Une matinée de juin, à Malibu, en Californie. À la demande de l’actrice, la rencontre se déroule près de chez elle, dans une grande maison lumineuse louée pour l’occasion. Ultra-relax dans sa longue robe bleue au décolleté plongeant, elle fait son apparition, cheveux mouillés et pieds nus dans des sandales à fleurs. Affichant son sourire légendaire – celui qui a conquis le monde dans Pretty Woman, il y a déjà 27 ans –, Julia Roberts est comme au grand écran: le même rire, la même voix, les mêmes gestes… Dès son arrivée, elle embrasse son coiffeur de toujours, la maquilleuse, son attachée de presse et sa styliste personnelle, avant de serrer la main au reste de l’équipe. Dans la «loge» aménagée pour elle dans le luxueux garage de la maison, elle déambule entre une coiffeuse au miroir illuminé, un fauteuil de réalisateur et un buffet bien garni. Puis elle scrute un à un les vêtements qui lui sont proposés pour la séance photo, pendant que nous retenons notre souffle. Bonne nouvelle: tout lui plaît! «Elle est plus svelte que jamais», nous chuchote sa styliste personnelle. On ne peut que supposer que Roberts suit un régime strict, dont elle ne dévoile toutefois pas les détails. Julia Roberts mange (très sainement, donc), prie (depuis sa conversion à l’hindouisme) et aime (toujours aussi passionnément) son mari. L’heureux élu est Daniel Moder, caméraman qu’elle a rencontré pendant le tournage du film The Mexican et avec lequel elle a eu trois enfants: Phinnaeus et Hazel, des jumeaux âgés de 12 ans, et Henry, 10 ans. 

Icône intemporelle

Comblée en amour, l’éternelle pretty woman l’est tout autant sur le plan professionnel. En 30 ans de carrière, l’actrice, qui tourne une fois par an en moyenne, s’est investie à fond dans une foule de personnages. Qu’on pense à ses interprétations de BFF aux abois dans My Best Friend’s Wedding (1997); de célébrité hollywoodienne dans Notting Hill (1999); d’adjointe juridique déterminée dans Erin Brockovich (2000) – rôle pour lequel elle a remporté l’Oscar et le Golden Globe de la meilleure actrice; de journaliste divorcée à la recherche d’elle-même dans Eat, Pray, Love (2010) ou encore de productrice surpuissante dans Money Monster (2016).

Celle pour qui le rôle de mère passe avant tout est aussi une femme engagée. Depuis quelques années, elle sensibilise notamment le grand public aux enjeux de la communauté étudiante LGBTQ, des changements climatiques et du syndrome de Rett (une maladie génétique rare).

Pas étonnant qu’elle se soit identifiée spontanément à la mère d’un enfant différent dans le best-seller jeunesse Wonder, de R.J. Palacio, au point de vouloir l’incarner au grand écran. En salle le 17 novembre, Wonder raconte l’histoire d’August, un garçon atteint d’une malformation faciale à la naissance. À 10 ans et après 27 interventions chirurgicales, il fait son entrée à l’école, dans une classe de cinquième année. Comment sa difformité sera-t-elle perçue par son entourage? Comment réussira-t-il à se tailler une place dans le monde? Plus qu’un plaidoyer pour l’empathie et la tolérance, le film réalisé par Stephen Chbosky se veut une ode à la différence. Des valeurs humaines que Julia Roberts tient à transmettre à ses enfants.

Jamais sans les siens

L’icône hollywoodienne aime s’entourer de ses proches, même lorsqu’elle travaille. Résultat: ses copines, toutes de belles blondes californiennes dans la quarantaine, vont et viennent dans le studio de photo improvisé. Elles bavardent, rigolent et admirent les tenues choisies pour leur célèbre amie, pendant qu’elle joue les top-modèles. Jusqu’à ce qu’une jolie fillette blonde lui saute dans les bras. C’est Hazel, sa fille. «Si tu étais passée plus tôt, lui lance-t-elle en riant, tu aurais vu maman dans une tenue pas possible!» C’est-à-dire en microshort, bas résille et cuissardes – qui rappellent drôlement son allure dans Pretty Woman, son film fétiche où elle se désole auprès du bel Edward Lewis (Richard Gere) d’avoir fait une maille à son collant. Par chance, celui qu’elle porte aujourd’hui est intact. Ce qui tombe drôlement bien pour l’ambassadrice de Calzedonia, marque italienne de collants et de maillots, pour laquelle elle a déjà tourné trois spots publicitaires en ligne, légers et élégants, sous l’œil du réalisateur Grant Heslov, l’un des producteurs du film oscarisé Argo.

Déjà midi. Chevelure savamment négligée, visage sublimé et jambes de rêve jaillissant d’un long pull, elle s’allonge dans une chaise, près de la piscine, prête à prendre la pose. À l’aise devant l’objectif, elle s’assure que toute l’équipe est satisfaite du résultat. Concentrée, elle alterne les expressions suaves, sereines, joyeuses. Pendant que son équipe s’interroge à haute voix sur l’arrière-plan d’une des photos, sa voix rieuse émerge d’un rideau. «J’espère que vous aimez l’avant-plan, au moins!» Absolument, chère Julia. Comment pourrait-il en être autrement? 

Pour la cinquième fois cette année, vous avez été élue «plus belle femme du monde» par le magazine People. Votre première nomination à ce palmarès remonte au début des années 1980. Qu’est-ce qui a changé dans votre vie depuis?

Oh là là! Tout! Avec les années, j’ai une meilleure compréhension de ma place dans le monde. Je me suis aussi mariée et j’ai eu trois enfants. (rires)

Julia Roberts

Chemisier (Pablo); short (Red Valentino); collants (Calzedonia); bijoux (personnels). Photographe: Tim Munro

En 2014, vous avez confié au ELLE américain que vos enfants ne savaient pas que vous étiez célèbre. Que savent-ils aujourd’hui de votre carrière et de votre statut de star?

Quand ils viennent sur un plateau de tournage, j’ai l’air d’avoir le travail le plus relax et le plus fabuleux du monde! Mes amis sont près de moi, il y a plein de trucs à manger, j’enfile de beaux vêtements et je passe mon temps dans des endroits superbes. Ils me trouvent très chanceuse. Parfois, je me dis qu’ils ont une compréhension juste des choses… et parfois non. Mais tout ce qui compte, c’est qu’ils sachent qui je suis vraiment, loin des caméras.

Selon les critères d’Hollywood, votre mariage bat des records de longévité…

Je n’ai pas de mérite, car selon moi, mon mari est un être extraordinaire! Il est drôle et tellement facile à aimer. Je suis toujours heureuse de le retrouver. On est si bien ensemble… Le fait d’élever les enfants dans la bonne humeur et l’harmonie ajoute au plaisir. Nos 15 années de mariage ont filé comme l’éclair!

Vous êtes très sélective quant au choix de vos films. Qu’est-ce qui vous a fait vibrer dans le script tiré du roman Wonder?

J’avais déjà lu le livre avec mes enfants. On l’a adoré! Un jour, j’ai dit à mon agent: «Wonder est paru depuis un moment; il y a sûrement quelqu’un qui veut l’adapter au cinéma. Si on cherche une actrice pour jouer la mère, je suis partante.» Il se trouve que celui qui l’a fait est l’un des producteurs de Pretty Woman, que je n’avais pas vu depuis 25 ans. On a lunché ensemble et tout a décollé!

Qu’est-ce qui vous touche le plus dans cette histoire?

C’est le fait qu’elle parle de compassion et du temps qu’il faut prendre pour connaître l’autre, un art qui se perd… Ça nous émeut, mes enfants et moi. Cette envie de s’investir dans l’autre, c’est un message d’amour. Aujourd’hui, il y a beaucoup de frustration dans le monde, beaucoup s’y sentent agressés, incompris. Le moment est bien choisi pour évoquer ces belles valeurs humaines.

Comment décririez-vous Isabel, la mère du jeune garçon?

Elle a fixé ses propres règles pour protéger ses enfants, tout particulièrement son fils August, qui a passé la majeure partie de sa vie à l’hôpital, ce qui lui a demandé une somme folle de temps et d’énergie. Une page se tourne pour elle, le jour où après avoir accompagné son fils à l’école pour la première fois, elle se retrouve seule à la maison. Tous les parents connaissent un jour le syndrome du nid vide, même si ce n’est que pour quelques heures, pendant que les enfants sont en classe. Comment remplissent-ils ce vide? C’est une question fascinante… Isabel est désarmée. Et c’est touchant de la voir trouver de nouveaux repères.

Vous êtes constamment entourée des gens que vous aimez et de vos fidèles collaborateurs: coiffeur, maquilleuse, styliste. Comment cela facilite-t-il votre travail?

Quand vous vous pointez au studio à cinq heures du matin, vous souhaitez bavarder avec des personnes que vous connaissez bien. J’ai eu la chance de me faire des amis dans le métier. La première fois que j’ai travaillé avec Serge, mon coiffeur, c’était il y a 28 ans. C’est réconfortant d’entretenir de bonnes relations. Le réconfort entraîne un sentiment de confiance, qui à son tour crée un environnement dans lequel vous pouvez prendre des risques et repousser les limites de votre jeu… Aujourd’hui, par exemple, je préférerais être en jean plutôt que d’enfiler un short minuscule et des bas résille… Mais la présence de mes amis m’aide à me sentir plus à l’aise.

C’est votre troisième collaboration avec Calzedonia. Pourquoi avoir accepté de représenter cette maison de mode italienne?

C’est une entreprise familiale épatante, et j’ai été impressionnée par la façon dont ils m’ont approchée. Comme j’aimais déjà leurs collants, je n’ai pas eu à faire semblant. Je suis ravie qu’on travaille de nouveau ensemble.

Parlons collants. Les préférez-vous noirs ou transparents? Avec ou sans couture? Avec ou sans motifs? À pois ou en résille?

Je les préfère noirs et sans couture. Et avec des motifs, c’est plus joyeux. Euh, j’aurais dit à pois il y a 20 minutes, mais j’aime beaucoup la résille que je porte pour les photos aujourd’hui.

On vous voit souvent en tailleur-pantalon, votre tenue signature…

Tout a commencé le jour où je suis allée aux Golden Globes pour le film Steel Magnolias. Je portais un tailleur-pantalon d’Armani et une cravate. Je ne savais pas trop quoi porter, mais j’avais envie de me sentir à l’aise. Contrairement à une robe de gala, le tailleur-pantalon me donnait l’impression de pouvoir faire face à tout. J’aime les vêtements pour hommes, ils sont confortables. Et ils ont la cote, aujourd’hui!

Êtes-vous une femme sensible? Oui, je crois. Comme mon métier consiste à faire ressentir des émotions, cela exige une certaine sensibilité et de l’empathie. Certains jeux d’acteurs reposent sur la technique. Moi, je préfère m’identifier à mon personnage et tenter de comprendre profondément ce qu’il vit.

Que pensez-vous de cette manie des médias de toujours demander aux femmes — et jamais aux hommes — comment elles abordent le vieillissement?

Ce n’est pas équitable! Ça perpétue les stéréotypes voulant que, contrairement aux femmes, les hommes gagnent à vieillir. Ce avec quoi je suis en total désaccord! Il y a autant de femmes que d’hommes dans la cinquantaine qui vieillissent bien. Ç’a plus à voir avec la personnalité de chacun qu’avec l’âge. Entre nous, les généralisations du genre «les femmes luttent sans relâche contre le vieillissement» sont risibles. Mais que voulez-vous? En entrevue, on me demande toujours quelle crème j’utilise. Pourtant, je doute fort qu’on demande à George Clooney de nous révéler son rituel de beauté…