Les stars? J’en mange au petit-déjeuner! J’exagère… N’empêche qu’en tant que critique de cinéma pour le journal Voir, j’ai eu la chance de rencontrer Monica Bellucci, Penélope Cruz, Diane Kruger, Marion Cotillard, et j’en passe. J’ai été fascinée de voir comment ces célébrités sont accessibles en entrevue, puis se métamorphosent en créatures de rêve dès qu’elles foulent un tapis rouge. Un phénomène que j’ai rarement pu observer au Québec.

Il suffit d’assister à une Soirée des Jutra ou à un Gala de l’ADISQ pour constater que les stars québécoises jouent très peu la carte du sexappeal. Disons qu’elles font preuve de beaucoup de pudeur comparativement à Beyoncé qui, à la dernière cérémonie des Grammy’s, exhibait son popotin à peine recouvert de dentelle.

Doit-on s’en étonner? Au Québec, les rares personnalités qui ont osé dévoiler un peu de peau se sont fait casser du sucre sur le dos. On n’a qu’à penser à Lucie Laurier et à la fameuse robe rouge, signée Tom Ford pour Gucci, qu’elle a portée à la Soirée des Jutra en 2005. Ou au décolleté plongeant que Sylvie Moreau arborait pour animer ce même gala en 2011. Je me souviens encore des commentaires qui ont fusé ce soir-là sur la Twittosphère. Pour peu, je me serais crue en pleine représentation du Tartuffe, de Molière: «Couvrez ce sein que je ne saurais voir!»

Le Québec a pourtant eu, lui aussi, son lot de sexe-symboles. Rappelez-vous Alys Robi chantant Tico-tico, Michèle Richard à l’époque des Boîtes à gogo, Carole Laure nue dans La mort d’un bûcheron, de Gilles Carle, ou encore Mitsou à la fin des années 1980, causant tout un émoi avec le clip Bye bye mon cowboy

Bien qu’elle ait été le fantasme d’une génération, Carole Laure me confiait récemment qu’elle ne s’est jamais considérée comme un sexe-symbole. «On m’a étiquetée ainsi dans les années 1970 parce que j’ai été une des premières Québécoises à me déshabiller à l’écran. Pourtant, les personnages que j’incarnais étaient plutôt des filles d’à côté. Gilles tournait beaucoup de scènes de nudité, mais il faisait du cinéma d’auteur… C’était l’époque de la libération de la femme, de la pilule, et on croyait que tout était possible.»

Au contraire, Mitsou Gélinas a consciemment choisi d’incarner la bombe sexuelle. «J’ai toujours été interpellée par les stars sulfureuses, et c’est la raison pour laquelle, à 18 ans, j’ai essayé d’interpréter ce rôle à ma manière», m’expliquait-elle. La belle blonde (qui s’est passablement assagie depuis!) avoue toutefois qu’endosser cette image a parfois été souffrant. «Avec le temps, je me suis aperçue que ce n’était pas la meilleure manière de communiquer avec les Québécois et les Québécoises. S’il y a peu de sexe-symboles chez nous, c’est parce qu’on ne les accepte pas vraiment… Cela dit, si c’était à recommencer, je ne changerais rien!»

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Deux poids, deux mesures?

Avouons-le: on accepte bien que Katy Perry s’habille en pinup ou que Scarlett Johansson mette ses attributs en valeur, mais on a plus de mal à voir une de nos personnalités miser sur la carte de la sexualité. Le pire faux pas qu’une vedette québécoise puisse commettre pour s’attirer les foudres du public? Porter une nuisette sur le plateau de Tout le monde en parle, comme l’a déjà fait Anne-Marie Losique.

Serions-nous un brin puritains? Selon Martin Bilodeau, chroniqueur cinéma pour ELLE QUÉBEC et Le Devoir, c’est plutôt que nous avons les faux-semblants en horreur. «Si une fille comme Anne-Marie Losique choque autant, c’est parce qu’on a l’impression qu’elle joue un personnage et qu’elle porte un déguisement. On n’y croit pas une seconde!» s’exclame-t-il. Selon lui, on préfère de loin les personnalités comme Karine Vanasse, qui fait preuve de beaucoup d’authenticité. «Karine, c’est la fille d’à côté sympathique, pétillante et allumée. Elle me rappelle Meg Ryan. Elle sait ce qu’elle fait, et c’est ce que j’aime chez elle», poursuit le critique de cinéma.

N’empêche que lorsque Karine Vanasse a tenté une incursion aux États-Unis, en jouant dans la série Pan Am, elle a soudain adopté une image beaucoup plus sexy. N’a-t-elle pas posé en lutin coquin pour le magazine masculin Esquire? Et l’actrice n’est pas la seule à oser davantage à l’étranger: rappelez-vous la séance photo affriolante, pour le magazine V, que s’est offerte Céline Dion en 2012. Ou encore le haut transparent que portait Suzanne Clément sur le tapis rouge de Laurence Anyways, à Cannes, la même année. Soyez assurés qu’elle n’en révélait pas autant à la première montréalaise…

Des gens simples et célèbres

Contrairement aux stars internationales qui brillent par leur glamour, les personnalités québécoises se distinguent, elles, par leur simplicité. D’ailleurs, qui sont nos vedettes les plus adulées? Céline et Véro. Lorsque la première quitte le strass et les paillettes de Las Vegas pour aller jaser à la télé avec sa copine Julie Snyder, elle redevient illico la fille de Charlemagne. Quant à Véro, elle s’invite chaque semaine dans nos salons et, avec sa bonne humeur contagieuse, nous rappelle un peu notre soeur ou notre cousine.

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«Céline Dion et Véronique Cloutier ont un dénominateur commun: elles sont accessibles, confirme la sexologue Jocelyne Robert. Même si elles incarnent toutes les deux l’archétype de la princesse ayant surmonté des épreuves pour arriver au sommet, elles demeurent des filles très familières et familiales. Ça montre que les Québécois sont sensibles à d’autres types de valeurs que la sexualité.»

L’historien Daniel Turcotte considère d’ailleurs qu’une des valeurs les plus importantes aux yeux des Québécois est la famille. «On est tous parents puisqu’on descend de 35 000 colons français qui ont fait des enfants comme des lapins. Ce n’est pas un hasard si notre plus gros succès télévisuel est La petite vie, de Claude Meunier, avec Popa et Moman. On aime ça, le monde simple!» conclut l’historien.

Pas de doute, on préfère les stars terre à terre à celles qui se donnent des grands airs… Et c’est pourquoi, dans les concours de talents comme Star Académie ou La voix, on couronne souvent les filles humbles et modestes comme Marie-Élaine Thibert et Valérie Carpentier.

«Au Québec, on n’aime pas les gens trop beaux, trop bons, trop sexys, trop riches, trop cultivés…» résume Marc-André Grondin. Le comédien a d’ailleurs souvent affirmé que sa carrière québécoise avait un peu pâti du succès qu’il obtenait en France. L’an dernier, après s’être rasé la tête et fait pousser la moustache pour le film Vic Flo ont vu un ours, de Denis Côté, il a choisi de conserver ce look en totale rupture avec son image de jeune premier. Depuis, toutes les semaines, il reçoit sur Twitter des commentaires sur son apparence et, lorsqu’il présente ses films en France, il n’est pas rare que des admiratrices de 12 ou 13 ans lui disent qu’elles le préféraient avant. «Franchement, je me suis toujours un peu foutu de quoi j’avais l’air, mais en même temps… pas totalement, m’a confié l’acteur. J’aime mon travail, mais je n’aime pas le fait de devoir contrôler mon image, encore moins de sentir qu’on puisse la juger. J’ai un rapport amour-haine avec cet aspect de ma job.»

Martin Bilodeau croit pour sa part que notre province est trop petite pour que ses vedettes puissent se payer des trips d’égo. «Une star, c’est quelqu’un d’inaccessible. Les vedettes québécoises, elles, sont accessibles par défaut. Comment pourraient-elles se construire une façade en plâtre? Celle-ci risquerait de craquer à tout moment: on les croise au dépanneur, ces gens-là!»

Et à bien y penser, on n’échangerait pas Marie-Mai contre Miley…

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