Style de vie
Karine Vanasse, les pieds sur terre
Les succès s’amoncèlent sur sa route, si bien que Karine Vanasse gravit avec élégance les sommets de son art. Toujours prête pour la photo, la traversée d’un tapis rouge, le soutient à une cause, elle peut sembler inatteignable. Elle choisit pourtant de nous recevoir loin des projecteurs pour nous révéler un peu de quoi elle abreuve son for intérieur.
par : Emilie Villeneuve- 17 nov. 2019

Carlos + Alyse
Les murs de nos maisons parlent-ils de nous? Si oui, alors ceux de l’appartement de Karine Vanasse racontent une passionnante histoire. Ils sont blancs, certes, mais chargés d’œuvres d’art souvent surdimensionnées et de lourdes étagères jonchées de centaines de livres. C’est un écrin sublime dans lequel on a juste envie de se déposer. Après avoir effleuré le plancher de bois avec ses lattes posées en chevrons, mon regard vagabonde entre les luminaires suspendus tels deux nuages au-dessus du comptoir de marbre et les grandes fenêtres qui s’ouvrent sur une rangée de feuillus aux glorieuses couleurs automnales.
L’actrice est là, fine et droite comme un «i» dans son t-shirt gris et son jean, le visage sans fard parfaitement lumineux au milieu de sa cuisine. Elle m’offre à boire pendant que sa mère termine la rédaction d’un courriel avant de filer en douce en s’excusant. La porte du cocon se referme, et tandis qu’on s’installe autour de la large table à dîner immaculée, Karine m’explique que quelqu’un lui a posé il y a quelques jours une bien étrange question qui l’obsède depuis. «Tu arrives ici avec quoi? Et que viens-tu y chercher?»
Je lui réponds que j’ai très envie de tirer d’elle le portrait le plus juste possible et lui retourne vite cette question qui transperce. «Et toi?» Elle hésite mais sait qu’elle n’a pas le choix: «Avant, j’arrivais avec le stress, en ouverture totale, prête à donner ce qu’on attendait de moi… Mais peu importe avant. Aujourd’hui, j’ai envie d’une conversation.» En effet, jamais dans une entrevue ne m’aura-t-on autant demandé mon avis sur les sujets abordés. On déviera allègrement de la feuille de route, on prendra une foule de chemins de traverse, mais Karine nous ramènera inévitablement à sa maison.

Crédit: Carlos + Alyse
Tisser des liens
Oui, bon. On discute de fringues d’entrée de jeu et c’est de ma faute. Je lui demande de me raconter son association avec la marque de vêtements canadienne RW & CO, qui, pour être honnête, m’étonne un peu. Bien sûr, il y a longtemps que l’actrice a déclaré son amour à la mode et parlé de son penchant pour les vêtements sobres et structurés, mais je repense entre autres à cette collection capsule qu’elle a faite en collaboration avec la créatrice montréalaise Elisa C-Rossow et aux basiques précieux qu’elles ont créés ensemble. Où trouve-t-elle son compte en tant que simple égérie?
«Je me souviens de la première fois où je me suis acheté un veston. J’avais 19 ans, j’étais à New York et je croyais que j’allais rencontrer Jodie Foster. Ça peut paraître niaiseux de croire que ça te prend un veston… Sauf que ça ne l’est pas. Ça peut changer comment tu oses te présenter et te percevoir. Comment tu te regardes dans le miroir. Mais t’es pas obligée de payer 3000 $ pour te sentir comme ça.» Son téléphone posé sur le comptoir chantonne discrètement. Elle se lève, le fait taire et se rassoit dans le même élan. «Il y avait une intention réelle derrière la campagne de RW & CO», explique-t-elle en rappelant que les ambassadrices (Tessa Virtue, Ashley Callingbull et elle-même) remettaient une partie de leur cachet à une cause de leur choix mais que, plus largement, le message qu’elles portaient lui semble important. «Ce n’est pas simplement de dire aux femmes: “T’es la meilleure, tu peux y arriver”. C’est d’affirmer: “Tu vas faire ton chemin et tu vas le faire encore mieux si tu reconnais que les autres aussi essaient de faire le leur. La force des autres ne t’enlève rien, au contraire.”»
On se surprend toutes les deux à constater qu’on en est là en tant que société, encore perdue quelque part en route vers l’égalité, à devoir se rappeler qu’il faut faire preuve de solidarité. Or, cette dynamique de rivalité n’est pas étrangère à Karine. «Dans le travail, quand j’étais jeune, j’étais toujours en compétition pour un rôle. Les liens que j’entretenais étaient surtout avec ma famille. Je ne trouvais pas grand soutien en dehors de mes proches. Je pense que je ne croyais pas beaucoup à la force qui pouvait se dégager des liens d’amitié.»
Elle part puiser quelque chose en elle avant de remonter. Elle évoque cette fillette avec qui elle prenait chaque jour l’autobus au primaire. «Je pleurais tous les soirs. Je m’imaginais qu’elle et son petit groupe ne faisaient que rire de moi. J’aurais tellement voulu être dans la gang». Elle n’aborde pas la question de l’intimidation, mais plutôt celle du besoin d’appartenance et de l’importance qu’elle lui reconnaît désormais. «Il y a les gens que tu choisis, ceux que la vie choisit pour toi, ceux que tu n’attendais pas et qui finissent par prendre leur place. Et il y a du réconfort dans ces zones-là, parce ce que c’est juste “la vraie affaire”. Tu laisses les autres te voir et eux se laissent voir aussi. Je ne pensais pas me retrouver avec un si grand cercle d’amis que ça.»

Crédit: Carlos + Alyse
S’habiter
Il y a dans la vie de Karine le réconfort que lui apportent les autres, mais aussi celui de son chez-soi. Quand je lève les yeux, j’ai l’impression de croiser les regards bienveillants dans les œuvres qui habitent presque chaque surface. «Il y a des gens qui me disent “Heille, t’aimes ça les affaires qui font peur!”». Elle rit et ses beaux yeux forment deux petits croissants de lune noirs. «Moi, elles me rassurent.» Elle fait référence à la toile de Jérémie St-Pierre, avec ses visages barbouillés de couleurs sales, ainsi qu’à l’œuvre de Jacynthe Carrier qu’elle a mise dans l’entrée, à côté de la porte, d’où se détachent des silhouettes sombres. J’en pointe une à l’autre au bout du corridor qui mène à la chambre. Karine s’anime tout entière, se dresse, bat des mains : «Ça, c’est mon frère Alexis qui l’a faite! Je suis tellement fière de lui!» Avec raison, car la technique et le rendu sont des plus intéressants. Imaginez plusieurs soies de sérigraphie peintes et superposées si bien que les éléments qui la composent semblent bouger avec vous, révélant discrètement une nostalgique scène de famille.
L’actrice née à Drummondville n’est manifestement pas la seule artiste de la fratrie Vanasse. «Je trouve qu’Alexis a mis le doigt sur quelque chose avec cette série-là. Il a trouvé un filon. C’est beau de voir un artiste qui n’est pas dans la pression de créer, mais juste dans le plaisir. C’est comme d’observer un enfant qui se donne le défi de faire les choses par lui-même et de recommencer pour s’améliorer et apprendre…»
La maman du petit Clarence, un an et demi, se demande tout haut comment cette force créatrice, cette motivation intrinsèque que l’on pourrait nommer de mille manières se cultive chez l’adulte. «Je ne sais pas, mais j’imagine qu’il faut que ça soit toujours allumé un minimum. Qu’il y ait une petite flamme pour sentir que l’on peut se mettre en mouvement.»
À presque 36 ans, Karine commence à prendre toute la mesure du temps qui passe et à se permettre de souffler sur les braises pour attiser son feu créatif. «Quand tu deviens parent, tu vois l’évolution de la vie et à quel point il s’en passe des affaires en un an! Cette année-là s’écoule aussi pour toi et ce temps, tu peux en faire ce que tu veux! Tu n’es pas obligée de répéter ce que tu as fait l’année dernière.»
Et qu’est-ce que la comédienne et productrice ne faisait pas l’année dernière à pareille date? Du ballet! Comment c’est arrivé dans sa vie? Est-ce un rêve de petite fille profondément enfoui qui a ressurgi? Pas du tout! Elle s’est tout simplement mise à suivre @thefitballerina sur Instagram et cette Maude Sabourin qui danse pour Les Grands Ballets l’a grandement inspirée. Tellement que Karine suit maintenant des cours privés avec la ballerine. «Pour Blue Moon, je me suis beaucoup entraînée et parfois, c’est mon corps qui parlait avant moi à l’écran. J’ai éprouvé beaucoup de satisfaction à le faire, mais…» Elle pose une main sous ses clavicules, à la base de son cou, « …c’est pas toujours obligé de passer par là non plus». Par «là», elle entend la toute-puissance apparente des muscles, de l’énergie qui jaillit du devant du corps, des mâchoires serrées, du cou tendu. «J’ai envie que mon corps exprime autre chose.»
««Je travaille très fort pour retrouver mon intuition, ce petit tremblement juste sous l’épiderme qu’on ne perçoit pas si on ne fait pas attention.»»
S’apprivoiser
Et cette autre chose, qu’elle est-elle? «Pour faire du ballet, il faut que ça soit vraiment solide à l’intérieur. Les gestes ne peuvent être fluides que si les racines sont profondes. Il y a une grande puissance dans ce qui provient de la force intérieure, mais il faut que tu la reconnaisses, que tu y touches pour savoir que c’est de là que ça part… Bref, j’ai dit à Maude que c’était une bonne thérapie son affaire!» Elle s’esclaffe. «Ce sont des petites choses! Des p’tits cours de ballet… sauf que pour moi, c’est un pas vers quelque chose de plus grand. Et puis, c’est du temps que je m’accorde. Ça me donne l’occasion de me reprogrammer, de sortir de ma tête et de mes émotions pour revenir dans mon corps.»
On pourrait penser qu’une actrice maîtrise à merveille son instrument, qu’elle en joue comme bon lui semble si bien qu’elle sait toujours quel profil présenter à la caméra. Mais quand je lui demande les secrets de son aisance en séance photo, elle m’arrête gentiment. «C’est un immense défi pour moi. Je ne suis pas à l’aise avec ce rapport direct [à la lentille], sans passer par un personnage.» Elle explique que plusieurs des très beaux clichés d’elle sur Instagram ces derniers temps sont le fruit de collaborations créatives avec des photographes et des artistes maquilleurs et coiffeurs, des équipes qu’elle a mise sur pied pour affronter cette peur de l’image fixe. «Moi, séduire le Kodak, je ne suis pas à l’aise avec ça! Mais si ça ne passe pas par la [séduction], ça passe par où?» Par la mise en commun des idées et du talent d’artistes avec lesquels Karine a eu envie de travailler pour échauffer son muscle de muse et apprivoiser son propre visage. «Comment sortir de ce que tu penses que les gens veulent voir de toi? Je trouvais que, ces dernières années, j’étais en train de me sortir de rôles plus convenus dans mon casting à moi, en tant qu’actrice. Ça bougeait. Mais en photo, je ne me sentais pas aussi habile, aussi présente. Récemment, Mariana (Mazza) m’a dit en parlant d’une entrevue que j’avais faite à la télé: “Je trouve que t’as trouvé du lousse.” Je suis certaine que les séances photo ne sont pas étrangères à ça.»
Cette présence, il me semble, s’exprime aussi dernièrement dans le choix de la comédienne de se prononcer dans l’espace public. On peut penser à cette percutante publication Instagram sur le droit à l’avortement, ou encore à son engagement dans la campagne MADE / NOUS qui célèbre les œuvres et le travail des Canadiens dans les domaines du cinéma, de la télévision et des jeux vidéos. Pourquoi choisit-elle de faire valoir haut et fort ses opinions pour une cause en particulier? «L’autre jour, quelqu’un avec qui je travaillais m’a dit: “Toi, tu es une résistante.” Et c’est exactement ça. C’est quand je suis appuyée sur le bord du mur que je dis “stop”. Ce n’est pas mon élan premier de m’imposer dans une discussion, mais si ça va trop loin contre mes valeurs, à un moment donné, je finis par dire quelque chose.»
Karine s’exprime par son engagement, mais aussi par ses choix de rôles et de projets. C’est par exemple elle qui narrera le documentaire de Judith Plamondon sur les 30 ans de Polytechnique, qui sera présenté le 6 décembre prochain sur les ondes d’ICI-Télé. Elle sera également de la série américaine God Friended Me diffusée sur les ondes CBS cet automne, ainsi que dans la quatrième et dernière saison de Cardinal cet hiver. Et si c’est avec tous les mots qu’elle m’a confiés que je repars, c’est aussi avec ce que les murs de son appartement m’ont chuchoté: « Karine n’a pas fini de nous étonner. »

Crédit: Carlos + Alyse
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