Son accent a beau être résolument anglais – londonien, pour être plus précis -, Emily Blunt ne semble pas du tout affectée de la fameuse réserve britannique. «Qui veut être prude et réservé? C’est tellement ennuyant! Pour moi, c’est l’équivalent d’être coincé et ringard!» s’exclame-t-elle d’entrée de jeu. Les 10 semaines qu’elle a passées engoncée dans les corsets de la reine d’Angleterre pendant le tournage de
The Young Victoria en 2007 n’ont visiblement pas atrophié son franc-parler. Pétillante, volubile, la jeune actrice répond aux questions avec une bonne humeur contagieuse, tellement que j’ai l’impression d’être assis à côté d’elle, alors que l’entrevue se déroule au téléphone.

Les sourires feints, les chichis, le gnangnan, très peu pour elle. Emily Blunt va droit au but, pimentant chacune de ses réponses d’une agréable pointe d’humour. A-t-elle déjà rêvé, enfant, d’être une princesse? «Pas du tout! Je n’ai jamais été très girly. J’étais plutôt intéressée par le soccer, j’haïssais la peinture… J’aimais mieux grimper sur les structures de métal dans les terrains de jeu que de jouer à la Barbie.» Ce petit côté garçon manqué – confirmé par Jean-Marc Vallée, le réalisateur québécois du film The Young Victoria – n’a pas empêché l’actrice britannique de faire des pieds et des mains pour décrocher le rôle de la jeune reine Victoria. Après avoir lu le scénario, elle a envoyé son agent cogner directement à la porte d’un des producteurs du film!

«C’est rare de tomber sur un long métrage centré sur l’histoire d’une femme. La plupart des films s’adressent à un auditoire masculin, et les rôles principaux y sont tenus par des hommes, explique-t-elle. Je suis sûre que Cate [Blanchett] a voulu jouer Élisabeth pour la même raison que j’ai eu envie d’incarner Victoria. Non pas parce qu’il s’agit d’une reine, mais parce que ce rôle donne la possibilité d’interpréter un personnage complexe dans des moments difficiles de sa vie», ajoute-t-elle.

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Une reine rebelle

Connue pour être la souveraine qui a régné le plus longtemps sur le Royaume-Uni, Victoria a généralement été dépeinte comme une reine vieillissante, endeuillée, rigide et austère. Mais The Young Victoria – dont le scénario est basé sur une idée de la duchesse d’York, Sarah Ferguson – met plutôt en lumière la jeunesse un brin tumultueuse de la reine et sa relation amoureuse passionnée avec son cousin, le prince Albert (Rupert Friend, mister Keira Knightley au quotidien).

Pour les producteurs, dont Martin Scorsese, la décision de «couronner» Emily Blunt a apparemment été très facile à prendre. Belle sans être intimidante, mince sans être maigre, la Londonienne de 26 ans possède un petit côté fougueux qui se prêtait parfaitement au rôle. Et puis, si elle n’est pas encore une mégastar de ce côté-ci de l’Atlantique  – ce qui devrait changer au cours des prochains mois avec la sortie de The Young Victoria (le 18 décembre), puis de The Wolfman, avec Benicio Del Toro, et enfin de The Adjustment Bureau, avec Matt Damon – , Emily Blunt est déjà une actrice largement célébrée en Angleterre. Son jeu dans My Summer of Love et The Jane Austen Book Club a été fort bien accueilli, et sa prestation dans The Devil Wears Prada ne lui a attiré que des louanges. Le plus étonnant? Avant d’enfiler les talons aiguilles de la hautaine et bitchy secrétaire de Miranda Priestly (Meryl Streep), Emily Blunt n’était pas forcément convaincue que le film aurait du succès. Dans les faits, sa performance lui a valu une mise en nomination aux Golden Globe comme meilleure actrice de soutien et un début de reconnaissance internationale.

 

 

«Une perle rare»

Forcée de perdre un peu de poids pour The Devil Wears Prada, Emily Blunt a accueilli avec joie les encouragements de Jean-Marc Vallée à manger sans cesse. «Il n’arrêtait pas de me dire: "Mange plus! Prends du poids!" parce que Victoria avait u incroyable coup de fourchette. Alors j’ai pu manger tout ce que je voulais pendant le tournage, ce qui était génial.» Flanquée d’un conseiller en étiquette, elle a par contre dû suivre des cours de maintien. «On m’a demandé d’apprendre à marcher, ce qui était plutôt surréaliste! Le conseiller, un homme formidable, m’a dit qu’il y avait trop de ressort dans ma démarche…» En plus de mesurer ses pas, Emily Blunt a appris à monter à cheval en amazone, «ce qui était à la fois plaisant et un brin terrorisant», admet-elle. L’aspect le plus épuisant de ce cours de Reine 101? «Porter des corsets», répond-elle sans hésiter.

L’actrice est «une perle rare» sur un plateau, selon Jean-Marc Vallée. Le réalisateur dit avoir été tellement impressionné par son talent qu’il lui arrivait d’en oublier de dire «Coupez!» à la fin de certaines scènes. «Il y a des actrices que j’aime beaucoup, entre autres les deux "Kate" – Kate Winslet et Cate Blanchett. Et, pour moi, Emily est une autre "Kate". Elle est là, tout en haut dans mon palmarès», précise-t-il. Le «fan club» d’Emily Blunt compte également des noms prestigieux comme Meryl Streep et Anthony Hopkins. Ce dernier a d’ailleurs déjà affirmé voir en elle le talent d’une Jodie Foster.

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Suivre sa voix

Ces comparaisons pour le moins flatteuses sont d’autant plus remarquables qu’Emily Blunt est devenue actrice par accident. Au départ, elle est montée sur les planches à l’école non par amour pour Shakespeare, mais plutôt pour combattre un grave problème de bégaiement! «J’ai eu un professeur formidable qui m’a encouragée à suivre une classe de jeu pour essayer de prendre de nouvelles voix, de nouveaux accents. J’ai trouvé ça libérateur. C’était très encourageant pour moi: même si ce n’était pas avec ma propre voix, j’étais enfin capable de parler. Mon bégaiement s’est peu à peu estompé, jusqu’à ce que je sois capable de m’exprimer avec fluidité comme aujourd’hui», se félicite l’actrice.

Son premier rôle marquant, cette fille d’un avocat et d’une institutrice le décroche en 2001 dans une pièce du West End, le Broadway de Londres: elle a alors 18 ans et donne la réplique à Judi Dench dans The Royal Family. Après une série de projets télé, elle joue en 2003 dans My Summer of Love, film qui lui vaut une série de mises en nomination et de prix. Puis, en 2005, elle entreprend le tournage de The Devil Wears Prada et déménage à Vancouver pour suivre le chanteur canadien Michael Bublé. C’est le début d’une relation qui durera trois ans et passionnera certains tabloïds. Ses souvenirs de la côte Ouest? Très agréables. Montréal l’a également charmée, même si elle n’y a passé qu’un court weekend pour travailler à la voix hors champ de The Young Victoria et y voir chanter son petit ami crooner.

Bavarde sur bien des sujets, Emily Blunt se fait nettement plus discrète quand on aborde la question de sa vie sentimentale. Aujourd’hui fiancée à John Krasinski, un des acteurs de la très populaire série The Office, elle essaie d’éviter autant que possible d’attirer l’attention des paparazzis et des curieux. On sait toutefois que son amoureux l’a demandée en mariage plus tôt cette année et qu’elle s’est effondrée en larmes en acceptant. À propos de l’intérêt que suscitent les people de Hollywood, Emily Blunt déplore la surenchère actuelle, qui frise parfois l’hystérie. «Avec Internet, le mot célébrité a perdu de son sens. Il suffit de baisser son pantalon en public pour devenir célèbre aujourd’hui! C’est un peu effrayant…» note-t-elle en riant. C’est sans doute pour ça qu’elle préfère se garder une petite gêne toute victorienne sur ses amours…

 

 

La reine victoria en six temps

1819 – Naissance de Victoria. Sa mère, très stricte, l’empêche de fréquenter d’autres enfants et… de descendre les escaliers toute seule. Elle la force même à dormir dans la même chambre qu’elle jusqu’à l’âge de 18 ans.

1837 – Ceci expliquant sans doute cela, en accédant au trône, Victoria bannit le principal conseiller de sa mère et confine cette dernière à une aile isolée de son château.

1840 – Reconnue pour être prude et puritaine, Victoria ne devait pourtant pas rechigner à passer à l’«acte» puisqu’elle et son époux, le prince Albert, ont eu neuf enfants. La première, une fille qui a reçu le prénom de sa mère, Victoria, est née en 1840,  9 mois et 11 jours après le mariage royal.

1842 – Dans le film The Young Victoria, son héroïque mari la protège pendant un attentat et est atteint d’une balle. Dans les faits, ni Victoria ni Albert n’ont été blessés par balles lors des nombreux attentats dont elle a été victime.

1861 – Le prince Albert meurt, et la reine Victoria commence à porter le deuil. Elle ne le quittera plus et s’habillera en noir jusqu’à sa mort, en 1901.

 

 

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