«Le plus important dans ce métier, c’est d’être cool!» Après cinq années passées dans l’oeil du cyclone hollywoodien, Robert Pattinson a enfin tout compris. La révélation ne lui est pas tombée dessus par hasard, alors qu’il promenait son chien dans les rues de Los Angeles: on a toujours senti chez lui un certain malaise à assumer le rôle de vampire romantique. Et lui-même a toujours eu du mal à cacher (peut-être n’essayait-il pas vraiment) qu’il ne se sentait pas tout à fait à sa place dans le genre de cinéma dont il était devenu l’icône. «Jouer dans des films que vous n’iriez pas voir vous-même, ça rend les choses un peu compliquées, confie-t-il. C’est difficile d’en parler, difficile de les promouvoir, difficile de se sentir connecté au public. Jusqu’à ce que je rencontre David Cronenberg, qui m’a engagé pour Cosmopolis (sorti en 2012), j’avais le sentiment de « tomber » sur des rôles que je ne choisissais pas vraiment. J’essayais surtout de ne pas couler après la déferlante Twilight. Pour la première fois, j’ai eu l’impression que j’avais été choisi pour mon talent. David m’a donné confiance en moi. Ça a tout changé dans mon approche du métier d’acteur.»

Drôle de moment alors, pensez-vous, pour devenir le nouveau visage de Dior Homme (contre un paquet de dollars) et voir son image décuplée sur les panneaux publicitaires du monde entier. En fait, pas vraiment. Bien sûr, Dior n’est pas la première marque à avoir sollicité le héros de Twilight. Avant elle, d’autres ont certainement pensé à tirer parti de son immense popularité. Mais il semblerait que l’équipe de la maison française a su trouver les mots pour le convaincre. Ou plutôt «le» mot juste: liberté. Robert Pattinson avait carte blanche. Il en a profité pour réaliser un rêve d’acteur: tourner avec Romain Gavras, metteur en scène français underground et surdoué qui navigue entre le supercool (le clip Bad Girls, de M.I.A.) et le supercontroversé (le clip Stress, de Justice). «Ça faisait un an que j’essayais d’entrer en contact avec lui et qu’il ne répondait jamais à mes appels. Quand Dior m’a approché, je me suis dit: « Je suis sûr qu’il voudrait travailler avec moi si je lui proposais une pub Dior. »» Bingo! Gavras accepte, et redore du même coup le blason de l’acteur en mal de légitimité artistique et celui de la grande maison toujours en quête de crédibilité hype.

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Le film en noir et blanc qu’il a réalisé, où Rob et la top modèle Camille Rowe s’ébattent, fument et conduisent à fond de train un vieux coupé BMW sur une plage, dégage une ambiance très cinéma Nouvelle Vague, sensuelle et fraîche. Telle une groupie, la star exprime son admiration sans borne pour l’«anarchiste» Gavras: «Il voit le monde d’une manière tellement différente de la mienne! Il a une extraordinaire confiance en lui. Moi, je suis beaucoup plus névrosé. C’est pénible et, en même temps, j’y tiens: mon sentiment d’insécurité est la seule chose que je trouve intéressante chez moi.»

Qu’on se le dise, il y a un gros malentendu sur le talent d’acteur de Robert Pattinson. Sa romance avec Kristen Stewart et les remous qui ont agité son couple jusqu’à la rupture n’ont sans doute pas arrangé les choses. Et il est tout à fait conscient qu’il a été catalogué: «Les gens m’ont vu dans un ou deux films et ils en concluent qu’ils savent ce que je suis en tant qu’acteur. C’est normal. C’est à moi d’aller chercher les réalisateurs avec qui j’ai envie de travailler. Je le fais, mais ça me demande de surmonter ma timidité. Ça m’est arrivé il y a quelques jours; justement: j’ai rencontré à un dîner quelqu’un que j’admire énormément. Je lui ai envoyé un texto le lendemain pour lui dire que j’aimerais travailler avec lui. Trois heures plus tard, je n’avais toujours pas reçu de réponse et j’étais sur le point de lui renvoyer un message pour m’excuser, du style « Pardon, pardon, c’était tellement présomptueux de ma part. » Mais il m’a finalement répondu!»

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Des films à son image

L’acteur a un mélange de passion, de détachement et de lucidité extrême qui complique ses choix professionnels. Une fois encore, Cosmopolis, qu’il est allé présenter à Cannes, a marqué un tournant: «Je me suis promis de ne faire que les choses que j’aimais.» Au pays des très grosses productions, des pros lui conseillaient de «se construire un public masculin ». «Je ne sais même pas ce que ça veut dire, « se construire un public masculin »! Je ne peux pas forcer des hommes à aller me voir au cinéma», dit-il en rigolant. Mais le jeune loup n’est pas naïf et il a compris qu’être lui-même était la condition sine qua non pour que le cinéma indépendant s’intéresse à lui. «En fait, le plus important, c’est d’être cohérent. Ce qui amène parfois à refuser un paquet de propositions. Bien sûr, le risque, dans cette industrie, c’est de refuser des projets jusqu’à ce qu’un jour on ne vous propose plus rien du tout. À ce moment-là, je n’aurai plus qu’à postuler à l’émission Dancing with the Stars

Pour le moment, il participerait à Queen of the Desert, du cinéaste Werner Herzog, aux côtés de James Franco (il ne confirme pas l’info), et il vient de finir le tournage de The Rover, le premier film de David Michôd, scénariste australien, auteur de Hesher et de Animal Kingdom. Pattinson est un proche des frères Edgerton, qu’on a vus dans Zero Dark Thirty. Une clique qu’il fait bon fréquenter pour se faire accepter des aficionados du cinéma américain indépendant. Il retrouvera ensuite sa bonne fée Cronenberg dans Maps to the Stars, dont le scénario est signé Bruce Wagner, figure phare de la nouvelle génération des lettres américaines.

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Bref, même si Pattinson trouve un plaisir un peu tordu à se cacher derrière son personnage de tourmenté, il ne manque pas de détermination et se construit vaillamment un parcours qui commence à lui ressembler. Après tout, Leonardo DiCaprio aussi a suscité des hurlements de jeunes filles en furie, et Brad Pitt a montré ses abdos dans Thelma & Louise bien avant que David Fincher, Neil Jordan et Terry Gilliam lui confient des rôles plus consistants. Personne ne leur en a voulu. Et on saura pardonner au beau Robert de s’être un peu abîmé dans des films de seconde zone. D’autant plus qu’il promet dans un éclat de rire, et sous le regard amusé de ses nouvelles collègues de Dior, de faire un effort, question look: «J’aime bien la mode, mais je suis très mal à l’aise à l’idée qu’on me juge sur ce que je porte. Alors, je m’habille toujours de la même façon. Mais regardez, j’ai ce blouson Dior qu’on m’a donné et je le porte tous les jours!»

Il n’est jamais trop tard pour bien faire… Espérons que même avec un look impeccable, l’acteur gardera son franc-parler. «Il y a quelques mois, je me suis mis à dessiner des robes de femmes, des robes « couture »…» Il éclate de rire. «C’était sans doute le signe que j’étais en pleine dépression nerveuse!» Fragile, touchant et irrésistiblement sexy malgré lui, Pattinson, l’idole des jeunes, est enfin devenu un homme.

 

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