Il fait partie de notre paysage culturel depuis plus de 20 ans et il tient le rôle principal dans la très attendue télésérie Mirador, occasion rêvée pour le rencontrer.

Il se pointe au resto où nous avons rendez-vous. Le look décontract – t-shirt, jean et baskets -, le teint basané et les cheveux bouclés. À première vue, il a davantage l’allure d’un ado en vacances que d’un homme de 39 ans, père de cinq enfants. Il se présente, me sourit poliment et me suit jusqu’à notre table. Un brin distant. Je ne suis pas surprise: sa réputation d’impénétrabilité le précède. On m’avait mise en garde: j’allais probablement avoir du mal à faire parler ce bel homme.

D’ailleurs, il choisit le moment où je me remémore avec appréhension ces avertissements pour m’annoncer que les entrevues, ce n’est vraiment pas sa tasse de thé, même si «ça fait partie de la job», comme il dit. «Ce que je ne tolère pas, c’est l’intrusion dans ma vie privée; elle ne regarde personne.» Et vlan! J’encaisse le coup et je tente tout de suite de le rassurer: loin de moi l’idée de l’interroger sur des sujets qu’il préfère éviter. Je veux simplement mieux le connaître et – peut-être – percer la petite part du mystère qui l’entoure. Je croise les doigts. Le changement est à peine perceptible, mais je sens chez lui un soulagement: il semble se détendre. Légèrement.

 

Les premiers pas

Je lui propose pour commencer deux sujets pas trop casse-cou: son enfance et ses débuts en tant que comédien. Patrick acquiesce et se met à raconter.

Originaire de LaSalle, né d’un père administrateur dans un hôpital et d’une mère infirmière, il est le troisième d’une famille de quatre enfants. Il était coincé entre deux grands frères et une petite sœur d’à peine 18 mois plus jeune que lui. «Mes parents désiraient absolument une fille, alors ils se sont réessayés rapidement après ma naissance!» lance-t-il à la blague. Avec le recul, il a compris que c’est probablement l’arrivée de cette fille tant attendue qui l’a poussé à faire constamment le clown et à tenter par tous les moyens d’attirer l’attention de ses parents. «Même si j’ai souvent fait pleurer ma sœur pour réussir à me faire remarquer, elle est tout de même devenue ma meilleure amie, parce qu’à un moment donné j’ai compris qu’en faisant des bons coups avec elle j’avais vraiment toute l’attention que je voulais!» 

Hockey et motocross ont été au centre de sa vie jusqu’à ce que son père l’inscrive à un cours de théâtre pour adolescents. Pour le fun, précise-t-il. Pas pour faire carrière. Quelques mois plus tard, sa professeure reçoit un appel d’une agence de casting qui cherche de jeunes garçons pour une nouvelle série télévisée. Patrick se pointe à l’audition sans trop d’attentes et obtient, à sa grande surprise, le rôle principal, celui de Rock, dans la série du même nom (1988). Du jour au lendemain, le jeune homme est parachuté dans un univers qui lui est totalement étranger. «C’était un peu comme sauter d’un avion sans que personne ne t’ait montré comment ouvrir ton parachute… J’aurais très bien pu me casser la gueule», se rappelle-t-il.

Ce qui n’a de toute évidence pas été le cas… «Comme j’étais entouré d’une très bonne équipe, j’ai trouvé que jouer était plutôt facile», explique-t-il. Mais devenir célèbre du jour au lendemain a été pour lui une expérience traumatisante. Traitant d’un thème extrêmement tabou – la prostitution juvénile masculine -, Rock a connu un succès considérable. «La diffusion des premiers épisodes a coïncidé avec mon entrée au cégep; les gens me dévisageaient et me montraient du doigt, alors que j’aurais voulu longer les murs et passer incognito, se souvient le comédien. Je n’arrivais pas à "dealer" avec ça. J’ai commencé à m’isoler, à éviter le regard des gens et à me méfier.»

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PHOTO: La télésérie Mirador







patrick-2-a.jpgCette vie publique, il a appris avec le temps à mieux la gérer, même s’il lui arrive encore de «douter des intentions des gens». Mais au début, il a eu du mal à composer avec la célébrité, d’autant plus qu’après Rock les rôles se sont enchaînés sans répit.

Au cinéma, il a fait partie de la distribution de Coyote (1992), des Boys (de 1997 à 2005), de Hasards ou coïncidences (1998), de La brunante (2007), et des films jeunesse La forteresse suspendue (2001) et La mystérieuse mademoiselle C (2002).

Au petit écran, on le retrouve dans la nouvelle série Yamaska (2009) après l’avoir vu dans Les filles de Caleb (1990), Chambres en ville (de 1992 à 1996), Virginie (de 1999 à 2004), Cover Girl (2004-2005), Nos étés (de 2004 à 2006), Les Boys (2007) et, bien sûr, la délicieuse série La Vie, la vie (de 1999 à 2001). Son personnage, Simon, jeune cadre dans une boîte de multimédia, lui a d’ailleurs valu, en 2002, le MetroStar Rôle masculin/téléromans québécois. Et pour cause: on avait rarement vu un si bon gars à la télé. Ni affreusement rose ni macho à la Jean-Paul Belleau, il représentait un chum équilibré, attachant et mâle juste ce qu’il faut. «Le personnage créé par Stéphane Bourguignon était déjà tellement nuancé et vivant sur papier que je n’ai pas eu grand-chose à faire pour lui donner vie», souligne Patrick Labbé.

Le comédien a affirmé il y a quelques années qu’un des meilleurs scénarios qu’il ait eu entre les mains était justement celui de La Vie, la vie. Lorsque je lui demande si c’est encore vrai aujourd’hui, il me répond sans hésiter: «C’était le cas jusqu’à l’arrivée de Mirador» (diffusée à partir de janvier à Radio-Canada).

Là, métamorphose totale. Les yeux de notre homme s’illuminent, et il affiche un sourire à faire craquer toutes les filles. Son excitation est palpable. J’ai devant moi un gars passionné et totalement épris de son personnage, lequel, d’ailleurs, lui ressemble étrangement, précise-t-il.

«C’est comme si c’était moi, mais dans une vie parallèle. J’ai même proposé au réalisateur de changer ma coupe de cheveux pour que le personnage soit aussi éloigné de moi que possible!» Mais à quoi tient donc cette ressemblance? «Philippe est un gars passionné, authentique, qui a les mêmes buts et qui livre les mêmes combats que moi. Il est constamment à la recherche d’un équilibre entre son éthique personnelle et son éthique professionnelle.»

Le rôle en question, c’est celui de Philippe Racine, responsable d’une équipe spécialisée en gestion de crise au sein de Mirador, un important cabinet de relations publiques. «Quand une situation dérape, sa mission consiste à étouffer les scandales et à préserver l’image de son client, résume le comédien. Mais il a envie de changer les façons de faire et cherche désespérément un sens à son travail.»

Réalisée par Louis Choquette (2 frères, Rumeurs), Mirador met aussi en vedette David La Haye, Gilles Renaud, Catherine Trudeau, Pascale Bussières et Sébastien Delorme. «J’ai vraiment l’impression de défendre un texte à la fois intelligent, drôle et pertinent, dit Patrick. Toutes les planètes me semblent alignées. Exactement comme pour La Vie, la vie.»      

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patrick-2.jpgEt là, les planètes semblent tout à coup s’aligner pour nous aussi, aux trois quarts de l’entrevue. Comme si le fait que je l’ai écouté parler de ce qui le passionne le plus au monde avait été la clé pour accéder à sa vie intime. Patrick n’est plus l’homme distant du début de notre rencontre. Il est entièrement là, confortablement assis en tailleur sur la banquette. Il me regarde droit dans les yeux et, à ma grande surprise, me confie: «Ça me ferait plaisir de te parler de mon amoureuse et de mes enfants. Le problème, c’est qu’on se heurte souvent à des questions trop violentes de la part des journalistes. Ça me prend un climat de confiance et le bon timing pour discuter de ces choses-là. De toute façon, ma vie n’a rien de bien extraordinaire…»

Il poursuit pourtant, d’une voix douce et grave, pendant que je retiens mon souffle. «J’ai été 7 ans avec une femme et 12 ans avec une autre. Mes séparations ont été extrêmement difficiles, d’autant plus qu’il y avait des enfants mêlés à tout ça. Mais chaque fois, j’y ai cru, au couple, parce que je suis un gars fondamentalement bâtisseur, comme mon père qui a été l’homme d’une seule femme toute sa vie.»

De ses unions précédentes, il a tiré des leçons et il tente désormais de faire les choses autrement. «Je suis constamment en quête de découverte et j’ai besoin de beaucoup de souplesse dans mon quotidien pour être heureux. Je comprends que ça puisse devenir très exigeant pour la femme qui partage ma vie.» Et pour son entourage aussi, ajoute-t-il. «C’est probablement pour ça que je n’ai pas beaucoup d’amis, trois ou quatre, peut-être, de longue date, qui ont appris à me "gérer". Je réfléchis et je vis différemment de la majorité des gens. Je peux être très imprévisible…»

J’ose lui demander: «Comme aujourd’hui?» «Exactement. Je suis arrivé ici avec l’intention de ne rien dévoiler, et regarde…»

Lorsqu’il parle de sa progéniture, ses yeux se remplissent de tendresse: «Mes enfants ont toujours été ma priorité», affirme ce papa de cinq enfants âgés de 5 à 17 ans. Et comment fait-il pour concilier sa carrière et sa vie familiale? «Étant donné que j’ai mes enfants en garde partagée, le plus difficile, c’est de trouver du temps pour chacun d’eux, de répondre à leurs besoins, qui sont très différents selon leur âge et leur personnalité, tout en leur inculquant le sens du clan, avec ses avantages et ses inconvénients.»

Et l’amour, il y croit toujours? «Oui. J’ai une nouvelle amoureuse dans ma vie. L’espoir et le désir de passer le reste de mes jours avec elle sont encore intacts. J’ai toujours voulu construire à long terme, ça ne changera jamais.»

Il se redresse légèrement sur son siège et croise les bras. Je crois que la fin des confidences a sonné. De toute façon, l’équipe de ELLE QUEBEC l’attend pour la séance photo. «Est-ce que j’ai été assez disponible?» me glisse-t-il avant de partir, mi-sérieux, mi-amusé. Je lui réponds: «Oui, très.» Je le soupçonne de très bien savoir qu’il m’a totalement décontenancée…

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En vrac

 

Son voyage le plus inoubliable «À Venise, avec mon amoureuse. C’était… magique!»

 Sa plus grande qualité «Vaillant.»

Son pire défaut «Intolérant.»

Ce qui le fait rire «Les gaffes! Il y en a beaucoup chez nous et je ne peux jamais m’empêcher d’en rire.»

Ce qui lui fait peur «La souffrance, dans tous ses états. Celle des autres et la mienne.»

Ce qui le fait voir rouge «L’incompétence!  (Voir mon pire défaut…)

 Le métier qu’il n’aurait jamais pu exercer «Politicien. Je suis trop franc.»

Où il se voit dans 20 ans «Je suis encore comédien, mais je voyage six mois par année et je suis entouré de mes petits-enfants… Ça semble tellement tripant, être grand-père!»

Ce qu’il fait pour décrocher «Des rénovations.»

Un film qui l’a marqué Il était une fois dans l’Ouest, pour l’ambiance et la musique.»

Son plaisir coupable «Andrea Bocelli!»

 Sait-il que les femmes le trouvent beau? (Il hésite… et sourit:) «Les regards intéressés, je suis pas capable! Je suis un chasseur. Me faire chasser, ça me fige!»

 

 

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 À LIRE

Patrick Huard au total!

 

 

 

PHOTO: Les boys, la télésérie