En raison de sa taille imposante et de sa belle gueule, on a longtemps vu en Ryan Reynolds le Ben Affleck des pauvres. Et, dès ses débuts américains dans la sitcom Two Guys, a Girl and a Pizza Place, le Vancouvérois d’origine a hérité d’une aura de comique, malheureusement désavantageuse dès qu’on le compare aux humoristes canadiens – Jim Carrey, Mike Myers, Michael Cera, Seth Rogen, Martin Short – qui cachetonnent comme lui à Hollywood.

Prince charmant ou clown de service? Ni l’un ni l’autre. Ryan Reynolds refuse de se cantonner dans une de ces fonctions. Dans quelle catégorie le caser, alors? Celle d’acteur, tout simplement. À la télévision (où il a débuté à 14 ans) comme au cinéma, il aura mis du temps à se tailler une place et à commander le respect. C’est maintenant chose faite. The Voices en est la preuve.

Cette comédie noire hautement fantaisiste, qui a été réalisée par la cinéaste et bédéiste franco-iranienne Marjane Satrapi (Persepolis), raconte l’histoire de Jerry, un manutentionnaire à l’emploi d’une usine et que ses collègues perçoivent comme un simple d’esprit. Jerry est schizophrène; il bavarde avec ses animaux de compagnie, et ceux-ci lui prodiguent des conseils de séduction qui le pousseront au meurtre.

Ryan Reynolds avoue avoir fait des pieds et des mains pour obtenir ce rôle. «Les scénarios comme celui-là sont rares à Hollywood », me confiait-il au bout du fil, alors qu’il se rendait au Festival international du film de Toronto en septembre dernier. «Marjane est folle, dans le plus beau sens du terme. Elle est excentrique et ne perçoit pas la réalité de la même manière que les autres. C’est extraordinaire de travailler avec quelqu’un pour qui tout est possible. Elle a fait du plateau de tournage un carré de sable dans lequel tout le monde était invité à jouer.»

Faire sa chance

Jerry, le personnage que joue Ryan Reynolds dans The Voices, est un homme qui passe inaperçu et qui se sent facilement jugé par son entourage. L’acteur de 38 ans n’est pas étranger à ce sentiment, lui qui roule sa bosse depuis 20 ans dans une industrie sans pitié, où le regard d’autrui peut faire ou défaire une carrière. «C’est terrible et aliénant de se sentir continuellement évalué. Je ne veux surtout pas me plaindre, parce que je me considère comme le gars le plus chanceux de la terre. Il reste que je fais chaque jour l’expérience de ce sentiment.»

À l’instar de certains acteurs de sa génération (pensons à Jake Gyllenhaal ou à Reese Witherspoon), le futur papa a renoncé à l’attitude passive de celui qui attend les offres. Il traque maintenant les occasions, ajoutant à son arc la corde de producteur. «À un moment donné, dans ce métier, on doit être l’architecte de son succès. Un acteur qu’on embauche a peu de chose à dire. Je ne souhaite pas forcément avoir plus de contrôle sur les plateaux. Je souhaite simplement avoir plus de liberté dans le choix des réalisateurs et des producteurs avec qui je travaille, voire m’entourer de gens qui ont plus de talent que moi, et dont les efforts combinés mettront tout le monde en valeur.» Lui le premier. Qui s’en plaindra?

(sortie prévue le 6 février)  

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