Après avoir pris la pose devant l’objectif de notre photographe, l’acteur se change en vitesse et apparaît devant moi habillé en cycliste. Armé de ses lunettes de myope et d’un sac à dos plein à craquer, il est méconnaissable sous sa casquette. Seuls son sourire ravageur et sa mâchoire «mâlissime» le trahissent.

De retour d’un voyage en France où il ne s’est rien refusé, Claude me confie être venu au studio à vélo pour se «refaire du muscle»… Il ne se fait pourtant pas prier pour aller prendre une bière! Seule condition: trouver un endroit discret, où il pourra parler librement. Très librement. Me tutoyant d’emblée, il se livre pendant trois bonnes heures avec la franchise et l’humour qu’on lui connaît… ne réclamant que deux pauses pipi parce que, vraiment, il fallait qu’il «y aille»!

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C’est sans doute cette simplicité désarmante qui explique son histoire d’amour avec le public québécois. Une histoire d’amour vraie, complice et pourtant inattendue. Car rien ne destinait ce funambule de la LNI à devenir, 25 ans après ses débuts, une des plus grandes stars du Québec.

Celui qu’on a découvert dans Watatatow, puis dans la série parodique Dans une galaxie près de chez vous, a certes gagné en popularité avec le succès télévisuel d’Annie et ses hommes. Mais c’est Minuit, le soir qui l’a propulsé au firmament des célébrités québécoises en 2005. Et qui a révélé son redoutable sex-appeal.

L’an dernier, un sondage «hautement scientifique» mené sur la page Facebook de ELLE QUÉBEC a indiqué que l’acteur faisait battre le coeur de la majorité des Québécoises. Une de ses nombreuses admiratrices nous disait à quel point elle l’adorait et le trouvait beau… même s’il avait l’âge de son père.

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Ce statut de sexe-symbole, Claude Legault se défend bien de l’entretenir. Il est vrai qu’il a tenu des rôles aux antipodes les uns des autres, que ce soit dans les films L’empire Bossé, 10 1/2, Les sept jours du talion, Les doigts croches et Dans une galaxie près de chez vous, ou encore dans la comédie Un sur 2, qu’on peut voir à TVA. Il reste qu’on le préfère encore quand il joue des personnages ténébreux… Comme celui de Ben Chartier, qu’on se languit de retrouver dans la troisième saison de 19-2 (diffusée seulement en janvier 2015).

C’est d’ailleurs cet antihéros qui a valu à Claude Legault d’être couronné dans les catégories Rôle masculin téléséries et Personnalité masculine au Gala Artis de 2013. Le 15 septembre dernier, il remportait également les prix d’interprétation masculine pour ses rôles dans Mon meilleur ami et Un sur 2, au gala des prix Gémeaux.

 

Claude Legault est un des rares acteurs à faire l’unanimité, autant auprès des hommes que des femmes. N’empêche qu’il ne tient rien pour acquis. «On est « jetables » dans ce métier», affirme-t-il humblement. Raison de plus pour savourer cet état de grâce et quelques pintes de bière noire en plein coeur de l’après-midi.

La popularité, l’adulation du public… Étais-tu préparé à tout ce qui t’arrive? Non, et je pense que personne n’est vraiment préparé pour faire face à ça. Je me suis adapté au métier étape par étape… Mais Minuit, le soir a tout changé.

C’est là qu’on t’a découvert sous un autre jour… C’est clair. Avant, je jouais des rôles plus légers, moins sexués. Par exemple, Flavien, dans la série Dans une galaxie près de chez vous, n’avait rien d’érotique! Je suis devenu «mâle» sur le tard, dans Minuit, le soir.

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L’entraînement a été dur pour me faire du muscle, afin d’être crédible comme doorman. Je crois que ça a joué. Étrangement, on pensait n’intéresser que quelques téléspectateurs. Mais on s’est fait des fans rapidement, dont 62% de femmes! La nuit, le sexe, la solitude, ça leur parlait. Elles pouvaient enfin voir la détresse des hommes, leurs faiblesses…

… et aussi les fesses de Claude Legault! Réglons une chose d’emblée: c’est aussi là que tu es devenu un sexe-symbole. Ce statut te pèse-t-il? Ouais… [Il prend une grande gorgée de bière.] Sexe-symbole… Ça, c’est la réputation de mes personnages et l’étiquette qu’on m’a collée. Pourtant, je ne fais pas que montrer mes foufounes et jouer au gars cute à l’écran…  

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On s’entend là-dessus… Il me semble que j’ai fait mes preuves. D’ailleurs, c’est une des plus belles réussites de ma quarantaine: montrer que je suis capable de jouer plein de rôles différents, et comme du monde. Alors, Legault, le sexe-symbole… (rires) On peut-tu passer à autre chose?

Volontiers! À quoi, par exemple? Claude Legault, c’est un acteur. Un auteur, aussi. (NDLR: Il a coscénarisé Dans une galaxie près de chez vous, Minuit, le soir et 19-2.)

 

On te prête souvent un air tourmenté… Ça se peut. Mais je ne le suis pas tant que ça! Ça aussi, ça vient de mes personnages. Pourtant, je ne joue pas que des ténébreux.

Éric, dans Annie et ses hommes, ce n’est pas un mauvais gars, seulement un gars qui n’a pas grandi. Michel, dans Un sur 2, est attachant malgré sa lâcheté. On a tous manqué de courage à un moment donné, par peur de déplaire ou de se faire rejeter. Ça prend du courage pour être intègre avec sa blonde, ses amis, son équipe de travail… Pour ça, il faut être honnête, surtout envers soi-même.

Tu laisses entendre que tu l’es devenu… Oui. Par exemple, j’ai décidé, pour la première fois de ma vie, de m’assumer comme célibataire. Avant, je n’avais pas toujours assez de couilles pour dire non aux relations qui ne menaient nulle part. Aujourd’hui, si je ne le sens pas, je ne me lance pas.

Quiz: Quel type de célibataire êtes-vous?

Ça ne signifie pas qu’un jour ça ne va pas faire boum! Il y a deux ans, tu m’aurais parlé de relation amoureuse et je t’aurais dit: «D’la marde!» Il y a un an: «Hum, pas sûr!» Et là, je me dis que le célibat, je commence à en avoir fait le tour!

À quoi attribues-tu ce constat? Il y a longtemps que je n’ai pas fait de projets l’fun avec une femme. En même temps, je pense que la vie à deux, c’est une utopie. Des fois, ça réussit bien, et d’autres fois, pas du tout. On finit par atteindre sa limite en tant que gars. Et la fille atteint aussi sa limite.

Au fond, on est chacun dans nos tranchées et on se retrouve de temps en temps en zone neutre. Vivre à deux, ça exige de la souplesse et une grande résilience. Ce qui ne veut pas dire qu’il faut abdiquer, car, un jour, l’autre va nous reprocher d’être une carpette…

Tu t’es déjà fait traiter de «carpette»? C’est assez difficile à imaginer… [silence] Euh… pas loin! Mais ça remonte à longtemps. Et je me le reprochais moi-même: je n’avais aucun esprit de décision! Jusqu’à ce que je me réveille et que je comprenne qu’on ne peut pas renoncer à qui on est pour plaire à l’autre.

 

 

Penses-tu vieillir seul? J’espère que non! J’ai fait les choses à l’envers: je me suis engagé très tôt. J’ai été en couple dès le cégep, pendant 12 ans. Puis, j’ai eu une relation qui a duré six ans, et une autre, trois ans. Je suis devenu célibataire pendant ma quarantaine.

Disons que tu rencontres la femme idéale. Vous faites quoi ensemble le samedi? De un, elle a sûrement envie de dormir le samedi matin. De deux, elle ne me traînera pas chez IKEA, un de mes pires cauchemars! Comme c’est une méchante paresseuse, elle va avoir envie de niaiser au lit avec moi, puis d’aller déjeuner au resto.

Dans l’après-midi, on va aller au cinéma, et on va faire l’amour en rentrant. Si on est au chalet, on va marcher dehors, puis jouer au Monopoly en buvant du champagne. Comme on a invité des amis, on va cuisiner un bon spaghetti et une grosse salade, avec un documentaire sur les animaux en toile de fond.

Et la fille aime ça? On parle de la fille idéale? Alors, oui, elle aime ça, sinon elle ne serait pas là! (rires) On revient à notre spagate? La sauce à la viande est écoeurante, parce que c’est moi qui l’ai faite… En plus, comme je suis tombé sur une fille géniale, elle aime le hockey! On laisse la télé ouverte durant le souper, pas de son… puis on surveille le score. On mange, on boit, on rit en gang. Une fois nos amis partis, on va faire dodo. Il est possible que, le vin aidant, les «activités» reprennent! (rires)

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Quel est selon toi le plus grand malentendu entre les hommes et les femmes? Socialement, les choses sont toujours plus difficiles pour les femmes. Surtout dans leur vie professionnelle. Mais les gars ont leurs problèmes, eux aussi, qu’on ne devrait pas banaliser.

Souvent, les femmes pensent que tout est correct pour nous, que la vie est facile. Et nous, on est un peu responsables de ça parce qu’on a l’habitude de cacher nos faiblesses. C’est archaïque comme réflexe: si on montre nos faiblesses, l’ennemi nous tue. Ça fait que le mâle, il panse ses blessures et se couvre d’une armure.

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Parlons de Ben Chartier, dans 19-2. Ferais-tu un aussi bon patrouilleur que lui? Ben, c’est un gars qui se tient debout, un policier droit. J’essaierais d’avoir la même intégrité que lui. Mais je ne pourrais jamais être une police. Si je me faisais traiter de tous les noms à la journée longue, j’appellerais ma mère aux cinq minutes: «Mamaaaan, il m’a traité de gros chien sale!» Blague à part, ça prend des couilles pour faire un métier aussi dur. J’ai énormément de respect pour les bons policiers, qui aiment servir et protéger le monde. Mais je n’en ai aucun pour les mauvais.

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Pour terminer, un mot sur ta récente cinquantaine… Ça fait deux ans que je la vois venir. J’ai eu le temps d’y penser! Bien sûr, il y a l’angoisse de vieillir, de tomber malade, de mourir. L’an passé, j’ai perdu deux amis proches qui étaient dans la quarantaine. Ça met les choses en perspective… On se dit que la vie, il faut la célébrer, la dévorer!

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Le mot de la fin

  • La femme qui le fait craquer «Y en a tellement! (rires) J’aime bien les filles qui ont le sens de l’humour, car je suis vraiment un gros sans dessein dans la vie…»
  • Son arme de séduction «L’humour.»
  • Il préférerait se réincarner en Beyoncé ou en Aung San Suu Kyi? «Tant qu’à faire, j’aimerais être belle et engagée politiquement, comme Laure Waridel.»
  • A-t-il (ou a-t-il déjà eu) peur de l’engagement? «C’est possible.»
  • L’homme qu’il trouve séduisant «Daniel Auteuil, tiens; il a un charisme fou!»
  • Est-il romantique ou pragmatique? «Je ne sais pas.»
  • Pour lui, l’amitié, c’est… «essentiel.»