New York, 11 h 30, un beau matin de printemps. La rencontre avec l’égérie emblématique de Calvin Klein est prévue dans une suite de l’hôtel Greenwich, dans le quartier Tribeca. Dans l’ascenseur, je croise Ellen Page et James McAvoy, qui participent tous deux à la tournée de promotion du nouveau volet de la saga X-Men. Puis, j’aperçois Sean Penn, qui passe en coup de vent dans le couloir… Bref, l’atmosphère est complètement irréelle. On m’invite bientôt à pénétrer dans une suite. Christy Turlington apparaît, le visage hâlé et le regard bienveillant. L’entretien peut commencer.

Votre mère vient du Salvador. Parlez-nous de cet héritage culturel… Elle est arrivée jeune aux États-Unis et elle a tout fait pour s’y intégrer, mais nous avons toujours entretenu des liens avec une partie de sa famille, qui vit en Californie. Par ailleurs, comme mes parents travaillaient tous les deux pour une compagnie aérienne [NDLR: son père était pilote d’avion et sa mère, agent de bord], j’ai été exposée très tôt à d’autres cultures. Ça m’a donné envie d’explorer le monde.

pu-eternity-250.jpgLes campagnes publicitaires d’Eternity sont devenues iconiques. Quel impact ont-elles eu sur votre vie et sur votre carrière? Un impact énorme! J’avais 18 ans lors de ma première collaboration avec Calvin Klein, qui était déjà une des marques les plus célèbres de la planète. Je commençais à peine ma vie de femme indépendante à New York, et cette opportunité est venue si tôt dans ma carrière que je me rappelle m’être dit: «Et ensuite?» La barre était placée très haut, mais j’avais envie de m’engager dans d’autres projets. Par chance, j’ai réussi à concilier mon alliance avec Calvin Klein avec des contrats pour d’autres marques. J’ai ainsi pu m’épanouir pleinement sur le plan professionnel et même retourner aux études à 25 ans. [NDLR: Christy est diplômée en arts, avec une spécialisation en histoire comparée des religions et des philosophies orientales de l’Université de New York.]

Est-ce ce qui explique la longévité de votre collaboration? Absolument! Dans ce milieu, travailler aussi longtemps pour les mêmes personnes est presque une anomalie! Que voulez-vous, elles n’arrivent pas à me laisser partir! (rires)

Pourquoi avez-vous fondé en 2010 l’organisme Every Mother Counts? Je voulais faire ma part pour prévenir la mortalité maternelle dans les pays défavorisés. Ayant moimême deux enfants et ayant vécu une grave complication à mon premier accouchement, je me suis sentie interpellée par les problèmes de santé des mères dans des pays comme le Guatémala, la Tanzanie et le Bangladesh. J’ai créé cet organisme sans but lucratif avec l’objectif premier de réaliser un documentaire de sensibilisation à la cause. Ce film, c’est No Woman No Cry.

Qu’elles en ont été les retombées jusqu’à maintenant? Je crois que le documentaire a contribué à montrer aux gens qu’il y a des humains derrière les alarmantes statistiques de mortalité en couches. Concrètement, nous organisons une collecte de fonds par le truchement du Marathon TCS de New York, qui aura lieu le 2 novembre prochain. J’invite les femmes à courir afin de donner à d’autres femmes le droit de bénéficier de services que nous tenons pour acquis.

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Quel est le métier que vous auriez aimé exercer? J’ai commencé à travailler si jeune que je ne me suis jamais vraiment posé la question. Pourquoi pas écrivaine? ou pilote d’avion? Une chose est certaine, l’amour du voyage coule dans mes veines, et le mannequinat m’a permis d’étancher ma soif de découvertes. Je suis arrivée dans ce métier un peu par hasard, mais j’en ai retiré le meilleur.

Parlez-nous de la mythique campagne d’Eternity pour laquelle vous avez posé aux côtés de Mark Vanderloo en 1995. C’est curieux que les gens se souviennent surtout de celle-là. Elle est moins familiale et beaucoup plus intime que les autres. Nous étions à Hawaï, où Peter Lindbergh nous a photographiés. Je me souviens parfaitement de l’endroit, silencieux, volcanique, doté d’une plage de sable noir. L’atmosphère était moite et intense. C’était le cadre parfait pour nous plonger, Mark et moi, dans une ambiance sensuelle. Heureusement, j’avais déjà un peu travaillé avec lui, et l’équipe était réduite.

Comment avez-vous convaincu votre mari de poser avec vous pour la plus récente campagne d’Eternity? Jouer les jeux de l’amour ou de la complicité en compagnie d’une personne que je connais à peine – homme ou femme – m’a toujours rendue mal à l’aise en tant que mannequin. Avec mon mari [NDLR: l’acteur, producteur et écrivain Edward Burns, 46 ans], l’expérience a évidemment été bien plus agréable. D’ailleurs, le convaincre n’a pas été difficile. En gros, je lui ai dit que s’il n’acceptait pas, je ferais la campagne avec un autre! (rires) Et dès le deuxième jour de tournage, il m’a confié qu’il était vraiment content que cet «autre» ne soit pas à sa place. Je pense que si ç’avait été le cas, le résultat aurait été différent. Nous avons échangé plus de baisers en deux jours que durant toute notre relation [NDLR: ils se sont mariés en juin 2003]. Plusieurs mois après, lorsque mon mari est allé à la clinique pour un examen de routine, le médecin a trouvé du sable dans ses oreilles… Un petit rappel de nos étreintes passionnées au bord d’un océan parfois déchaîné.

Vos enfants étaient-ils présents lors du tournage? Oui, mais ça ne les intéressait pas du tout! Ils ont préféré profiter de la plage seuls de leur côté. Nous étions dans la région des îles Turques-et-Caïques, où nous avions déjà passé des vacances en famille. Pour nous, c’était donc un coin familier et peuplé de souvenirs, ce qui a contribué à rendre l’expérience encore plus sympathique.

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Pourquoi pensez-vous que les publicités de Calvin Klein ont autant marqué leur époque? Tout est une question de timing. Les campagnes d’Eternity ont vu le jour au bon moment. Étant inspirées de l’histoire d’amour que Calvin vivait alors avec sa femme, elles ont réussi à véhiculer un authentique sentiment d’éternité. Par ailleurs, je me souviens que les notions de famille et d’engagement total étaient revenues au sommet des valeurs sociales à l’époque. Malgré les difficultés que nous connaissons tous, tout le monde aspire à l’amour éternel, mon mari et moi y compris. Nous sommes ensemble depuis plusieurs années et, avec un peu de chance, la plus récente campagne nous aidera à faire durer notre union encore longtemps! (rires)

Quels conseils donneriez-vous à la jeune femme que vous étiez à 20 ans? Aucun en particulier, car je ne crois pas aux erreurs de parcours. Je considère que les expériences que j’ai vécues, bonnes ou mauvaises, ont fait de moi la personne que je suis aujourd’hui. Chacune de nous se penche parfois sur son passé. Parfois, on regrette d’être restée coincée trop longtemps dans une histoire pénible, sans même s’être rendu compte qu’on méritait mieux. Dans ces moments-là, il faut se dire qu’on n’était peut-être tout simplement pas prête à vivre autre chose, que cette épreuve fait partie du chemin qu’on avait à parcourir pour devenir soi-même. Et puis, on ne peut pas s’attendre à connaître le parfait amour du premier coup! Certaines étapes difficiles qu’on a vécues dans le passé nous font d’autant plus apprécier la bonne personne quand on finit par la croiser. Cela dit, je pense que l’essentiel, c’est d’être bien dans sa peau, indépendamment de qui que ce soit. Il faut savoir être heureuse seule avant de pouvoir l’être en couple.

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