Nous sommes au très hip Hotel on Rivington, dans le Lower East Side, à New York. Du fond de mon sac, je sors le carton d’invitation rose fuchsia que j’ai reçu quelques semaines plus tôt: «Vous êtes cordialement invitée à assister au lancement du nouveau parfum Inspire, de Christina Aguilera.»

Le cocktail est prévu à 16 h. Je jette un coup d’oeil à ma montre: il est 15 h 40. J’ai encore le temps de monter à ma chambre me refaire une beauté. Dans l’obscurité de ma salle de bain en céramique noire, j’essaie de redessiner mon trait d’eyeliner, légèrement défraîchi, quand soudain, j’hésite devant le miroir… On porte quoi, pour aller interviewer Christina Aguilera? Je me change une fois, puis deux, puis trois… Au secours! Le temps file.

L’horloge affiche maintenant 16 h 05. Dans les faits, je suis en retard mais, dans la vraie vie, être fashionably late, c’est tout à fait de bon goût. Je me calme. Et puis les stars n’arrivent-elles pas toujours en retard? Toutes sans exception? Bien entendu! Sauf Christina Aguilera. Résultat: je me pointe dans le hall cinq minutes trop tard… Les membres de son équipe me zieutent bizarrement, et on m’annonce que je serai greffée au deuxième groupe de journalistes. Je rougis. Ma rencontre est reportée à 18 h. La honte!

Un peu d’air me ferait du bien. Je sors de l’hôtel et là, devant la porte, j’aperçois «l’escouade Aguilera». Cinq gardes du corps et trois énormes Range Rover limousine (pas très écolos, ces poids lourds!) bloquent l’accès à l’hôtel. De l’autre côté de la rue, des paparazzis fument cigarette sur cigarette, dans l’attente de voir la blonde peroxydée franchir la porte d’entrée. Impressionnant!

Photo: Michael Caulfield/WireImage

 

Je traverse pour jeter un coup d’oeil sur les chaussures du magasin qui se trouve juste en face. Je craque pour une paire de bottillons violets. J’essaie de capter l’attention de la vendeuse, mais sans succès. Elle est hypnotisée par toute l’agitation qui règne dans sa petite rue, normalement tranquille. «Je me demande bien qui se trouve à l’intérieur de l’hôtel?» s’enquiert-elle auprès de moi. «C’est Christina Aguilera. Elle accorde des entrevues pour le lancement de son nouveau parfum.» La voix cassée et les joues subitement cramoisies, la vendeuse me répond: «Christina Aguilera? LA Christina Aguilera? Oh my God!» Quelques minutes plus tard, elle avait déjà appelé toutes ses copines, et moi, j’avais fait une croix sur mes bottillons.

UN CANAPÉ POUR DEUX
18 h. Nous voilà au penthouse du Rivington avec, en arrière-scène, une vue à couper le souffle sur tout Manhattan et le Brooklyn Bridge. La relationniste nous accueille avec un large sourire: «Christina vous attend, vous pouvez vous présenter à elle, lui parler. Vous verrez, elle est très accessible et terre à terre.»

En tout, nous sommes six: cinq autres journalistes, venues principalement d’Europe, et moi, la seule Canadienne. Je me dirige lentement vers le salon et je distingue nettement la silhouette pulpeuse de la chanteuse pop. Elle est là, confortablement assise sur un grand canapé blanc, les yeux rivés sur son BlackBerry rouge. Décontractée mais tenant la situation en main (on sent tout de suite qu’elle est chez elle et que nous sommes ses invitées), elle nous salue l’une après l’autre. Je regarde rapidement la disposition du salon. Il y a trois canapés: le sien, et deux autres, un peu à l’écart, sur lesquels s’entassent timidement les journalistes. Moi, je décide plutôt de m’installer directement à côté de la star, sur le même siège. Après tout, là où il y a de la gêne, il n’y a pas de plaisir! Moins d’un mètre – et un mur de mystère – me sépare de la chanteuse. J’allume mon magnéto pendant que la relationniste nous explique les règles du jeu: «L’entrevue durera 20 minutes. Chacune d’entre vous aura d’abord le droit de poser deux questions. Ensuite, s’il reste du temps, Christina répondra à quelques questions plus personnelles. Vous pourrez vous faire prendre en photo avec elle et lui demander un autographe.»

Pendant ce temps, j’observe le nouveau look de Mme Bratman (la chanteuse a épousé le producteur Jordan Bratman le 19 novembre 2005). Ses cheveux, plus platine que ceux de Marilyn, lui donnent un air de poupée Barbie. Sa robe, griffée Emilio Pucci, est assortie à ses lèvres et à ses ongles laqués de rose fuchsia. On se croirait propulsé dans un tableau d’Andy Warhol. «Le pop art m’inspire, de même que l’énergie vibrante de Tokyo la nuit», admet-elle justement à propos de ses sources d’inspiration. «C’est une ambiance mystérieuse et sexy, mais aussi très excitante à cause du flot de couleurs et de lumière qui en émane. J’aime tout ce qui est visuellement attrayant. Je fais d’ailleurs un genre de collage mosaïque de tout ce qui m’inspire: des photos, des images… Je l’appelle mon moodboard. Lorsque je suis attirée par quelque chose de très beau, je l’intègre dans ma vie, que ce soit par mon look ou dans mon univers musical. Et je suis folle de packaging! Si je vois une jolie boîte dans un magasin, je ne peux pas m’empêcher de l’acheter, même si je ne sais pas ce qu’elle contient.»

Côté visuel justement, Christina sait y faire, pas de doute là-dessus. Son image de diva sexuellement affirmée, elle l’assume totalement. Tellement que j’ai du mal à me concentrer sur autre chose… que son décolleté. «Je suis pour les femmes qui sont fières de leur corps, confiait-elle dans le Elle britannique. La sexualité fait partie intégrante de mon art. D’ailleurs, j’aime beaucoup cette citation: “Les femmes qui se comportent bien ne font pas l’histoire.” La preuve? Prenez Madonna!»RIEN NE VIENT FACILEMENT
Pour retrouver un corps de sirène après son accouchement, en janvier dernier, Christina a dû travailler fort et s’entraîner 90 minutes par jour, cinq fois par semaine. «Je boxe, je fais des haltères et du cardio. Je déteste courir, mais je fais ce qu’il faut pour rester en forme.» Résultat: quatre mois après avoir donné naissance à son fils, Max, elle avait perdu 18 kilos. Un régime miracle? «J’adore le junk food, alors j’ai dû me priver un peu. Comme je n’aime pas trop me restreindre, je mange ce que je veux, mais avec modération. Je mise aussi sur les repas riches en protéines et j’essaie de limiter ma consommation de féculents.»

Son apparence n’est pas le seul domaine où la belle excelle. Après avoir enregistré cinq albums et gagné autant de trophées Grammy, fait un mariage réussi et accouché d’un joli bébé, manque-t-il quelque chose à son bonheur? «J’en veux toujours plus, avoue Christina Aguilera. Et j’essaie de garder cet état d’esprit lorsque j’enregistre un album. Il y a tellement à faire. Je suis également attirée par le cinéma. J’aimerais interpréter un vrai personnage, pas seulement une chanteuse. Pour l’instant, comme je n’ai pas trouvé le rôle dans lequel j’aurais envie de m’investir corps et âme, j’ai mis ce désir sur la glace.» Ce qui lui laisse du temps pour ses autres projets. Depuis quelques mois, elle est d’ailleurs le visage des bijoux Stephen Webster. «Je ne participe pas au processus de création, je suis seulement l’égérie du concepteur… Mais je suis une grande fan de ses joyaux!»

Le temps file à toute allure. La relationniste surgit dans le salon. «Une dernière question?» demande-t-elle. À l’autre bout de la pièce, une journaliste se risque: «Quel est votre mantra dans la vie?» Christina fait alors dérouler l’écran de son BlackBerry. «Il y a deux citations que j’aime bien. Attendez que je les retrouve… Je savais qu’elles me serviraient un jour.» Les doigts de la diva s’agitent sur le clavier. «Ah, les voici! “Notre force provient des épreuves que nous avons surmontées” et “Ce sont souvent les chemins les moins rapides qui nous mènent au sommet”.» Puis la star relève les yeux et ajoute, un brin désinvolte: «Après tout, rien ne vient facilement, pas vrai?»

EN QUELQUES MOTS…

Son nouveau parfum Inspire «C’est un mélange de mes odeurs favorites (tubéreuse, rose, gardénia et un soupçon fruité de mangue). Il me procure un sentiment de bonheur et de joie, tout en étant très sexy. Et le but recherché est exactement que les femmes se sentent heureuses, pétillantes et très séduisantes en le portant.»
Sa musique La chanteuse lancera un album tout neuf au son plus mature le printemps prochain. «J’aime la combinaison de sons futuristes et amusants, un peu électro; c’est ce que j’ai utilisé pour la publicité de mon parfum.» D’ici là, dès novembre, elle nous offre une compilation de ses meilleurs succès.
Son must beauté «Je ne peux pas vivre sans soin hydratant! Je déteste avoir la peau sèche. J’aime aussi la crème abricot pour les ongles, de Christian Dior. J’adore sa texture onctueuse et l’éclat de sa couleur!»
Ses designers favoris «Je suis une grande fan de John Galliano. C’est un avant-gardiste. Sa façon de se jouer des règles et de toutes les contraintes m’inspire beaucoup. J’ai également un penchant pour les chaussures Louis Vuitton et Balenciaga, et bien sûr pour les bijoux Stephen Webster.»Ceux et celles qui la connaissent savent à quel point la chanteuse revient de loin. Trois raisons de l’admirer.

SA RÉSILIENCE
Née à New York le 18 décembre 1980, cette jeune Américaine d’origines irlandaise et équatorienne hérite de deux dons: une voix bénie des dieux et une force toute-puissante. Mais avant de devenir une des plus grandes interprètes de la musique pop (c’est aussi l’avis de notre Céline, qui s’est déjà prononcée à ce propos devant un journaliste américain), Christina doit surmonter les affres d’un père colérique qui les violentait, sa mère et elle. Ses chansons I’m OK, de l’album Stripped, et Oh Mother, tirée de Back to Basics, lèvent d’ailleurs le voile sur cette période sombre de sa vie. Christina a fui le foyer familial avec sa mère alors qu’elle avait huit ans. «J’ai pardonné à mon père, mais c’est très difficile pour moi d’oublier», confessait-elle dans une entrevue accordée au Elle britannique.

SON ÉQUILIBRE
Briser le cycle de la violence familiale, tel était le défi de Christina. Elle semble avoir trouvé l’amour, la stabilité et la sécurité en la personne de Jordan Bratman, qu’elle a épousé à quelques jours de ses 25 ans. «Depuis le premier instant, je ne peux me passer de lui. Jordan est solide comme le roc», a-t-elle déjà affirmé. Deux ans plus tard, pendant la tournée de son dernier album jazz, blues et soul, Back to Basics, elle est tombée enceinte. «Au départ, je n’y croyais pas, raconte-t-elle dans le magazine People. J’ai passé un test de grossesse, et il était positif. Puis j’en ai passé un autre, qui était aussi positif.» Son mari ajoute, dans le même article: «Lorsque je suis arrivé à la maison, j’ai remarqué toute une série de tests de grossesse!» Le petit Max Liron Bratman a vu le jour en janvier 2008.

SON ENGAGEMENT
Afin d’appuyer la lutte contre le VIH et le sida, Christina a prêté son visage à la campagne de M-A-C Cosmetics en 2004 et à celle d’Aldo en 2005. Plus récemment, elle a milité pour la campagne Rock the Vote, qui encourage les jeunes à s’intéresser à la politique et à aller voter. Et depuis des années, elle est porte-parole d’au moins cinq organismes qui viennent en aide aux femmes violentées (ceux-ci sont d’ailleurs mentionnés sur son site officiel. «Je veux dire aux femmes qu’il y a une lumière au bout du tunnel et qu’une vie meilleure les attend, encore plus belle que ce qu’elles auraient pu imaginer», a-t-elle déjà confié au Post-Gazette de Pittsburgh, ville où elle a passé une partie de son enfance. Rien qu’à regarder Christina, on ne peut s’empêcher d’y croire.

Article publié originalement dans le magazine en novembre 2008.