Il nous a fait craquer pour la première fois sur scène en 1989, aux Lundis Juste pour rire. Depuis, non seulement il continue à nous faire rire, mais il ne cesse de nous épater: au théâtre, où il a confondu les sceptiques en jouant le rôle principal dans la pièce Talk Radio (1997); au cinéma, où il a prouvé, de Nez rouge à Bon cop, bad cop, qu’il possédait le charisme d’un vrai leading man. Patrick Huard est en effet un des rares acteurs québécois qui peut porter un film sur ses épaules.

 

 En 2007, il a réalisé son premier long métrage, Les 3 p’tits cochons, et il tourne en ce moment son deuxième, Filière 13, dont la sortie est prévue en 2010. C’est sans compter sa présence à la télé dans Taxi 0-22, série pour laquelle il a été nommé Artiste d’émissions d’humour aux galas Artis 2008 et 2009, en plus d’être couronné Personnalité masculine de l’année au même gala en avril dernier.

 

Acteur, humoriste, auteur, metteur en scène, animateur, réalisateur, producteur et porte-parole du Sommet du Millénaire et du Club des petits déjeuners du Québec, Patrick est un homme-orchestre qui a encore beaucoup de rêves à réaliser, confie-t-il. Insatiable, il mène toujours 20 projets à la fois. «À 15 ans, je jouais au hockey, je faisais de l’impro, j’étais dans les scouts, la chorale et l’harmonie de l’école. J’étais membre de La Relève – un mouvement catholique pour les ados – et je distribuais le journal. Ah oui, et j’allais à l’école! Ma journée commençait à 5 h et se terminait vers 22 h 30. Un jour, mes parents m’ont dit: "Là, ça ne marche pas. Il va falloir que tu choisisses…" C’est vrai que je commençais à être un peu cerné, ajoute-t-il en riant. Mais c’est là que j’ai appris à faire plein d’affaires en même temps.»

 

PHOTO: Laurence Labat 






patrick-huard.jpgQu’a-t-il appris justement au cours de ses 20 années de carrière? «L’humilité», répond-il. Non pas qu’il soit devenu
low profile, tient-il à préciser – un gars est sûr de lui ou ne l’est pas -, mais il a mûri. Un après-midi, à nos bureaux, il nous a raconté son enfance, ses moments de grâce et de doute, ses relations avec les femmes, sa passion pour son métier et son bonheur d’être père. Attentif, vivant, généreux. Un bien bel homme, Patrick Huard. Les yeux pétillants, le regard droit. Le genre à être de plus en plus séduisant en vieillissant.

 

Patrick Huard aura 41 ans en janvier prochain. L’âge de la maturité. Un excellent moment pour faire le bilan.

 

LE RESPECT EN HÉRITAGE

«Mon père était travailleur de la construction, et ma mère avait un emploi dans une crèche [orphelinat]. Ils n’étaient pas super éduqués, mais ils étaient extrêmement intelligents, d’une grande intelligence émotionnelle. Un de leurs talents était d’arriver à faire beaucoup avec peu. J’ai eu une enfance très, très choyée. Je suis convaincu que c’est pour ça que j’exerce ce métier et que j’ai du succès. Mes parents ont cru en moi. Et ils ne se sont jamais opposés à ce que j’aille chercher ailleurs ce qu’ils ne pouvaient pas me donner. Cela dit, ma facilité à m’exprimer, mon sens de l’humour, ma détermination, ce sont eux qui me les ont appris. Tout comme le sens des responsabilités, le respect, la confiance en soi et dans les autres.»

 

NAISSANCE D’UNE VOCATION

«Je me souviens très bien du moment où mon père m’a demandé ce que je voulais faire dans la vie. Je devais avoir 16 ou 17 ans. J’ai répondu: "Ben, je veux être un artiste." (rires) Lui me voyait avocat ou quelque chose du genre. Disons qu’il n’a pas tripé fort. Mais il a insisté: "OK, comme artiste, tu veux faire quoi?" Alors, je lui ai répondu: "Ben, artiste. Je veux faire plein d’affaires, mais je pense que ma porte d’entrée va être l’humour." J’avais déjà commencé à faire de l’impro en secondaire 3 à l’école Joseph-François-Perrault. Puis, j’ai participé au Gala Personnalité Jeunesse. Quand j’ai quitté la scène après le show – c’était mon premier monologue -, mon père m’a dit: "Ç’aurait été tellement plus facile si tu t’étais planté, mais tu as vraiment du talent." Il trouvait ça dur, mais il a eu le courage de m’appuyer.»

 

PHOTO: Laurence Labat





SA PLUS GRANDE FIERTÉ

«Quand j’ai commencé à faire ce métier, j’ai rencontré mon gérant, mon partner: François Flamand. Dès le début, il m’a vu comme une sorte de Renaissance man. Pour moi, ça représente un autodidacte qui, tranquillement, a appris des choses, a ouvert son esprit. Moi, j’ai juste un diplôme d’études secondaires. Ça m’a forcé à apprendre par moi-même, mais je demeure complexé. Ce n’est pas que je me sente mal à l’aise avec quelqu’un qui a un doctorat, non. Le problème se situe davantage sur le plan de la culture et des connaissances générales: j’ai des manques. Je me souviens qu’une fois, quelqu’un m’a piqué là où ça fait mal, et devant des gens. (silence) On était au milieu d’une conversation. Je parlais peu parce que je ne connaissais pas vraiment le sujet, mais j’ai posé quelques questions. À un moment donné, cette personne-là m’a lancé: "Ben voyons, t’as donc pas de culture!" Blessé, j’ai répliqué: "Je suis trop occupé à la faire, alors j’ai moins de temps pour l’apprendre!" C’était un peu orgueilleux de ma part de dire ça, mais sa remarque m’avait fait mal. En même temps, je sais qu’on ne peut pas tout savoir et qu’on ne peut pas avoir tous les talents. Ce que je connais, je le maîtrise bien. Il y a des gens qui s’y connaissent pas mal plus que moi en littérature, mais, moi, je lis la musique, ce qui est pas pire pour un clown.»

 

 

TOMBER EST HUMAIN

«Chaque choix, chaque bourde que j’ai faits m’ont forcé à aller plus loin. Quand j’ai animé le Gala des Jutra [en 2005], par exemple, ç’a été un flop monumental. J’ai essuyé des critiques de partout. C’était mon premier gros échec en carrière. Les trois premiers jours ont été extrêmement difficiles. Mais après, ç’a été la libération totale. J’ai pensé: "Ah, c’est juste ça, un flop?" Ça m’a libéré complètement, et, depuis ce temps-là, je performe super bien.»

 

 

 

SON SEUL REGRET

«Il y a certains rêves que je ne réaliserai pas. (long silence) J’aurais aimé, par exemple, faire carrière aux États-Unis. J’ai déjà travaillé avec trois coachs de l’Actors Studio, à New York. Ça a duré quatre ou cinq mois. J’allais à New York 10 jours, je revenais, j’y retournais 3 semaines, je revenais. À la fin, on m’a offert une place comme auditeur libre à l’Actors Studio. J’étais renversé. Quand tu es auditeur libre, tu as le droit d’aller dans la salle et de regarder travailler des gens comme Pacino. Puis, en 1997, on m’a offert de m’inscrire au programme international de 3 ans – on prend 12 candidats par année sur la planète. Wow! Là, je me suis dit que j’allais jouer dans la cour des grands. Puis, ma fille est née en juillet. Je serais entré à l’école en septembre. Comme il était hors de question pour moi de ne pas voir Jessie pendant les trois premières années de sa vie, j’ai refusé. (silence) Comment j’ai fait? Au fond, ç’a été facile pour moi de faire ce choix-là. L’autre option n’était même pas envisageable.»

 

 

PHOTO: Patrick Huard en Rogatien de Taxi 0-22/ TVA






patrick-4.jpgLE DÉFAUT DONT IL SE PASSERAIT

«On est un modèle pour nos enfants dans ce qu’on a de meilleur, mais aussi dans ce qu’on a de moins bon. Dans l’immédiat, je ne sais pas ce que Jessie ne voudra pas avoir hérité de moi. Pour elle, son papa est encore "le boutte du boutte". D’ailleurs il faut que je lui rappelle parfois de ne pas prendre tout ce que je dis pour du cash. J’ai des sautes d’humeur, je dis des choses… Pas souvent avec elle, mais il arrive qu’elle soit témoin de cet aspect-là de moi. (long silence) Je crois qu’elle ne voudra pas hériter de mon caractère… » (silence)

 

 

SON PIRE MOMENT

 «Je m’en souviens très bien. Et comme ça concernait ma vie personnelle, ça m’a fait plus mal. Ça s’est passé en 1999, quand j’ai laissé Lynda [Lemay]. Dans les mois qui ont suivi notre séparation, je suis devenu le pire trou de cul de la planète. Ça a duré huit mois. Ç’a été effrayant. (long silence) On parlait de moi partout: à la télé, à la radio, dans les journaux… Est-ce que l’image du gars arrogant que j’avais à l’époque a pu me nuire? Je ne crois pas… Comme je le dis souvent ironiquement: "Un gars laisse sa blonde? C’est un trou de cul. Une fille laisse son chum? C’est probablement parce que c’est un trou de cul." Même nous, les gars, on pense ça. Avant cet épisode, je recevais six ou sept offres par semaine. Et tout d’un coup, paf! le téléphone a cessé de sonner. C’est là que j’ai vu la fragilité du succès. J’ai vu que ça pouvait disparaître comme ça!»

 

 

 LE DROIT DE VOIR GRAND

«On m’a déjà demandé de jouer dans des productions américaines. Dans la série Law and Order, entre autres, et dans des trucs très anecdotiques… Ça ne s’est pas concrétisé, pour toutes sortes de raisons, mais ça signifie une chose: il se peut qu’un jour quelqu’un, par un concours de circonstances, soit appelé à participer à un immense projet ou à réaliser son rêve. En ce sens, ce n’est pas prétentieux de voir grand. Je suis persuadé que quand Julie Payette a dit, petite: "Moi, je veux aller dans l’espace", il y a des gens qui lui ont répondu: "Ben oui, c’est ça…" (d’un ton ironique) Que quelqu’un n’ait pas ce genre de rêves, ça me va. Mais qu’on essaie d’empêcher un jeune de voir grand, ça m’écoeure.»





AVOIR 40 ANS, C’EST…

«… les montagnes russes. Il y a des journées où j’aime ça, et d’autres où ça me fait chier. Ce qui est le fun, c’est qu’une espèce de confiance s’installe avec la quarantaine. Tu le sens en toi, mais aussi de la part des autres. À 40 ans, tu es encore actif. Ce feeling-là est très agréable. Puis il y a des matins où tu te lèves et tu te dis: "Ouf, j’ai 40… Je ne suis plus le new kid on the block. C’est fini." Tu prends aussi conscience du temps qui passe, et tu t’aperçois que tu ne pourras pas tout faire. Par exemple, j’aimerais bien voyager davantage…» AVEC LE TEMPS… «Est-ce que je me trouve plus beau qu’à 20 ans? Euh… non!… oui! À cet âge, avec ma coupe Longueuil, je n’étais pas très hot. D’ailleurs, je regarde des photos de cette époque et je me dis: "Wow, incroyable, je réussissais à ‘frencher’ quand même…" Ado, le mot que j’entendais le plus souvent, c’était NON. Entre 15 et 30 ans, les filles ont tellement le contrôle sur la séduction et la sexualité… Ce sont elles qui mènent l’affaire. Heureusement, vers 30 ans, un certain équilibre se crée. Les gars prennent de l’assurance, et la tendance s’inverse pendant un petit moment. Et quand les gars réalisent que ce sont eux qui décident… il y a un petit deux ans où ils abusent de ce pouvoir-là.» (rires)

 

 

HOMME À FEMMES

«J’aime ça être avec des filles. D’abord, parce que je les trouve très belles. Ensuite, parce qu’il y a quelque chose de fascinant dans le fait que nous parlons un langage différent. Malgré ça, il y a des bouts où on se rejoint et où ça connecte. J’aime aussi ça regarder les filles agir entre elles, voir comment elles évoluent, elles communiquent. Ça me fascine. Elles sont beaucoup plus complexes que les hommes, donc plus intéressantes à observer.»

 

 

À LIRE

 La suite de notre tête-à-tête avec Patrick Huard.

 

À VOIR EN VIDÉO

Les coulisses de la séance photo de ELLE QUÉBEC avec Patrick Huard


 

PHOTO: Michel Cloutier