Une actrice primée

L’hiver dernier, alors que le tournage de la comédie musicale Nine battait son plein en Italie, Penélope Cruz traversait l’Atlantique aux cinq jours, courant d’une cérémonie de remise de prix à l’autre. Et pour cause: le rôle de peintre névrosée qu’elle tient dans Vicky Cristina Barcelona, de Woody Allen, lui a valu une multitude de récompenses, dont, hommage suprême, l’Oscar de la meilleure actrice de soutien.

Après 18 ans de métier et une quarantaine de films, cette reconnaissance arrive à point nommé. «Je mentirais si je disais que je ne voulais pas ce trophée. Mais j’étais surtout obnubilée par le fait que mes amis et ma famille souhaitaient que je gagne. À tel point que j’espérais l’obtenir surtout par crainte de les décevoir», a-t-elle confié à un petit groupe de journalistes lors du dernier Festival international du film de Toronto. Elle était venue y présenter Étreintes brisées, son quatrième film sous la direction de Pedro Almodóvar (sortie en salle le 18 décembre).

Le rendez-vous a été fixé la veille de la grande première du film, dans la suite d’un hôtel. Elle se présente, décontractée, avec 20 minutes de retard, BlackBerry à la main. Sa veste en coton rose bonbon laisse entrevoir une robe blanche à motifs de fleurs dont l’échancrure découvre une poitrine généreuse, qui semble défier les lois de la gravité. Ses sandales écrues à talons compensés la font paraître plus grande que son 1,64 m. Franche, souriante, concentrée, Penélope se montre néanmoins prudente, à l’affût de la moindre question indiscrète. Le règlement, préalablement dicté par sa garde rapprochée, est clair: aucune mention, durant l’entrevue, de sa liaison avec le magnifique et talentueux Javier Bardem, son partenaire dans Vicky Cristina Barcelona, ni des rumeurs selon lesquelles le couple attendrait un heureux événement (invisible à l’œil nu), sous peine d’interruption immédiate de la séance. Un deal non négociable: le Cruz control ou la porte.

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PHOTO: Alliance Vivafilm (Penélope Cruz dans le film Nine)

 






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De l’énergie à revendre

Fille d’un garagiste et d’une coiffeuse, Penélope – Pe pour les intimes – n’a pas reçu à la naissance des gènes de star. Sa grâce a éclos dans des cours de ballet, auxquels ses parents l’ont inscrite, enfant, afin qu’elle canalise son énergie débordante. Énergie qui ne s’est pas dissipée depuis, puisque la belle a récemment avoué qu’elle devait apprendre à profiter de ses vacances au lieu de se cacher dans une salle de bains avec son BlackBerry et de travailler! Elle restera neuf ans au Conservatoire national espagnol. «Une école de la vie où l’on apprend à sourire avec les pieds en sang», confiait-elle l’été dernier au magazine Psychologies.

 

Ses débuts

À l’adolescence, elle court les castings, tâte du mannequinat, façonne son rêve – devenir actrice – en feuilletant les revues du salon de coiffure où travaille sa mère. Parallèlement, des cours de théâtre permettent à cette extravertie de structurer son talent brut et d’élargir son horizon. Car même si elle n’a pas fait de longues études, Penélope Cruz est une machine à apprendre, perfectionniste et polyglotte (elle parle quatre langues, dont le français).

 

Un constant apprentissage

Pour interpréter la maîtresse d’un cinéaste en crise existentielle (Daniel Day-Lewis) dans Nine, une comédie musicale de Rob Marshall inspirée du film 8 1/2, de Federico Fellini, il a fallu qu’elle chante, qu’elle danse, qu’elle joue. Épreuve. Défi. Go! «Deux mois avant le tournage, on m’a montré le numéro que je devais effectuer, et ça m’a terrifiée. Chanter et danser en même temps exige une coordination que je ne pensais pas avoir», dit-elle. Mais comme elle a fait le serment de ne jamais céder à la peur, elle évalue, depuis, toutes les propositions à la lumière de leur potentiel instructif. «Le métier d’actrice est tellement abstrait qu’on ne peut jamais s’arrêter et se dire: "Ça y est, j’ai tout fait, je n’ai plus rien à apprendre."»

De toute façon, le réalisateur Pedro Almodóvar ne le lui permettrait pas. Il est à la fois son Pygmalion et son lanceur de couteaux. Pour lui, elle a joué dans En chair et en os, Tout sur ma mère, Volver et maintenant Étreintes brisées. «Il me donne la possibilité de changer de registre et d’interpréter des personnages différents de moi. Tout ce que je demande à un cinéaste, c’est qu’il voie en moi quelque chose que je ne saurais voir moi-même.»

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PHOTO: GettyImage.com







Hollywood, la voilà!

La liste de ses films almodovariens est suffisamment longue et étalée dans le temps pour qu’on puisse suivre l’évolution en subtilité et en maturité de cette actrice, et constater qu’elle apprivoise de mieux en mieux le danger. Ces longs métrages s’inscrivent par ailleurs dans le volet national d’une filmographie franchement polarisée. D’un côté, l’Espagne, où son parcours amorcé en 1992 avec la comédie lubrique Jambon, Jambon (elle n’avait que 17 ans!) est riche et quasi sans faute. De l’autre, Hollywood, où son image de pinup exotique est exploitée dès le tournant des  années 2000 dans une série de films qui n’ont pas marché: The Hi-Lo Country, All the Pretty Horses, Captain Corelli’s Mandolin, Gothika, Bandidas, Vanilla Sky. On se souvient surtout de ce dernier, dans lequel elle partage la vedette avec Tom Cruise. Mais il faut reconnaître que leur liaison surmédiatisée, amorcée sur le plateau, a fait plus de bruit que l’œuvre elle-même…

 

Un vrai statut d’actrice

L’actrice semblait destinée à sombrer dans l’oubli quand, en 2006, Volver l’a sauvée. Cette production remporte un succès international fulgurant et lui vaut le prix d’interprétation à Cannes (partagé avec ses partenaires) et sa première nomination aux oscars. Penélope obtient grâce à un film espagnol ce que tous ses films américains n’avaient pu lui procurer jusque-là: un vrai statut d’actrice et dissiper tous les doutes sur son talent. On connaît la suite: un rôle oscarisé dans une comédie de Woody Allen, puis un rôle dans Nine sortie en salle en décembre 2009, où elle joue aux côtés de Nicole Kidman, de Marion Cotillard et de Sophia Loren.

Désormais admirée par l’ensemble de la profession, elle fascine un public fidèle, qui compte autant d’hommes que de femmes: «Je reçois toujours des témoignages très amicaux de la part des femmes, ce qui me plaît beaucoup, dit-elle. C’est sans doute à cause des personnages que j’interprète dans les productions de Pedro: ce sont souvent des hommages à la féminité. Je crois que bien des femmes se projettent en eux.»

Pour sa part, la comédienne a comme modèles Katharine Hepburn, Anna Magnani, Meryl Streep et Audrey Hepburn, des actrices qui, comme elle, ont déjà remporté un oscar. Qu’a-t-elle fait du sien? «Durant les premiers mois, je l’ai trimballé partout avec moi, jusque sur la plage! Maintenant, il reste à la maison, où les copains vont se faire photographier avec lui ou lui faire un brin de causette.» Elle prévoit le rejoindre bientôt, pour une pause bien méritée. Avec ou sans bébé. Et préférablement sans BlackBerry.

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PHOTOS: Alliance Vivafilm (Penélope Cruz dans Vicky Cristina Barcelona







Tout sur Penélope

Elle a eu la piqûre du cinéma à 13 ans, en 1989, en voyant sa compatriote Victoria Abril dans Attache-moi, de Pedro Almodóvar. Par la suite, elle est allée auditionner pour le cinéaste. Leur première rencontre est évoquée, en sous-texte, dans Étreintes brisées.

  • C’est la première actrice espagnole de l’histoire à avoir remporté un oscar. Son partenaire, Javier Bardem, a lui aussi été le premier acteur de son pays à être honoré de la sorte en 2008 pour son rôle de tueur dans No Country for Old Men, des frères Ethan et Joel Coen.
  • Elle a rencontré Javier Bardem en 1992 sur le plateau de Jambon, Jambon. Elle l’a recroisé sur celui de En chair et en os en 1997 et de Vicky Cristina Barcelona en 2008.
  • Son frère Eduardo, 24 ans, est chanteur rock. En 2006, il a sorti un premier album, Cosas que contar.
  • Sa sœur, Mónica, est une vedette du petit écran en Espagne.
  • Le premier petit ami de Penélope, Nacho Cano, a été membre du trio espagnol Mecano. La belle a d’ailleurs fait ses premiers pas d’actrice dans le clip de La fuerza del destino, une chanson de ce groupe pop.
  • Outre Tom Cruise et Javier Bardem, on lui connaît une liaison passagère en 2005 avec Matthew McConaughey, son partenaire dans le film Sahara.
  • C’est une adepte du bouddhisme.

 

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PHOTOS: Mongrel Media (Étreintes brisées)