Le soleil illumine l’intérieur du studio Milk, à Los Angeles, où nous nous sommes donné rendez-vous. Gracieuse, l’actrice blonde surgit de la salle de maquillage et se confond en excuses. Son séjour à L.A. est bref, et le temps lui manque cruellement. Ce matin même, l’équipe de production d’un film d’animation pour lequel elle prête sa voix l’a réquisitionnée sans préavis. Tapis rouges, avions et plateaux de télé: Cate Blanchett n’a pas eu une seconde pour reprendre son souffle au cours des cinq derniers jours.

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Et elle doit absolument se faire photographier par l’équipe du Elle avant de s’envoler pour Sydney ce soir même. «Pourrait-on reporter l’entrevue?» demande-t-elle. J’aimerais lui en vouloir (qui aime qu’un rendez-vous soit annulé à la dernière minute?), mais je suis bien trop fascinée par la classe et l’assurance qui émanent de cette femme plus grande que nature. Alors, nous convenons de nous parler au téléphone quand elle sera de retour en Australie, entre deux réunions et une fois qu’elle aura déposé ses enfants à l’école.

Quand je la retrouve plus tard au bout du fil, j’ai encore notre brève rencontre en tête. Je revois l’image d’une femme élégante et follement occupée, à qui beaucoup d’entre nous souhaiteraient ressembler. Les cinéphiles l’admirent, les amateurs de théâtre la vénèrent et les fashionistas l’adorent! Depuis que le film Elizabeth l’a fait connaître du grand public en 1998, Cate Blanchett ne cesse de faire tourner les têtes. Après avoir pris ses distances de Hollywood pour assurer la direction de la Sydney Theatre Company en 2008, l’actrice revient au grand écran, plus impressionnante que jamais, dans The Hobbit: The Desolation of Smaug, de Peter Jackson, The Monuments Men, de George Clooney, et Knight of Cups, sous la direction de Terrence Malick. Et si on en croit la rumeur, son rôle de mondaine déplumée dans Blue Jasmine, le plus récent opus de Woody Allen, pourrait même lui valoir un oscar. Conversation avec la talentueuse et sublime star australienne.

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À quoi ressemble le quotidien de Cate Blanchett? Ma vie est un véritable tourbillon. En général, ça me relaxe d’être chez moi, à la maison. Préparer les lunchs, cuisiner, promener le chien… j’apprécie la simplicité de ces petits gestes que plusieurs peuvent trouver banals.

Récemment, vous avez travaillé avec Woody Allen et Terrence Malick, deux réalisateurs légendaires. Oui! Et les deux expériences n’auraient pas pu être plus différentes. Woody est évidemment passionné par les dialogues, les acteurs et les situations… Alors qu’avec Terry il est difficile de savoir à quoi ressemblera l’histoire du film. Il aime les atmosphères particulières, la poésie qui émane des gens et leurs aspirations spirituelles.

Est-ce difficile pour vous de trouver des rôles intéressants? Au théâtre, j’ai eu la chance d’interpréter des personnages emblématiques comme Hedda Gabler ou Blanche DuBois [NDLR: dans A Streetcar Named Desire]. Le cinéma, c’est autre chose! On peut rarement y influencer le résultat final, comme on le fait au théâtre. C’est pourquoi je ne recherche pas systématiquement les premiers rôles. Je préfère me créer une niche où je peux continuer à expérimenter en tant qu’actrice. Il arrive souvent qu’une partie du travail des acteurs soit exclue du montage. Nous n’avons aucun pouvoir là dessus! Alors, c’est plus gratifiant de travailler avec des réalisateurs qui s’intéressent à ce que nous avons à offrir.

Vous incarnez toujours des personnages très forts… Vraiment? J’essaie surtout de ne pas refaire les mêmes choses.

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Souhaitez-vous projeter une certaine image de la femme ou véhiculer des messages? Je n’essaie pas d’éduquer les gens, bien au contraire. Je veux les divertir et les amener ailleurs, si possible. Ce n’est pas parce qu’un film est divertissant qu’il est inintéressant! Durant la crise économique, beaucoup de gens ont vu leur monde s’écrouler. Ils sont tombés de leur piédestal. Et, comme mon personnage dans Blue Jasmine, ils ont dû se remettre en question et redécouvrir qui ils étaient sans leur statut social, sans leur sécurité financière. Je pense que cette histoire est très actuelle. À la différence que Jasmine a un côté fantaisiste. Elle a peu de contrôle sur elle-même et est peu ancrée dans la réalité.

Il y a six ans, vous vous êtes installée à Sydney avec votre mari, Andrew Upton, et vos trois fils pour diriger la Sydney Theatre Company. N’était-ce pas dangereux pour votre carrière cinématographique? Dangereux? J’ai débuté sur les scènes de Sydney! C’est là que ma carrière a pris son élan. Rien n’oppose la scène et l’écran. Certains pensent que diriger une compagnie de théâtre et me concentrer sur la scène a constitué un frein à ma carrière au cinéma. Je crois plutôt que ça m’a aidée. Et, comme actrice, j’ai adoré ça!

Comment faites-vous pour concilier travail et famille? Comme tous les parents qui travaillent, je dois jongler avec les horaires. Et je suis souvent dépassée. Mais je demeure convaincue qu’il faut apprécier pleinement le fait d’avoir des enfants et de faire carrière. Accepter que ce ne soit pas toujours possible de tout réussir ou de faire les choses de la façon qu’on l’aurait souhaité. On est tiraillés de tous les côtés. J’apprécie que mon mari soit présent, qu’il me soutienne.

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Pensez-vous qu’une femme puisse parvenir à «tout avoir»? Personne ne peut avoir tout ce qu’il veut, qu’il soit un homme ou une femme, tout simplement parce que nous manquons de temps. Mais, soyons honnêtes, le monde du travail n’est pas vraiment organisé pour soutenir les femmes qui ont une carrière et une famille. Je pense aussi que l’idée de «tout avoir» met une pression indue sur les gens.

Vous avez trois fils. Les élevez-vous différemment? Vous voulez dire différemment que s’ils étaient des filles? Leur appartenance à un sexe est une chose; leur personnalité en est une autre. J’essaie avant tout de «connecter» avec ce qu’ils sont. Nous vivons dans un monde où les gens sont plutôt nombrilistes. Mon mari et moi souhaitons inculquer à nos enfants des valeurs comme la compassion et la gratitude.

Giorgio Armani vous a choisie pour être le visage de son nouveau parfum, Si. Qu’est-ce que ça signifie pour vous? Je me sens privilégiée. M. Armani est un homme que j’admire profondément.[NDLR: Le créateur italien habille souvent la star pour les galas.] Pour moi, le parfum Si est essentiellement une manière de dire «oui» à la vie. Il envoie un message positif aux femmes en révélant leurs différentes facettes: leur caractère potentiellement audacieux et extraverti, tout comme leur côté plus réservé, sensuel et intime. Je suis très honorée d’incarner ces qualités.

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Croyez-vous qu’un parfum exprime une part importante de la féminité? La féminité est quelque chose de personnel et de changeant. De façon générale, les femmes sont bien plus féminines quand elles sont bien dans leur peau. Un parfum est pour elles une manière subtile de s’exprimer et d’exprimer leurs envies. À mon avis, une fragrance ne devrait jamais précéder celle qui la porte. Mais lorsqu’une femme quitte une pièce, j’aime que sa présence persiste. Les femmes connaissent bien ce pouvoir du parfum. C’est fantastique de représenter une fragrance qui non seulement sent merveilleusement bon, mais qui laisse aussi une telle empreinte olfactive. Un effet que seuls les grands parfums parviennent à créer.

La mode est-elle importante à vos yeux? J’aime les nouvelles idées et le rythme effréné de la mode, mais je ne suis pas une victime. Mon style a évolué au fil du temps, mais j’ai toujours affectionné les belles coupes. Voilà pourquoi j’aime tellement les créations d’Armani.

Vous souvenez-vous de votre premier achat «mode»? Mon premier gros achat remonte à l’adolescence. Je regardais avec envie les complets pour hommes à la coupe irréprochable. Quand, à la sortie de l’école d’art dramatique, j’ai eu mon tout premier chèque de paie, je me suis acheté un complet Armani, que je porte encore d’ailleurs! Ce que je préfère de ses créations, c’est qu’elles sont indémodables: à la fois modernes et décontractées tout en étant intemporelles, classiques et éminemment chics!

Est-ce un poids de s’appeler Cate Blanchett? La plupart du temps, on m’appelle soit «CB», «chérie», «Cate» ou «maman». J’imagine que je ne suis «Cate Blanchett» qu’en public, avec des étrangers, ou quand je dois signer quelque chose d’officiel. La célébrité peut être quelque chose de contraignant, une réalisation vide, à moins qu’elle soit appuyée par le talent et l’authenticité.

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