Elles sont drôles, nombrilistes, exubérantes et exaspérantes. Les quatre filles de Girls sont surtout ce qui est arrivé de plus excitant au petit écran depuis des lustres. Aux États-Unis, le buzz autour de cette série lancée en 2012 a atteint des proportions délirantes. Que ce soit dans le New York Times ou le Time Magazine, on ne compte plus les pages qui ont été noircies pour expliquer le «phénomène Girls». Quasi inconnue il y a deux ans à peine, Lena Dunham, la créatrice de la série, a depuis fait la une des magazines Rolling Stone, Marie Claire et I-D, pour ne citer que ceux-là. Preuve de son succès critique immédiat: Girls a remporté deux Golden Globes, soit celui de la meilleure comédie et celui de la meilleure actrice, décerné à Lena Dunham, qui y tient le rôle principal. Cette dernière s’est du coup trouvée catapultée sur la prestigieuse liste des 100 personnalités les plus influentes de Time Magazine alors qu’elle n’avait que 26 ans.

Il faut dire que Girls est quelque chose qu’on voit rarement à la télé: une série à la fois divertissante et intelligente, calquée sur la réalité et piquée d’une pointe d’ironie bien de son temps. On y raconte les hauts et les bas de quatre New-Yorkaises qui tentent de faire leurs premiers pas dans la vie d’adulte, «une erreur à la fois». Sexe, amours, amitiés… Si, par certains de ses thèmes, la série semble être le copier-coller d’une myriade d’émissions de filles, elle est aux antipodes de Gossip Girl et de Sex and the City. Ici, on ne fait pas dans le glam, le haut de gamme ou le romantisme. On a plutôt affaire à quatre filles ordinaires qui galèrent pour payer leur loyer, dans un monde où les boulots de rêve et les princes charmants n’existent pas. Il y a Hannah (Lena Dunham), la fille à la fois hilarante et misérable, qui ambitionne de publier ses mémoires, convaincue d’être «la voix de sa génération». Marnie (Allison Williams), la fille parfaite, un brin coincée, qui bosse au bas de l’échelle dans une galerie d’art. Jessa (Jemima Kirke), la hippie globetrotteuse et délurée, qui rêve d’être artiste, mais qui survit grâce à son «cachet» de nounou. Puis, Shoshanna (Zosia Mamet), l’étudiante hyper girly, toujours vierge à 21 ans et accro à la chick lit. À la fois confiantes et paumées, les Girls tentent tant bien que mal de se faire une vie dans la Grosse Pomme grâce à des jobines et à des stages non rémunérés.

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Les amours modernes

Dès le premier épisode, Hannah, qui vit depuis toujours aux crochets de ses parents, se fait couper les vivres. C’est la crise: «J’ai calculé que je peux survivre pendant les trois prochains jours… Peut-être même sept, si je saute les lunchs», dit-elle à ses copines, d’une voix de condamnée à mort. D’entretiens d’embauche désastreux en soirées bien arrosées, Hannah parvient à survivre à New York pendant plus d’une semaine avec l’aide de ses amies. Dans son temps libre, elle fréquente Adam (Adam Driver), un artiste menuisier, qui semble prendre un malin plaisir à l’humilier. Il ne répond jamais à ses textos, mais la culbute sans grand ménagement sur son vieux divan. Hannah tient la plupart du temps un discours féministe, mais il lui arrive de faire le pied de grue devant l’appartement d’Adam, bêtement soumise aux envies d’un gars qui n’est même pas son petit ami.

On l’aura compris: Girls n’a rien d’une série à l’eau de rose. Les filles collectionnent les situations embarrassantes et s’attachent souvent aux «mauvais» gars. Même Marnie, la jolie brunette qui semble avoir tout pour elle, est insatisfaite de sa vie amoureuse. Elle a un copain qui l’adore, qui ferait n’importe quoi pour elle, mais elle ne supporte plus sa gentillesse mielleuse (sa copine Hannah dit d’ailleurs de lui qu’il possède un vagin). «Ses caresses me font le même effet que la main d’un oncle tordu sur mon genou à l’Action de grâces», peste Marnie, pourtant incapable de rompre.

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Cette ambivalence des personnages est une des grandes forces de la série. Grâce à Girls, nous découvrons que nous ne sommes pas les seuls à faire des erreurs, à avoir des relations dysfonctionnelles ou à vivre des histoires d’un soir que nous souhaiterions oublier au plus vite. Et ça, c’est extrêmement réconfortant!

Sans tabou ni complexe

Avec moins d’un million de téléspectateurs par épisode, on ne peut pas dire que Girls soit un succès monstre aux États-Unis. Or, la série a suscité plus de discussions et de polémiques qu’aucune autre au cours des deux dernières années dans les médias et les réseaux sociaux. Elle aborde mille et un thèmes (avortement, MTS, baises maladroites…) avec une franchise déconcertante. Le sujet le plus controversé? La nudité. Ce n’est pourtant pas ce qui manque à la télé, direz-vous. Mais Lena Dunham a le culot de déshabiller ce qui est rarement montré: de vrais corps.

Petite, rondouillette et tatouée, Lena a peu en commun avec les actrices pulpeuses à la silhouette en sablier qui pullulent dans les médias. Ça ne l’empêche pas de se pavaner à poil à l’écran et de filmer des scènes de sexe particulièrement explicites. Évidemment, son petit côté exhibitionniste a suscité son lot de commentaires désobligeants, notamment de la part du célèbre animateur Howard Stern, qui a dit que voir «une petite grosse qui ressemble à Jonah Hill» se dénuder à l’écran lui donnait «l’impression d’être violé». Mais pour la plupart des gens, en filmant sans pudeur ses bourrelets, Lena Dunham pose un formidable geste politique et féministe, et fait un pied de nez aux diktats des corps parfaits, comme l’a justement rappelé la journaliste Emily Nussbaum dans les pages du New York Magazine. Les scènes qui montrent des corps normaux «ne devraient pas choquer, mais elles choquent parce qu’on vit dans une culture saturée de Photoshop et de Botox». Or, pour des tas de filles, ça fait un bien fou de voir des corps de vraies femmes à l’écran.

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Authentique dans sa manière de représenter les corps, la série l’est tout autant dans sa façon de dépeindre la vie des jeunes dans la vingtaine. Son auteure est parvenue à dresser un brillant portrait de la génération «je-me-moi», à la fois subtil, drôle et grinçant. Il est vrai que Girls ne représente qu’une mince frange de la jeunesse. On se trouve à Brooklyn, au coeur de la planète hipster peuplée de jeunes Blancs issus de familles aisées. Il n’en demeure pas moins que Girls réussit à nous faire rire en nous débarrassant de nos complexes. Et, juste pour ça, on ne remerciera jamais assez Lena.

(Les mardis, à 22 h, à ARTV. En rediffusion les vendredis, à 22 h 30, et les lundis, à minuit.)

Lena Dunham: une fille unique

À 27 ans, Lena Dunham, scénariste, actrice et coproductrice, est la chef d’orchestre du succès retentissant Girls. Enfant d’artistes, élevée à Brooklyn, elle fait partie de ces talents rares et précoces (certains journalistes l’ont même comparée à Woody Allen). Les plans foireux de Hannah, les aspirations romantiques de Shoshanna, les doutes de Marnie sont, au dire de Lena, tous inspirés d’évènements qu’elle ou ses amis ont vécus. Avant Girls, la jeune New-Yorkaise a réalisé le film Tiny Furniture et la Websérie Delusional Downtown Divas, dans lesquels elle tient aussi la vedette. Elle est maintenant devenue une mégastar suivie par plus d’un million d’abonnés sur son compte Twitter. Selon le site Web Gawker, Lena Dunham devrait sortir sous peu un recueil de conseils à l’usage des filles d’aujourd’hui, où elle entend notamment nous parler de son gras de pubis. À suivre!

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