Avec Devil’s Knot, Atom Egoyan nous replonge dans les évènements entourant le procès – digne d’une chasse aux sorcières – de trois adolescents accusés d’avoir sordidement assassiné trois garçons en 1993, à West Memphis, aux États-Unis. Le sympathique réalisateur canadien (Where the Truth Lies, Chloe) s’est entretenu avec nous au sujet de sa première collaboration avec Reese Witherspoon. L’actrice oscarisée prête ses traits à Pam Hobbs, la mère de la plus jeune des victimes de ce drame. Le film, mettant également en vedette Colin Firth, sera à l’affiche au Québec dès le 24 janvier.

 

Devil’s Knot est tiré d’une histoire vraie qui a déjà inspiré plusieurs documentaires. Qu’est-ce qui vous a donné envie de vous pencher sur cet évènement?

J’avais déjà vu un de ces documentaires. Lorsque j’ai eu le scénario du film entre les mains, cette histoire m’est revenue à l’esprit. Elle m’a complètement obsédé pendant deux ans. J’ai voulu voir ce qu’on pouvait en tirer sur le plan de la fiction. Grâce au jeu des acteurs, on peut explorer certaines zones d’ambiguïté, poser des questions qui ne se posent pas dans un documentaire. Ça, c’était très excitant. Sans compter que le crime dont il est question n’a jamais véritablement été résolu. La plupart des documentaires tendent à nous orienter vers un présumé coupable, mais je crois qu’il n’est pas toujours nécessaire d’avoir une réponse. Ce film ne repose pas sur une intention particulière, mais sur le talent d’acteurs capables d’illustrer avec subtilité les choix moraux qu’on a parfois à faire.

 

Votre film dévoile aussi uAtom-Egoyan-Devils-Knot.jpgne perspective humaine des évènements, comme le deuil de cette mère, interprétée par Reese Witherspoon, qui a perdu son fils. 

Ce qui est fascinant dans cette histoire, c’est que Pam Hobbs vit un véritable cauchemar – son enfant est mort de la pire façon qui soit. Elle croit d’abord les trois adolescents responsables de ce crime, mais elle réalise au cours du procès que quelque chose cloche. Elle se met à douter. Dans les circonstances, il aurait été bien plus simple pour elle de se convaincre qu’ils étaient tous coupables. Il fallait beaucoup de courage pour se questionner. Pam doit traverser des moments de profonde souffrance, de désillusions, avant d’arriver à accepter la réalité. J’avais donc besoin d’une actrice capable d’opérer cette transition. Comme Reese vient du même coin de pays que cette femme, j’ai eu le sentiment qu’elle comprenait bien la mentalité des gens de West Memphis. Je crois d’ailleurs que c’était important pour elle de bien représenter ces gens. De plus, Reese a fait preuve d’une grande générosité, car elle ne joue pas une héroïne hollywoodienne: son rôle n’a rien de glamour.

Croyez-vous que le fait d’être mère a permis à Reese de mieux comprendre ce que vivait Pam Hobbs?

Oui, sans doute. Ce qui est incroyable, c’est que Reese était enceinte de son troisième enfant au moment du tournage. On a fait quelques retouches numériques pour masquer ce fait. Malgré tout on voit bien que Reese ne cherche pas à contrôler son image. Dans le film, ça se remarque par sa démarche inhabituelle.

De quelle façon avez-vous travaillé ensemble pour construire son personnage?

Reese a passé beaucoup de temps avec Pam Hobbs. Elle s’est rendue chez elle et Pam est souvent venue sur le plateau de tournage. Pour le reste, on a laissé le personnage prendre forme, et nous avons travaillé à partir de ce qui a émergé de tout ça. Les répétitions sont le moment où je présente ma vision d’un rôle. Dans ce cas précis, Reese devait d’abord sentir que son rôle était crédible pour elle-même, avant qu’il le devienne à nos yeux.

Quel moment fort retenez-vous de votre expérience avec cette actrice?

Il y a une toute petite scène dans le film, où Pam Hobbs sort du palais de justice et caresse la tête d’un bébé. Après le tournage de cette scène, qui n’était d’ailleurs pas dans le scénario, Reese m’a dit: «Merci de m’avoir offert ce moment.» Jamais une actrice ne m’avait dit ça auparavant. Ça tient peut-être au fait qu’elle vient du sud des États-Unis, une région où les gens expriment facilement leur reconnaissance. Mais je crois avant tout que cette scène a été un moment charnière pour Reese durant le tournage.

 

 

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