaincu qu’il n’obtiendrait pas le rôle. «Au moins 10 acteurs plus connus que moi à Hollywood voulaient être Don Draper.» Il passera sept auditions – un record – avant d’être choisi. «La chaîne AMC voulait une star, mais j’ai été soutenu par Matt [Weiner], qui a évoqué mon passé pour faire valoir que je savais ce qu’est le manque…»

4. Il a le sens de l’humour

À ce stade de votre lecture, vous pensez que Jon Hamm est un type sinistre? Pas du tout. Elisabeth Moss, Peggy dans la série, m’a affirmé que c’est un clown qui prend plein d’accents bizarres et fait des bruits disgracieux pour distraire ses camarades sur le plateau. Dès le début, quand je suggère que nous nous installions dans le grand lit plutôt que sur les petites chaises toutes dures (il faut que j’en profite, hein!), il me demande de quel côté je dors et grimace: «On n’est pas compatibles, mais ç’aurait été un plaisir sans ça.» Ce ne sont pas de vraies cigarettes qu’il fume sur le plateau («Ah bon, c’est du pot?» dis-je, et là, il s’esclaffe sans nier), mais il le déplore presque. «J’ai fumé pendant 10 ans et, si je ne regrette pas le goût de litière de chat que j’avais dans la bouche au réveil, le glamour de la cigarette, la gestuelle, tout cela reste un plaisir indéniable», affirme-t-il sans se soucier d’être politiquement correct. «Heureusement que je n’ai pas arrêté de boire…» De temps en temps, il délire: sa couleur préférée? «Le beige.» Son type de femme? «Les drôles. Surtout si elles sont beiges.» Sa sortie de rêve? «Manger dans un resto italien et aller voir ensuite un très bon film… comme Sex and the City.» C’est dit avec un sérieux papal. Encore maintenant, je ne pourrais pas dire si c’était une blague ou non. Plutôt pince-sans-rire, le garçon.

5. Il parle aux journalistes

Je vous jure qu’un des trucs les plus louches, en ce qui concerne Jon Hamm, c’est la simplicité avec laquelle il échange avec les journalistes. Rien de la star taciturne ou de celle qui se tortille quand on lui demande si elle mange du poulet: «… C’est ma vie privée, next question, please.» Lui, il répond à tout. «Vous voulez parler de ma copine, Jennifer Westfeldt? Volontiers. Nous vivons ensemble entre L.A. et New York, elle est actrice [elle a joué dans 24 et Grey’s Anatomy], elle a mon âge, c’est la même depuis 10 ans… Vous voyez que je ne suis pas George Clooney!» Il tient même un rôle dans un film scénarisé et réalisé par elle (Friends with Kids, sortie prévue en 2012). Par ailleurs, Jon Hamm s’inquiète de savoir si j’ai soif, vérifie que j’ai bien allumé l’enregistreur, le rattrape au vol quand il glisse du pouf où je l’ai posé. «Quinze ans de tennis et de golf, ça donne une aisance corporelle indispensable pour les entrevues. Je me demande même si ça ne sert pas qu’à ça, à rattraper des trucs qui tombent.» Son seul défaut d’«interviewé», je dirais, c’est de ne m’avoir concédé que 20 minutes. Pourtant, comme je le lui avoue sans détour, il fait partie des hommes avec qui je perdrais volontiers un peu plus de temps… Sur quoi il me plante un gros bec sur chaque joue…

Il ne veut pas d’enfant

J’ai droit à une dernière question. Je lui demande pourquoi il ne veut pas de bébé (vrai point commun avec Clooney). Il faut qu’il se reproduise! C’est super, les enfants, et puis la planète a besoin de petits Hamm! Il commence par me sortir le cliché: «Cette planète surpeuplée, au contraire…» Je l’arrête net. Pas ce discours éculé, au secours! Il enchaîne donc avec un gag: «J’ai été prof, je sais ce qu’est vraiment un enfant. Rien à voir avec les pubs conçues par les successeurs de Don Draper!» Je ne lui permets pas de se défiler: «Come on, ce n’est pas vrai…» Et là, soudain: «Lorsqu’on n’a pas grandi dans une famille, on n’a peut-être pas les mêmes idées que les autres par rapport à la vie… Tout peut s’arrêter si vite. Peutêtre qu’un jour, ça me fera moins peur… La résilience, c’est l’histoire de ma vie», dit-il en souriant.

2012 l’année Jon Hamm

  • Dès janvier, Jon Hamm fera partie de la distribution de la série comique The Increasingly Poor Decisions of Todd Margaret (diffusée sur la chaîne IFC et mettant en vedette David Cross et Will Arnett), qui raconte l’histoire d’un Américain particulièrement loser muté à Londres par sa compagnie de boissons énergétiques.
  • Jon Hamm a lui-même réalisé le premier épisode de la cinquième saison de Mad Men. Si on se fie aux rumeurs colportées sur le Web, celle-ci sera diffusée cet hiver chez nos voisins du sud. C On assiste déjà à un joyeux buzz au sujet de son premier grand rôle au cinéma, dans Friends with Kids (avec Megan Fox et Kristen Wiig). Le long métrage, sélectionné au dernier Festival international du film de Toronto, a été réalisé par sa femme, Jennifer Westfeldt, star de la charmante comédie romantique Kissing Jessica Stein (dont elle a aussi coécrit le scénario).