C’est par écrans interposés que Ken Scott accueille ELLE Québec dans son bureau un après-midi de septembre. Dès l’affichage du signal vidéo, je remarque que le scénariste de La grande séduction et moi portons les mêmes lunettes: des Lemtosh, du fabricant new-yorkais Moscot. Ces lunettes archipopulaires sont fabriquées à la main avec grand soin. Comme le sont les films du réalisateur. Dans Au revoir le bonheur, Ken Scott raconte l’histoire des quatre frères Lambert, qui se réunissent à la maison de vacances du clan aux Îles-de-la-Madeleine après le décès de leur père, un homme d’affaires prospère. À la lecture du testament, les frères, interprétés par Louis Morissette (Charles-Alexandre, l’entrepreneur pragmatique), Patrice Robitaille (William, le dramaturge en panne d’inspiration), Antoine Bertrand (Thomas, le rêveur hypersensible) et François Arnaud (Nicolas, le chef cuisinier volage), font face à un revirement financier inattendu. Scénariste dans l’âme, Ken Scott explique: «Les questions d’argent permettent souvent de faire progresser une histoire. Mais ce qui m’intéresse, c’est de faire plonger mes personnages hauts en couleur dans un thème. Ici, c’est celui du bonheur.»

Cette comédie familiale s’adresse à toutes les générations, en plus de mettre de l’avant les dynamiques explosives qui existent entre frères. «Une des scènes dont je suis le plus fier est une conversation tendue où chacun d’eux tente de marquer des points… Ça rebondit!» Et la question du legs familial prend beaucoup de place. «Le père a réussi à toucher au bonheur. Il avait eu du succès, mais il était aussi à l’aise avec ce succès. Ses quatre fils, eux, n’y arrivent pas. Chacun a ses désirs, mais aucun ne parvient à être heureux», ajoute Ken Scott, qui a franchi le cap de la cinquantaine en 2020. A-t-il l’impression d’y toucher, lui, au fameux bonheur? «On n’arrive jamais véritablement au bonheur, parce qu’on désire toujours plus. Mais on peut être heureux dans l’effort qu’on fait pour le trouver.»

«On n'arrive jamais véritablement au bonheur, parce qu’on désire toujours plus.»

Des retrouvailles aux îles-de-la-madeleine

Scénarisé bien avant la pandémie, Au revoir le bonheur devait d’abord être tourné à Cuba. «Je voulais sortir cette famille-là de son quotidien pour qu’elle se retrouve dans un lieu isolé un peu magique.» Le choix de l’archipel du golfe du Saint-Laurent s’est imposé en 2020. «Les Îles, c’est un endroit exceptionnel, qui correspond à l’histoire que j’avais à raconter. Avec les couleurs de l’automne comme décor, c’était absolument parfait.»

Plusieurs grosses pointures du showbiz québécois qui ont déjà travaillé sous la direction de Ken Scott ont sauté à pieds joints dans cette histoire. «Ç’a été un grand plaisir de retravailler avec Patrice Robitaille, Julie Le Breton et Antoine Bertrand, mais aussi de tourner un film pour la première fois avec François Arnaud et Louis Morissette.»

ERIC MYRE

Le plaisir du cinéma

Ken Scott nous offre son premier film réalisé ici depuis Starbuck, en 2011. Ce mégasuccès, qu’il a ensuite adapté à Hollywood, lui avait ouvert les portes d’un deuxième plateau de tournage étatsunien, Jet Lag, puis d’une épopée filmée en Inde et en Europe, L’extraordinaire voyage du fakir. «En années cinéma, une décennie, ça passe vite. J’ai fait 3 films, et nous voilà 10 ans plus tard!»

Le cinéma est l’un des grands amours de Ken Scott. À sept ans, c’est Star Wars qui lui a donné le goût des histoires à grand déploiement, et c’est en voyant Pulp Fiction au cinéma en 1994 que l’appel s’est intensifié. Il garde aussi un souvenir marquant de la projection du film Le Dîner de cons dans une salle bondée, noyée de rires contagieux.

Après deux années difficiles pour le milieu du cinéma, le réalisateur reste optimiste: «C’est merveilleux de se rendre à nouveau dans une salle pour voir une comédie et rire ensemble.» Les films de Ken Scott nous ont habitués à des moments de communion collective, et Au revoir le bonheur n’y fera certainement pas exception.

En salle le 17 décembre.

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