Emma Watson a pris une année de congé. Pas une année de congé ordinaire; plutôt une de celles que s’offrirait l’industrieuse Hermione, que l’actrice britannique a campée dans la saga Harry Potter. Il est d’ailleurs étonnant que la jeune femme soit arrivée à faire tout ce qu’elle a fait en 12 mois sans le moindre recours à la magie. Accrochez-vous, car la liste est longue. Pendant son année sabbatique, miss Watson a visité le Malawi avec ONU Femmes, donné des conférences sur l’égalité entre les sexes, interviewé des activistes féministes, des auteures et des actrices pour nombre de publications et de sites internet, rencontré notre Justin Trudeau national lors du sommet pour les jeunes leaders One Young World, à Ottawa, et a profité de son séjour en terre ontarienne pour explorer Toronto incognito, sur le siège arrière de la Vespa de Sophie Grégoire-Trudeau.

Elle a aussi œuvré en tant que rédactrice en chef invitée — aux côtés de Tom Hanks — pour le magazine Esquire, a lancé une enquête sur la parité hommes- femmes au forum de Davos, a pris part à la campagne des Nations Unies HeForShe ainsi qu’au mouvement La plus grande leçon du monde (World’s Largest Lesson), a travaillé avec Eco-Age à promouvoir la mode écoresponsable et a créé son propre club de lecture féministe, Our Shared Shelf (qu’on pourrait traduire par «Notre étagère commune»). Oh, et n’oublions pas qu’elle a lu une cinquantaine de livres, soit pratiquement un par semaine.

Faire la grasse matinée n’était manifestement pas au programme. Mais qu’est-ce qu’Emma Watson tente de prouver par une implication sociale aussi frénétique? «Ce n’est pas que je voulais prouver quoi que ce soit», lance- t-elle en riant, entre une bouchée de gâteau au chocolat et une gorgée de vin rouge. «Je me suis simplement dit que j’avais toute une année devant moi et que c’était l’occasion ou jamais d’essayer de changer certaines choses.»

UNE FEMME DE CONVICTIONS

On n’en attendait pas moins de sa part. Depuis qu’elle s’est affranchie de son populaire rôle de sorcière, la jeune actrice s’est aperçue qu’elle avait en fait plusieurs points communs avec son alter ego fantastique, de son perfectionnisme acharné au sens moral qui les pousse toutes deux à multiplier les bonnes actions. Qui plus est, à 26 ans, Emma — Em, pour les intimes! — réalise l’influence qu’elle peut avoir dans un monde qui a franchement besoin de leaders positifs. Il n’était donc pas question pour elle de passer son année de congé à traîner à la maison, et ce, malgré le fait qu’elle adore ses deux appartements (à New York et à Londres) et qu’elle soit, de son propre aveu, une «fanatique du cocooning»:«Je suis le genre de personne qui a régulièrement besoin de passer 24 heures sans apercevoir le moindre être vivant.»

 

«Ce n’est pas que je voulais prouver quoi que ce soit. Je me suis simplement dit que j’avais toute une année devant moi et que c’était l’occasion ou jamais d’essayer de changer certaines choses.»

 

Intrigante, cette Emma! Plutôt secrète et réservée, elle est pourtant prête à s’exposer au nom du féminisme, cause à laquelle elle croit ardemment. Comment oublier le plaidoyer marquant qu’elle a livré il y a deux ans devant les Nations Unies et qui visait à inciter les hommes à s’engager dans la lutte pour l’égalité des sexes! Il a été visionné par 1,7 million de personnes sur YouTube et a fait la une des journaux de la planète entière. Or la jeune oratrice n’a pu éviter de récolter un certain nombre de commentaires acerbes. On lui a, entre autres choses, reproché de ne se borner qu’à son point de vue de femme blanche privilégiée ainsi que d’offrir aux hommes un rôle de sauveurs au sein du mouvement d’émancipation des femmes. «Ça m’a vraiment endurcie, confie-t-elle. Être une actrice ou une figure publique s’accompagne de son lot de critiques, et ça, je m’y attendais. Mais lorsqu’on prend position sur un enjeu tel que le féminisme, les choses changent du tout au tout. Certains jours, je ne voulais même pas sortir de sous ma couette. Au début, j’étais très affectée par tout ça, mais j’ai réalisé que je devais m’accorder 24 heures pour bouder dans mon coin afin de pouvoir ensuite aller de l’avant.»

LA PRINCESSE INTELLO

On ne saurait toutefois réduire Emma Watson à son engagement social, si important soit-il. Malgré sa timidité, la jeune femme est rieuse, affectueuse, et comme on le découvrira dans la mégaproduction de Disney La Belle et la Bête, elle chante divinement. Des leçons de chant, de valse et d’équitation étaient d’ailleurs au programme de la formation accélérée à laquelle elle a dû se soumettre afin d’incarner une princesse digne de ce nom. D’autant plus que cette adaptation humaine du célébrissime dessin animé est fort attendue. La bande annonce a été vue 127 millions de fois en une seule journée. «Ce film, c’est de l’évasion pure. Je l’ai tourné avant mon année de congé et j’avais l’impression de boucler une boucle, car le jour où on a terminé le tournage, était l’anniversaire du jour où, 15 ans plus tôt, j’ai obtenu le rôle d’Hermione.»

L’actrice ne partage pas avec l’héroïne de Disney qu’un joli minois, un cœur généreux et l’aplomb nécessaire pour défendre ses idées. Elles ont aussi en commun leur passion pour les livres. Parions que Belle serait une membre assidue du club de lecture créé par son interprète. Our Shared Shelf, hébergé par le site internet Goodreads, propose une liste de livres — classiques et contemporains — touchant à la condition féminine, qui y sont discutés de manière constructive. Parmi ceux-ci figure Mom & Me & Mom (ou Lady B en version française), de Maya Angelou, dont Emma s’est amusée à déposer divers exemplaires dans des stations de métro londoniennes et new- yorkaises l’automne dernier.

 

Emma Watson

Chemise: Ralph Lauren Vintage Photographe: Kerry Hallihan

 

À Donald Trump, que la bouquineuse rencontrera sans doute cette année dans le cadre de son travail au sein d’ONU Femmes, elle recommanderait le livre Feminism Is for Everybody, de bell hooks, «parce que c’est simple, bien argumenté et raisonnable». Arrive- t-il parfois à cette érudite qui a étudié la littérature aux universités Brown et Oxford de craquer pour des livres plus légers? Bien sûr, puisqu’elle est friande d’ouvrages de croissance personnelle. «J’adore ça. J’aime lire des choses comme The Sleep Revolution, d’Ariana Huffington. Je saute sur tout ce qui promet de changer ma vie.» Voilà qui est amusant de la part de celle qui, lumineuse, engagée et optimiste, est elle-même bien partie pour changer le cours de bien des existences.