Le film Les mauvaises herbes se déroule en hiver. Pourquoi voit-on si 
rarement l’hiver québécois à l’écran?

C’est très dur, tourner durant cette saison. Ça coûte plus cher et ça prend 
toutes sortes de moyens supplémentaires pour contrer le froid. L’équipe 
technique est toujours bien équipée:
 gros manteaux, semelles chauffantes…
 C’est incroyable. Nous, les acteurs, 
sommes habillés n’importe comment, 
avec nos petits manteaux et nos belles
 mitaines. On gèle! Mais on a été chanceux sur le plateau des Mauvaises herbes: le tournage a été exceptionnel et on a capté de magnifiques images hivernales.

Ton personnage est un acteur de théâtre qui a des dettes de jeu. Est-ce le destin inévitable des acteurs qui se consacrent à la scène?

Sûrement pas inévitable, mais la vie d’acteur de théâtre est difficile. Au Québec, on n’a pas un marché assez grand pour vendre les billets au même prix qu’à Paris ou qu’à Broadway. Mon personnage se met à jouer surtout parce qu’il manque de thrill, d’excitation. Il y a des périodes, dans une carrière, où tu ne sais plus vraiment pourquoi tu fais ça. Tu te questionnes mais, à un moment donné, le plaisir de jouer la comédie revient.

La pièce Animaux, que tu as coécrite avec Daniel Brière, est jouée par Sophie Cadieux, Hubert Proulx et… des animaux de ferme. Les animaux avaient-ils beaucoup de texte à apprendre?

C’est une réflexion poétique sur notre rapport avec les animaux; nous sommes de moins en moins en contact avec eux. Le texte sera lu par une voix hors champ, mais sur scène, il y aura notamment une vache: une vraie vache de 1000 lb. On trouvera aussi un cheval miniature, un mouton et un cochon. Ces différents animaux de ferme seront mis en interaction avec les acteurs. Une vache ou un cochon, ça peut sembler banal pour plusieurs, mais on oublie parfois que beaucoup d’enfants qui ont grandi à Montréal n’ont jamais vu une vache de leur vie! On mange des animaux, mais on ne veut pas savoir ce qu’ils sont, d’où ils viennent. Évidemment, on s’attend à quelques surprises et événements aléatoires: la vache qui se met à pisser, ça peut arriver!

Pourquoi n’as-tu pas de compte Facebook ou Twitter? As-tu un téléphone, un ordinateur. Une adresse de courriel ?

Oui, j’ai tout ça! Mais quand j’ai des choses à dire, et que je considère qu’elles valent la peine d’être entendues, j’écris une pièce ou un scénario. J’aime pas l’instantanéité, j’aime pas cette culture-là. Je me fais chicaner parce que je ne réponds pas à mes courriels assez rapidement. Si j’avais des comptes Facebook et Twitter, je n’aurais plus le temps de travailler! Je trouve déjà la vie trop remplie. Notre société a pas mal tué la vie contemplative. On rêve pendant des mois d’aller s’évacher dans le sable à regarder la mer et, quand on y arrive, on devient vite impatients, prêts à passer à autre chose. Je ne veux pas faire la morale, mais je m’interroge sur notre incapacité de plus en plus grande à nous concentrer de longues heures sur quelque chose.


Est-ce qu’une critique a déjà influencé ton travail?

Ce serait difficile: quand une pièce de théâtre est en représentation, il est trop tard pour la modifier. Je trouve tout de même que les critiques sont utiles et importantes, mais j’aimerais parfois que les gens qui exercent ce métier soient plus érudits, plus cultivés. De plus en plus, j’oublie de les lire. Il arrive un moment dans la vie où on sait quand on a manqué notre coup. Je sens quand les spectateurs décrochent, quand mon œuvre les laisse tièdes. Et c’est bien plus dur à prendre que les critiques.

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