À 22 ans, elle mettait Hollywood à ses pieds avec son Oscar, sa spontanéité et ses penchants de girl next door pour les hamburgers et la téléréalité. Six ans plus tard, solidement mise en orbite par deux mégafranchises (X-Men et Hunger Games) ainsi que trois Golden Globes, l’actrice américaine s’apprête à camper au grand écran trois femmes à la destinée complexe, mais exceptionnelle: Zelda Fitzgerald (Zelda, de Ron Howard), la fondatrice de l’entreprise de biotechnologie Theranos, Elizabeth Holmes (Bad Blood, de Adam McKay) ainsi que la photographe de guerre prise en otage en Libye en 2011, Lynsey Addario (It’s What I Do, de Steven Spielberg). Celle qui n’hésite pas à prendre la parole pour que les actrices – et les femmes en général – aient droit aux mêmes privilèges que leurs collègues masculins ne risque pas de s’ennuyer au cours des prochains mois. D’autant plus qu’à 28 ans, cette ambitieuse assumée, workaholic notoire et égérie de la maison Dior depuis 2012 est le visage de son tout nouveau parfum, Joy.

Êtes-vous le genre d’actrice qui préfère tourner plutôt que de partir en vacances?

Je l’étais, mais j’ai changé. Plus jeune, je ne savais pas vraiment quoi faire de ma vie en dehors de mon métier. J’étais concentrée sur ma carrière et, grâce à mon travail acharné, j’ai maintenant la possibilité de faire des pauses, de décliner certaines propositions et de ne pas lire tous les scénarios qu’on m’envoie. Je peux ralentir et cultiver d’autres parties de moi.

Par exemple?

La politique est devenue l’une de mes grandes passions. Je pense que la dernière élection américaine a bouleversé quelque chose en moi. Je me suis alors intéressée de près à la corruption, puis à la déréglementation. Je travaille en étroite collaboration avec l’association anticorruption RepresentUs et j’essaie de me tenir constamment informée, ce qui prend beaucoup de temps. Sinon, je suis occupée à décorer ma maison à New York ainsi qu’à élever Pippi, mon chihuahua croisé. Je suis une maman dévouée pour mon petit chien! (rires)

Vous teniez à jouer Zelda Fitzgerald dans le biopic réalisé par Ron Howard. Qu’est-ce qui vous attire dans ce personnage?

Cette auteure était une force de la nature qui faisait fi des conventions. Son écriture était formidable, son imagination était vaste et son histoire d’amour avec Francis Scott Fitzgerald était diablement intéressante. Ils étaient faits l’un pour l’autre, mais ils se détruisaient mutuellement. Je n’ai jamais eu de relations de ce genre – heureusement, je suis attirée par des scénarios plus calmes –, mais cela ne m’empêche pas de les trouver fascinantes.

Quel est le secret d’une relation calme?

Réfléchir avant de parler! C’est l’une des leçons les plus importantes que j’ai apprises au fil du temps.

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  Photographe: Mark Seliger

Certaines féministes vous ont reproché d’avoir accepté de poser dans le froid en tenue légère pour la promotion de Red Sparrow, tandis que les hommes autour de vous étaient emmitouflés. Comment digérez-vous cette critique?

Je la trouve irresponsable. Il y a une vraie conversation en ce moment sur les écarts de salaire entre les hommes et les femmes. La fixation sur cette robe – que j’ai choisie, comme tout ce que je porte – sabote cette cause importante. Pour moi, le féminisme est le combat pour l’égalité économique, politique et sociale et n’a rien à voir avec les vêtements que l’on décide de porter… ou pas.

Vous êtes constamment observée, scrutée, jugée… Vous y êtes-vous habituée?

Je ne sais pas si on peut vraiment s’y habituer. J’essaie de ne pas accorder trop d’importance à ce qu’on dit à mon sujet. J’ai des personnes merveilleuses dans ma vie, des amis formidables qui me connaissent vraiment. Avec l’âge, je me rends compte que c’est eux qu’il convient de ne pas décevoir. Si je décevais un ami, ça, ça m’empêcherait de dormir.

Avez-vous fait la paix avec les paparazzis?

Disons que j’essaie de lâcher prise. Parfois, j’aimerais avoir le temps de ressentir et de comprendre les événements de ma vie avant que le monde entier s’en fasse une opinion, mais je n’ai aucun contrôle là-dessus, alors je me fais une raison. Les paparazzis font partie du métier.

L’échec critique et commercial du film Mother!, de Darren Aronofsky, dans lequel vous jouez une jeune épouse cruellement sacrifiée au besoin maladif de reconnaissance de son mari, vous a-t-il blessée?

Si vous m’aviez dit à l’époque qu’il serait aussi mal reçu, je l’aurais fait quand même. C’est le film que je préfère dans toute ma filmographie. Je sais qu’il résistera à l’épreuve du temps, car c’est du grand cinéma. Jamais je ne me suis autant investie dans un personnage. Jamais je n’ai autant donné à la caméra. C’était une expérience spirituelle. Elle m’a changée.

Qu’est-ce qui augmente le plus avec le succès: la confiance en soi ou la peur?

La peur. Il y a plus de pression, plus de regards sur vous, plus d’attentes…

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  Photographe: Mark Seliger

Vous serez le visage de Joy, le premier parfum que Dior met en marché depuis J’adore, qui a 20 ans. Avez-vous participé à son élaboration?

Oui, j’ai rencontré François Demachy (NDLR: le nez des parfums Dior depuis 12 ans) dans l’atelier parisien, et il m’a fait sentir les différents ingrédients auxquels il pensait. On a créé quelque chose de citronné, fleuri, avec du santal – un parfum féminin et charmant, musqué, mais discret. Je suis vraiment contente du résultat.

Quels sont vos premiers souvenirs de parfum?

C’était un parfum Dior, figurez-vous. Ma mère portait Miss Dior, et son oreiller, ses robes de chambre et ses vêtements en étaient imprégnés.

Et vous, votre premier parfum?

Curious, de Britney Spears! (rires) Je l’ai eu à 14 ans et, jusqu’à l’arrivée de Joy dans ma vie, c’est resté mon parfum préféré.