On porte toutes en nous des histoires qu’on garde secrètes, mais qu’on brûle d’envie de partager. Ce désir, il habitait déjà Mélissa Désormeaux-Poulin lorsque, toute petite, elle faisait des spectacles de danse devant ses parents attendris. Il l’animait aussi quand elle a franchi pour la première fois les portes d’une agence de casting, à cinq ans et demi. Depuis toujours, elle avait voulu être comédienne. Pour plaire et être aimée, bien sûr, mais surtout pour «raconter des histoires». Et pour exposer notre humanité, nos forces comme nos failles. On connaît la suite. Dès l’âge de six ans, la comédienne québécoise enchaîne les rôles à la télé, dans Jamais deux sans toi, Les héritiers Duval, Ramdam, Il était une fois dans le trouble… et plus récemment dans Les rescapés et Mon meilleur ami. Sans oublier le populaire téléroman La promesse, qui lui vaut en 2012 le Gémeaux du meilleur rôle de soutien. En 2010, c’est la consécration grâce à Incendies, le film coup-de-poing de Denis Villeneuve, dans lequel elle incarne avec une éblouissante justesse Jeanne Marwal, une soeur jumelle en quête de ses origines. La comédienne joue ensuite dans Omertà, puis dans la production belge Hors les murs, récompensée à Cannes. En 2013, sa touchante interprétation de Sophie, la grande soeur protectrice d’une jeune handicapée intellectuelle, dans le film Gabrielle, suscite un vibrant concert d’éloges du public et de la critique.

Aujourd’hui, c’est une brindille tonique qui fait irruption chez son agent, où nous avons rendez-vous. Svelte dans son pull noir et son jean taille zéro, et plus petite qu’on ne se l’imagine (elle mesure «presque» 5 pi 2 po), Mélissa incarne la beauté au naturel. Même si la jeune maman de Léa, 7 ans, et de Florence, 14 mois, a à peine dormi la veille (à cause de bébé), son sourire est franc, sa présence, attentive et sa soif d’absolu, palpable. Bohème dans l’âme malgré son immense besoin de sécurité, Mélissa porte en elle cette complexité féminine qu’elle a maintes fois exprimée à l’écran. Et qui nous donne l’impression d’être si près d’elle.

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Après deux ans d’absence, la comédienne est de retour à la télé. Depuis janvier, elle incarne une prof d’histoire cool dans Subito texto, une nouvelle émission jeunesse diffusée à Télé-Québec. Dans un tout autre registre, elle fait de renversantes apparitions sous les traits d’une prostituée dans la série policière Mensonges, présentée sur illico Club à volonté, aux côtés de Fanny Mallette, d’Éric Bruneau et de Sylvain Marcel (la télésérie sera rediffusée sur addikTV en juin prochain). Et elle risque de nous étonner avec son rôle d’ex-blonde dans Ces gars-là, la nouvelle buddy comedy de Sugar Sammy et de Simon Olivier Fecteau, à V. Pour l’instant, la jeune femme, qui s’avoue pudique, se livre simplement. Elle laisse entrevoir que l’équilibre est essentiel à la construction de son bonheur.

 Modeste
«Dès ma troisième année du primaire, j’ai compris qu’il valait mieux que je ne parle pas de mes rôles à la télé. Dans la cour d’école, on me disait: « Fais pas ton coq. » C’était presque une forme d’intimidation, quand j’y pense. Petite, j’étais pétillante, puis j’ai appris à porter un masque à l’adolescence, pour ne pas susciter l’envie. Ça m’est resté. Même aujourd’hui, j’ai encore un peu de mal à parler de mes rôles et de mes succès tellement j’ai appris à m’effacer. Mais j’assume de plus en plus qui je suis.»

Instinctive
«Je n’ai pas de formation en jeu et ça m’a souvent fait douter de moi. Heureusement, le tournage d’Incendies a tout changé. Après avoir interprété le rôle de Jeanne, j’ai appris à me faire confiance. À 27 ans, je me suis dit: « C’est assez [NDLR: de regretter de ne pas être passée par l’École nationale de théâtre], on avance en assumant qui on est! » Car ce doute perpétuel, c’est un frein, ça nuit à l’instinct. Mon jeu est surtout sensoriel. Mais avec les années, j’ai appris à analyser davantage mes personnages et à trouver les mots pour en parler.»

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Libre
«Enfant, j’étais impatiente de devenir femme. D’être une adulte. Maintenant que je le suis, je réalise qu’au fond je rêvais de liberté. Je suis une fille unique qui a grandi sur le Plateau-Mont-Royal. J’ai quitté la maison familiale à 17 ans. Je voulais devenir maître de ma vie. J’ai déniché un petit 3½ pas loin de chez mes parents, que j’ai décoré avec des meubles ramassés un peu partout. J’étais bien! Mon chum faisait des allers-retours entre Hull et Montréal pour m’y rejoindre. On est encore ensemble. J’aime tout de lui: sa façon de voir la vie, sa force, son côté rassembleur. Il est banquier, mais pas plate pour autant! C’est un grand amoureux et un super papa. Il m’encourage, me met au défi. On se laisse grandir ensemble et séparément. C’est l’homme de ma vie.»

 

Fidèle
«Je suis hyper loyale! J’ai le même amoureux depuis 18 ans, et les mêmes amies depuis l’enfance! J’aime connaître les gens en profondeur. Ma vie est très stable. Je ne suis pas sur le party. J’ai deux enfants qui m’enracinent. Je protège mon univers personnel – la source de mon équilibre -, car si un jour ma carrière s’arrête, je veux que ma vie privée soit riche. D’un autre côté, j’accepte l’insécurité liée à mon travail, de même que la nature éphémère des amitiés de tournage, dont j’ai appris très tôt à faire le deuil. Je suis prête à partir au bout du monde pour un rôle. D’ailleurs, si jamais il y avait une suite à Gabrielle, je partirais en Inde demain matin, à la condition que mes filles soient bien. Oui, je me passionne pour mon métier, mais ma famille me ramène toujours à l’essentiel.»

Authentique
« »Joue sans jamais être dans la coquetterie. » C’est un conseil que m’a donné Micheline Lanctôt, à qui je dois mes débuts et qui m’inspire encore aujourd’hui. Me détacher de mon enveloppe extérieure me permet de m’oublier et d’aller au fond de mes personnages. Pour moi, le jeu, comme la danse, ça passe d’abord par le corps. J’ai plein de rêves d’actrice. Je les porte en moi. J’aimerais bien explorer le territoire de la folie, avec ces moments où tout bascule au-delà de la réalité.»

Entière
«Quand j’ai lu le scénario d’Incendies, j’ai eu une révélation. Je me suis sentie habitée par Jeanne, par sa solitude, son besoin de retrouver ses origines… Je l’ai comprise, même si elle est tellement loin de moi, si cérébrale, si coupée de ses émotions. Le genre de frisson que ça m’a donné, ça n’arrive pas souvent. Je l’ai ressenti de nouveau avec Gabrielle, une histoire d’amour, de liberté et d’affranchissement. Une histoire simple et ouverte sur la différence, qui fait du bien. Pour moi, Sophie, mon personnage, c’est une louve qui prend soin de Gabrielle et qui la protège par amour. Mais puisqu’elle ne peut pas vivre à la place de sa soeur, elle fait un choix déchirant [celui d’aller rejoindre son chum à l’étranger] pour assurer sa propre survie, tout en disant à Gabrielle: « Je te fais confiance! » Pendant le tournage de ce film, j’étais enceinte de trois ou quatre mois, et ma fibre maternelle était très forte. Peut-être que ma Sophie en a hérité un peu.»

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