Tu joueras prochainement la duchesse de Langeais dans la pièce Demain matin, Montréal m’attend, de Michel Tremblay. Qu’est-ce qui fait que ton personnage, un travesti des années 1970, touche encore le public aujourd’hui?

Les sentiments humains restent les mêmes. Le désir d’être apprécié, de rester au sommet, la peur de devenir has-been, tout ça est encore très pertinent. Ce qui rend ce spectacle intéressant, c’est aussi son côté kitsch, la musique et les costumes d’une autre époque. C’était un temps où on voulait devenir un artiste reconnu dans son milieu, alors qu’aujourd’hui, on veut juste devenir une vedette!

Tu te maquilleras toi-même en duchesse chaque soir avant les représentations. Aurais-tu un bon truc de maquillage à nous donner?

Je ne connais rien aux produits de beauté, mais je sens déjà que ma peau se magane… J’ai l’impression que, pour contrer les dommages du maquillage de scène, ça prend une crème avant de l’appliquer, une crème après, une crème de jour, une crème de nuit… Tout ce que je peux dire, c’est: faites attention à votre peau!

Ton quatrième spectacle solo s’appelle Déplaire. Pourquoi? Tu ne plais plus? Tu ne veux plus plaire?

Ça se peut que le spectacle déplaise à certains spectateurs, parce que je me permets d’être plus cru, plus incisif qu’avant. Mais, quand on fait un spectacle, on veut que ça marche! Cependant, déplaire, je trouve que c’est un thème qui colle bien à notre époque; aujourd’hui, on peut déplaire tellement rapidement! T’as beau être gentil, poli, honnête, tu déplais à plein de monde, et tu le sais vite. Avant, les gens chialaient dans leur salon, maintenant ils le font sur les réseaux sociaux. C’est certain que ça amplifie la portée de la haine. Mais on n’a pas le contrôle sur la perception des autres, alors j’apprends à m’en foutre un peu plus si je ne fais pas l’unanimité. Je me fais plaisir!

Au Bordel, le cabaret d’humour dont tu es un des actionnaires, tu vois la relève qui débarque en force… Est-elle différente de celle de «dans ton temps»?

Quand j’ai commencé, l’internet n’était pas ce qu’il est maintenant. Les jeunes humoristes qui commencent aujourd’hui peuvent voir sur YouTube tous les spectacles de Louis C.K., de George Carlin… Ils peuvent voir les stand-ups de partout dans le monde en quelques clics! Ils ont une culture beaucoup plus large qu’on ne l’avait. Les influences des gens de ma génération étaient plus limitées: on a grandi avec RBO, Ding et Dong, Daniel Lemire… Notre idole, c’était inévitablement Yvon Deschamps!

Et l’humour a-t-il changé, lui aussi?

Il évolue. L’humour, ça ne vieillit pas toujours bien. Tu regardes ce qui se faisait en stand-up dans les années 1990 et c’est moins drôle! C’était souvent long entre deux gags. C’est un peu comme le hockey: ça va plus vite aujourd’hui. C’est plus effificace!

Qu’est-ce qui te fait le plus perdre ton temps?

Mon téléphone. Aujourd’hui, aussitôt qu’on est confrontés au silence ou à la solitude, on se garroche sur notre téléphone. Je trouve que ça nous fait perdre un temps précieux. On n’assume plus de s’ennuyer ou de ne rien faire. Avant, qu’est-ce qu’on faisait de tout ce temps-là?

C’est mon dernier Questionnaire Dompierre pour ELLE QUÉBEC. J’aimerais terminer ça en beauté, avec une belle phrase intelligente pour la postérité. En aurais-tu une?

«Toute bonne chose a une fin, alors imagine les mauvaises…»

Euh…