Parler de lui, Sébastien Delorme n’est pas fou de ça. Oh, il fait gentiment l’effort de sourire à son interlocutrice et de se prêter au jeu des questions, sauf que ses réponses brèves, sa façon de remuer sans cesse sur sa chaise et sa fausse nonchalance trahissent un malaise. Ce grand sportif, qu’on a souvent vu dans la peau d’un boxeur, préfère l’action au partage des émotions. Ça crève les yeux. Alors, pourquoi a-t-il accepté cette entrevue? «Parce que ma blonde m’a conseillé de le faire, répond-il tout net en posant lentement son allongé sur la table du resto. Julie (Perreault) estime qu’ELLE QUÉBEC est un bon magazine. Moi, je suis un hurluberlu, un rêveur, mais elle, elle a compris quelque chose dans ce métier que je ne “catche” pas vraiment. Alors souvent, je l’écoute…»

Il est vrai qu’on ne voit pas très souvent Sébastien Delorme dans les journaux ni dans les talk-shows. Que sait-on de lui? Pas grand-chose, si ce n’est qu’il a joué à la télé notamment dans Watatatow (1995-1998), qu’il était excellent dans Gaz Bar Blues (2003) et qu’il a gagné le Gémeaux du meilleur premier rôle masculin dans un téléroman pour La promesse (2008). Mais prononcez son nom devant une assemblée de filles, et toutes le connaissent. Ces yeux de loup, ce corps musclé et sexy, habillé ce matin d’un jean et d’un t-shirt blanc… Sébastien est plus qu’un beau gosse: il exhale une aura magique appelée «masculinité». Version chic, il ferait un séduisant James Bond. Version nature, un coureur des bois, à la François Paradis dans Maria Chapdelaine.

En le choisissant pour incarner le rugueux capitaine des Canadiens dans Lance et compte: Le grand duel, série qui sera diffusée à l’automne à TVA, l’auteur Réjean Tremblay a eu du flair: dans notre livre à nous, il n’y a pas plus gars que Sébastien Delorme. Sans oublier l’essentiel: le mec a du coeur. Il l’a prouvé l’an dernier en s’investissant à fond dans l’opération Mission Sourires d’Afrique, qui vient en aide à des enfants du Mali. Bon, bref, toutes les raisons étaient bonnes pour faire plus ample connaissance avec l’homme. Enfin.

 

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Les coulisses de la séance photos avec le beau Sébastien Delorme, cliquez ici.





Le beau timide

 

Vous semblez allergique à l’aspect public de votre profession. Est-ce une impression?
 Disons que certaines expériences m’ont échaudé. Lorsque la série Le 7e round a été diffusée en 2006, on m’a choisi comme porte-parole à la conférence de presse… sans m’avertir! J’ai complètement figé. J’ai figé aussi peu de temps après, à l’occasion d’une entrevue intimiste avec Marie-Claude Lavallée à RDI. Paf, j’ai bloqué. Et là, j’ai fait ! Ça suffit. J’ai vaincu ma phobie le soir où je suis monté sur scène pour recevoir mon Gémeaux. J’avais préparé un texte, et tout s’est bien passé. En fait, plus jeune, j’étais gêné sans bon sens.

Vraiment?
Oui. Si j’avais pu me faufiler entre la peinture et le Gyproc, je l’aurais fait. On ne me voyait pas, on ne m’entendait pas. À preuve, j’ai fait parvenir, il y a quelque temps, des billets de théâtre à certains de mes anciens profs du Collège Notre-Dame pour les remercier de leurs encouragements. Plusieurs ne se souvenaient même plus de moi! Même chose par rapport aux filles. Je passais tous mes cours à rêver d’elles, mais je ne pognais pas du tout. À cette époque-là, j’aurais tellement aimé qu’elles me courent après!

Et maintenant?

Maintenant, je suis avec Julie! (rires) Sans blague… dans notre société, il est convenu que ce sont les gars qui font les premiers pas. Quand l’inverse se produit, nous sommes surpris, déstabilisés. Ça peut même faire perdre des points aux filles. C’est comme ça que je le perçois.

Comment composez-vous avec votre étiquette de beau gars? (En chuchotant:)
Mon père est plasticien, je suis complètement refait! (rires) Plus sérieusement, je ne renie pas l’étiquette. Ça «l’aaaide»! (rires) Mais des gens bien plus photogéniques que moi se sont déjà cassé les dents dans ce métier. Le physique, on en a vite fait le tour. Un comédien doit être capable de projeter autre chose: une expérience de vie, une fragilité… Je vis bien avec mon image parce que j’ai la conviction d’avoir plus que ça à offrir. Et si un réalisateur avait le guts de m’enlaidir solide pour un rôle, j’adorerais l’idée!





Son parcours

 

Où êtes-vous né?
À Outremont. Je suis l’aîné d’une famille de deux garçons. Mon frère est médecin, comme mon père. Il pratique en Abitibi et il est en train de repeupler la région: il a quatre enfants. Moi, j’ai choisi le théâtre, et quand mon père l’a su, il s’est demandé comment je réussirais à gagner ma vie!
    
Votre métier, l’avez-vous choisi par amour?
Par paresse. (rires) Au cégep André-Grasset, j’avais étudié en tout, ou presque: en sciences pures, en administration… pour finir par récolter un DEC sans mention! Un jour, un prof nous a donné le choix entre rédiger un travail d’une cinquantaine de pages et participer à une production théâtrale. Ma flemme l’a emporté sur ma timidité. Or, en faisant mon salut à la fin de la pièce, j’ai eu comme une révélation: j’allais être comédien. Alors, je me suis inscrit en théâtre au collège Lionel-Groulx. Ensuite, quand j’ai vu Julie sur scène la première fois, j’ai eu une seconde «illumination». J’ai su que je ferais des enfants avec elle. Ce n’était pas un coup de foudre, c’était une certitude. Appelons ça le destin.

Vous avez connu des moments difficiles professionnellement. Trois projets où vous teniez le rôle principal ont pris fin abruptement: Radio en 1998, Un homme mort en 2005 et Le 7e round en 2006. Comment avez vous vécu ces revirements?
Mal. Très mal. Surtout dans le cas du 7e round. J’ai vraiment traversé toutes les étapes du deuil: le déni, la colère, etc. Je m’étais donné un an pour vivre cette peine intensément. J’ai respecté mon échéance. On fait tous des bons et des mauvais coups dans la vie. Et si quelqu’un fait exception à cette règle, eh bien il me fait ch… (rires)

Vous êtes quelqu’un de souriant, mais il y a quelque chose de noir en vous. On le sent en regardant certains de vos personnages…
Ça se peut. C’est possible. Les zones d’ombre sont des territoires que je connais et où je peux facilement me glisser pour les besoins d’un rôle. Mais dans la vie, si je dégage parfois ce côté sombre, c’est à mon corps défendant. Certains maîtrisent mieux leur image que d’autres… (sourire)

Vous vivez quand même «dans la lumière» de temps en temps. L’an dernier, par exemple, vous avez aidé à recueillir des fonds pour l’organisme Mission Sourires d’Afrique.
 
Oui, c’était une belle activité. Mon père a choisi de faire partie de l’équipe de médecins qui opèrent bénévolement des petits Maliens nés avec un becde-lièvre. Sa décision m’a surpris; mon père est généreux, mais il n’avait jamais fait de bénévolat actif jusque-là. Alors, quand il m’a demandé de lui donner un coup de main, j’ai dit oui. Comme je suis sportif, j’ai organisé un vélothon auquel ont participé plein d’amis du métier et d’autres horizons. Ç’a été un travail fou, mais je me suis senti utile. Cette chirurgie de reconstruction faciale ne dure qu’une heure et demie environ, mais elle change la vie sur le plan de la santé et sur celui de l’estime de soi. La plupart des enfants opérés demandent d’être photographiés «avant», pour montrer ensuite aux gens de leur village, surtout à ceux qui se moquaient d’eux, à quel point ils ont changé…

Sa franchise, sa Julie, sa famille

Et dans votre profession, vous sentez-vous utile?
Parfois, je m’interroge. Quand je vois des ouvriers étendre du goudron sur un toit à 34 °C, j’ai le syndrome de l’imposteur; il m’arrive de me sentir coupable. Mais le métier d’acteur a aussi ses côtés périlleux. On ne sait jamais si on nous demandera demain. Les producteurs, les réalisateurs, le public sont constamment en quête de nouvelles têtes. Déjà, il y a une génération qui pousse derrière moi. Aux auditions, il m’arrive de me faire dire que je suis trop vieux pour tel rôle. Eh oui, j’en suis là…

L’honnêteté semble être une de vos qualités. Vous n’hésitez pas à dire, par exemple, que vous passez moins d’auditions qu’on imagine ou que vous êtes libre. Habituellement, les artistes préfèrent donner l’image de gens fort occupés et très sollicités.
Voyons donc! À moins d’être le plus hot en ville, on en a, du temps! Il y a beaucoup de bullshit dans le métier. Par exemple, ça fait très bien de dire qu’on est encore hanté par son personnage lorsqu’on rentre à la maison le soir. Minute! Si tu ramènes ton personnage chez toi, tu as un maudit problème. Jouer doit rester un jeu. Tu t’amuses, tu fais ton travail et, après, c’est fini. Comme au hockey.

Justement, vous incarnez le capitaine des Canadiens dans la télésérie Lance et compte: Le grand duel, qu’on verra cet automne. Est-ce que ça vous fait un petit velours?

Et comment! Je rêvais de jouer dans cette série depuis toujours. J’avais déjà passé deux auditions, mais je n’avais pas décroché le rôle. La dernière fois, j’avais foncé dans la bande parce que mes patins étaient mal aiguisés… Mais, cette fois, Réjean Tremblay m’a offert le rôle sur un plateau d’argent. Le bonheur! Le matin, quand j’ouvre mon journal, je commence par lire les pages de hockey, j’écoute les «lignes ouvertes», je pratique ce sport deux fois par semaine. Vous, les filles, vous suivez Les feux de l’amour. Nous, notre téléroman, c’est le hockey!

Le sport est-il essentiel dans votre vie?
 Non, il est vital! Je pratique le ski, la planche à voile, l’escalade, sans oublier le vélo. M’entraîner est nécessaire à mon équilibre. Avant de monter sur scène, je fais souvent des exercices d’échauffement. C’est ma façon de «connecter» mon corps et mon esprit. Avant de venir ici, d’ailleurs, c’est ce que j’ai fait.

Et Julie?

Euh, non, ce n’est pas son univers…

Par contre, elle a son propre studio de photographie… Mis à part le sport, avez-vous, vous aussi, une passion parallèle?
 Pas pour l’instant. J’attends ma troisième «illumination»! En fait, c’est drôle, j’ai fait beaucoup de photo plus jeune, j’avais tout le matériel de développement nécessaire. C’est même moi qui ai initié Julie à cette activité. Je lui ai également montré comment fonctionne Photoshop. Disons qu’aujourd’hui l’élève a largement dépassé le maître… C’est elle qui a fait mes dernières photos de casting, mais celui qui est le plus photographié dans la famille, c’est de loin notre fils de sept ans, Thomas.

Qu’aimez-vous le plus chez Julie?
Sa spontanéité. Quand elle veut dire quelque chose, ça sort comme ça: tac, tac, tac! Ça surprend tout le monde. En impro, je suis certain qu’elle serait excellente.

Et que croyez-vous qu’elle préfère chez vous?
 Aucune idée! Il doit y avoir une complémentarité quelque part entre nous. (Il réfléchit.) Mon calme, peut-être. Après tout, j’ai le nom d’un arbre solide: de l’orme. Ouf, elle était facile, celle-là! (rires)

À quel moment vous sentez-vous vraiment bien, heureux?
Là, maintenant. Ces temps-ci, je vais bien. Je suis dans une bonne passe. On a eu notre deuxième enfant, Élizabeth, en janvier dernier, tout va bien, la vie est belle. J’ai toujours un peu peur que la chance tourne quand je dis ça, mais je le dis quand même.

La conciliation travail-famille, c’est compliqué pour vous?
Je pense que ça irait mieux si la société rééquilibrait un peu les choses, si on cessait de culpabiliser les filles qui veulent demeurer à la maison un certain temps pour élever leurs enfants. Ça n’enlève rien à leur talent ni à leur compétence. On veut que les femmes aient des enfants, mais on leur demande en même temps de mettre le petit à la garderie et de retourner travailler au plus vite. Le modèle de l’homme pourvoyeur a quand même marché pendant longtemps. On n’a pas le droit de cracher sur ce style de vie comme on le fait depuis plusieurs années!

Êtes-vous facile à vivre?

Je le crois… Ouf! avec toutes mes réponses, je me sens comme si j’étais tout nu… Les lectrices vont me connaître en tabarouette. Elles veulent vraiment en savoir autant sur moi?

EN QUELQUES MOTS

Au cinéma, Sébastien a joué dans Le déserteur (2008) et Gaz Bar Blues (2003). À la télé, on l’a vu notamment dans La promesse (en ondes depuis 2004), Le 7e round (2006), Un homme mort (2005), Grande Ourse (2003) et Watatatow (1995-1998).

Au théâtre, il a joué dans Le lion en hiver (2008), Charbonneau et le chef (2004), La ménagerie de verre (2003-2004), Le misanthrope (2002) et Oiseaux de proie (2001).

Il préfère les brunes aux yeux bruns, mais le côté «mystérieux, intrigant et inquiétant des yeux bleus» le fascine.
 
Il a tripé sur presque toute l’oeuvre de science-fiction de l’auteur québécois Patrick Senécal (5150, rue des Ormes, Sur le seuil, Le vide), qui est d’ailleurs un de ses amis.

Des performances d’acteurs qu’il a appréciées? Nicole Kidman dans Eyes Wide Shut, de Stanley Kubrick, et Gérard Depardieu dans Cyrano de Bergerac, de Jean- Paul Rappeneau. «Sa façon de réciter des alexandrins sans en avoir l’air est ab-so-lu-ment fabuleuse», dit-il.

Pour faire un don à Mission Sourires d’Afrique, cliquez sur www.missionsouriresdafrique.org.

 

 

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