Si l’expression «se mettre en danger» n’existait pas, Sarah-Jeanne Labrosse l’aurait inventée. Après tout, il en fallait, du cran, pour camper l’intouchable Donalda dans Les Pays d’en haut (ICI Radio-Canada Télé) en 2016, alors que le retour de la série mythique – qu’on prédisait «passéiste», et son personnage «rétrograde» – divisait autant les fans de la première heure que la critique. Aujourd’hui, son jeu vigoureux et l’univers habilement réinventé du roman de Claude-Henri Grignon ont confondu les plus sceptiques. À un point tel qu’on se languit de connaître le sort qui sera réservé à l’épouse de Séraphin, en fuite avec Alexis et leur enfant illégitime dans le dernier épisode, si déchirant, de la série.

À l’évidence, la jeune comédienne n’en est pas à un défi près. Si bien qu’elle sera à la barre de Révolution, le show télé attendu qui sera diffusé à TVA dès septembre. Une aventure casse-gueule pour la comédienne de 26 ans, qui avoue ne rien connaître du milieu de la danse. «Absolument rien! Sans compter que je vais apprendre le métier d’intervieweuse en direct, face à la caméra, à une heure de grande écoute!» Mais le désir l’a emporté encore une fois sur la peur, tant pour l’enfant chérie du public québécois que pour celle qui connaît le stress des auditions et les exigences d’un sport compétitif comme le tennis, dans lequel elle a excellé, plus jeune. «Je suis une sportive plus qu’une artiste! », dit-elle d’emblée. Une affirmation étonnante, qui a donné le coup d’envoi à notre rencontre lors d’un doux après-midi d’été, dans un resto animé du Vieux-Montréal.

Ravissante dans son col roulé blanc et son jean boyfriend déchiré, elle raconte: «J’ai baigné dans le sport toute ma vie. Quand j’étais petite, mon père [Alan Labrosse, un agent de pilote de course automobile] me disait toujours ‘‘Just fucking win!’’. Ça me faisait rire, parce qu’il disait un gros mot. Mais ‘‘win’’, ça ne voulait pas seulement dire de remporter le match sur le terrain, mais d’éprouver une satisfaction personnelle devant mon jeu…», raconte-t-elle, en balayant une mèche blonde, échappée de son légendaire chignon flou. «Pour moi, la danse, c’est intense, émotif, créatif et très personnel», souligne-t-elle avant de marquer une pause. «J’ai pleuré souvent hors caméra, parce que j’ai été émue par un concurrent ou peinée par son élimination… Les maîtres [Jean-Marc Généreux, Les Twins et Lydia Bouchard] ont placé la barre très haut. Ils sont sévères, mais justes. Et les danseurs l’apprécient. Après tout, c’est par la critique constructive qu’on s’améliore dans la vie», affirme celle qui refuse qu’on la confine au jeu. «Faire partie de Révolution, c’est ma façon de faire ma propre révolution. De prouver aux jeunes de ma génération qu’on n’est pas obligé de se limiter ou de se faire coller une étiquette. Toutes nos expériences nous nourrissent et sont complémentaires. Ma vie, c’est de faire des rencontres et de m’en imprégner pour mieux interpréter des personnages. Et avec les centaines de personnes que j’ai croisées depuis les auditions de Révolution, je suis remplie d’histoires, d’émotions et de sensations que je brûle d’envie de jouer!»

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Photographe: Max Abadian  | Direction artistique: Elsa Rigaldies | Direction mode: Anthony Mitropoulos  | Stylisme: Véronique Delisle

UN FEU INTÉRIEUR

Ce qui tombe bien puisqu’elle s’apprête à connaître l’automne le plus chargé de sa carrière. Au programme? Elle enchaînera les tournages de la série Les Pays d’en haut, du téléroman Le Chalet (VRAK) et de la sitcom Madame Lebrun (Canal D), qui reviendront à l’antenne en janvier prochain, tout en assurant la coanimation de la deuxième édition de La Soirée Mammouth (Télé-Québec), diffusée à la fin 2018. D’ici là, on la verra faire de la plongée au Mexique et en Tunisie dans la série documentaire Les flots (TV5), sans oublier la websérie originale de tou.tv [le titre n’a pas encore été attribué] consacrée à la rénovation de sa maison, l’une de ses passions. Sans oublier que sa deuxième collaboration avec BonLook verra naître la nouvelle monture Lawrence, en vente dès le 5 septembre prochain. Et si elle trouve le temps de souffler, elle sera occasionnellement au micro de l’émission de radio Les Fantastiques (Rouge FM), et s’adonnera au doublage de voix de dessins animés.

C’est à se demander à quoi elle carbure! «À l’adrénaline! Plus j’ai de pression, plus je performe! », dit celle dont la discipline au travail est légendaire. Même s’ils paraissent éclectiques à première vue, tous ses projets sont mûrement réfléchis. «C’est important pour moi de ne pas me dénaturer, de bien faire les choses, et d’assumer tout ce que j’entreprends. J’aime les aventures qui ont l’air le fun et qui me permettent d’aller à la découverte de moi-même, explique-t-elle avec aplomb. Je suis une fille de tête. J’aimerais te dire que je suis une fille de coeur, ce serait moins plate, mais je suis plutôt rationnelle.»

– As-tu déjà perdu la tête?

– Non, jamais.

– Pas même en amour?

– Pour moi, aimer, ce n’est pas perdre la tête. Ça n’enlève rien à l’intensité de mes sentiments…

On le sait, Sarah-Jeanne a toujours été d’une infinie discrétion au sujet de sa vie privée. Sauf le jour où, après que son amoureux Olivier l’ait surprise en jouant de la batterie pour elle à En direct de l’univers en mars dernier, elle a publié ce message sur son compte Instagram: «5 ans aujourd’hui que je trippe sur ce drummer-là, pis que j’vous en parle pas souvent parce que c’est trop précieux». Quand j’évoque sa publication, elle baisse les yeux. «Je suis game de parler de mes amis qui sont dans le milieu, mais pas de mes proches qui n’ont pas choisi d’être dans cette lumière. Je les protège.» Elle se confie toutefois sur son tendre Olivier, un musicien qui poursuit des études en enseignement du français au secondaire: «C’est tout un partenaire, car j’en suis toute une! Ça bouge dans ma vie. Ça me prend un complice comme lui, qui se réjouit de ce qui m’arrive. Il prend part à toutes mes décisions et il m’apporte un point de vue intelligent et rafraîchissant.» Et il l’apaise aussi. «J’ai du mal avec le vide. C’est un défaut, je trouve. Heureusement, mon chum est super relax», ajoute-t-elle en mentionnant au passage qu’elle s’est mise à la boxe pour… se détendre.

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Photographe: Max Abadian | Direction artistique: Elsa Rigaldies | Direction mode: Anthony Mitropoulos | Stylisme: Véronique Delisle

LA QUÊTE DU BONHEUR

Sacrée Meilleure artiste d’émission jeunesse au dernier gala Artis, la comédienne est également porte-parole de Tel-jeunes depuis 2016, et jouit d’une immense popularité auprès de la jeune génération. «Je n’ai jamais tenté d’être un modèle, mais tant mieux si j’en suis un», dit-elle sans la moindre prétention. Ses fans (300 000 abonnés sur son compte Instagram et plus de 70 000 amis sur sa page Facebook) la suivent sur les réseaux sociaux, où elle se dévoile sans filtre et y dénonce – sans jamais faire la leçon – «leurs effets nocifs, qui nous donnent des complexes ». Elle en a contre «les contenus fake et les filtres amincissants qui déforment la réalité». Dans le même esprit, elle a supprimé tous les comptes auxquels elle était abonnée sur Instagram, le printemps dernier, pour repartir de zéro. «Aujourd’hui, je ne suis que les gens qui m’inspirent, qui me font voyager et qui embellissent ma vie. Il n’y a plus rien qui pourrait me faire du mal sur mon fil!» Une démarche cohérente avec sa nature douée pour le bonheur. «J’ai ce don et je suis consciente de ma chance. J’ai longtemps cru que chacun était maître de son bonheur. Bien sûr, ça aide d’envisager les épreuves ou les échecs avec optimisme… Mais depuis que je m’intéresse de plus près à la santé mentale – il y a beaucoup de troubles anxieux dans mon entourage –, je sais à quel point elle est fragile. Être bien, pour moi, ce n’est plus simplement une attitude, c’est aussi un équilibre de substances chimiques dans le cerveau, qui peut avoir tout un impact…», relativiset- elle, alors que notre lunch tire à sa fin. «J’ai beau être positive, solide et bien armée face à l’existence, il m’arrive d’être envahie par le doute. Est-ce que je suis à ma place? Vais-je décrocher d’autres rôles? Suis-je une bonne comédienne? C’est bien que je me remette en question, sinon je ne serais pas là où je suis aujourd’hui. Mais tu sais quoi? Je réalise que la confiance me sert mieux que le doute, et qu’elle m’emmène à de bien plus beaux endroits.»