Elle fait drôlement mentir les envieux et les esprits chagrins qui ne donnaient pas cher de l’avenir de son entreprise de bijoux, lancée en 2004 sur un coup de tête. Aujourd’hui, non seulement Caroline Néron dirige un empire qui n’a rien à envier aux grandes marques internationales, mais elle fait également partie des femmes d’affaires les plus influentes de sa génération. Et dès qu’elle se pointe au studio pour se faire prendre en photo, on comprend pourquoi. Blondeur solaire, sourire conquérant, aplomb irrésistible: elle a tout d’une gagnante. Qu’on ne s’y trompe pas: sous sa soif pleinement assumée de pouvoir et d’argent se cache un immense besoin de propulser le talent des autres et de soutenir des causes qui lui tiennent à cœur, dont celle de la lutte contre le cancer du sein. Rien d’étonnant à ce qu’elle devienne l’une des nouvelles «dragonnes» de l’émission de téléréalité à succès Dans l’œil du dragon, qui sera diffusée dès avril à ICI Radio-Canada Télé. Cette consécration – car c’en est une! – confirme, aux yeux du grand public comme à ceux des leaders de tous les horizons, la place unique qu’elle occupe dans le milieu des affaires. Celle qu’elle s’est taillée à force de détermination et au prix d’une discipline d’enfer. On a rencontré la femme entrepreneure quelques jours avant le lancement de la collection de bijoux à l’esprit rock qu’elle a créée avec son grand ami Éric Lapointe. Elle s’est prêtée au jeu de nos questions sur l’ambition, l’amitié, la nécessité d’oser – et d’échouer – avec la franchise qui fait (aussi) son succès.

Ce qu’il y a de fascinant chez vous, c’est que vous donnez l’impression d’être vaccinée contre le syndrome de l’imposteur…

C’est-à-dire que… Oui, j’ai des peurs, mais je ne me suis jamais sentie comme une imposteure. J’ai toujours cru en moi. Plus jeune, j’ai connu des périodes où je manquais de confiance, mais je me suis mise au défi. J’ai travaillé très fort. Je me suis entraînée avec acharnement [pour apprendre à jouer et à chanter]. Je pense que le fait d’être super préparée m’a décomplexée dans tout ce que j’entreprenais. Pour moi, c’est la clé.

Quel est le malentendu le plus répandu à votre propos?

«Caroline Néron? Elle ne doit jamais être au bureau!» Or, ces mots qu’on m’a rapportés sont tout le contraire de la réalité. Je suis très souvent sur place. J’ai une vision, j’élabore toutes les grandes stratégies de l’entreprise et je multiplie les projets… Je vois à tout.

On vous décrit d’emblée comme une femme d’affaires. Mais vous considérez- vous plutôt comme une femme de conviction, de cœur ou de pouvoir?

Je dirais l’ensemble de ces réponses! Car sans conviction, on manque de vision. Si le cœur n’y est pas, on ne réussit pas à faire avancer les choses. Et si on n’a pas le sens des affaires, on n’atteint pas ses objectifs financiers. C’est un tout!

Quel conseil vous félicitez-vous de ne pas avoir suivi en lançant votre entreprise?

Il y en a tellement! (rires) On m’a déconseillé de devenir comédienne, car je n’avais pas fait d’école [de théâtre]; on m’a dit de ne pas devenir femme d’affaires, parce que j’étais une artiste; on m’a même suggéré de vendre mon entreprise pour des pinottes…

Et pourtant, elle compte parmi les plus lucratives du Canada!

C’est pourquoi je dis qu’en affaires, il n’y a pas de recette. Chaque parcours est atypique. Il faut suivre son instinct et trouver son chemin. Seul l’entrepreneur sait la vision qu’il a en tête et jusqu’où il est prêt à la porter…

Pour paraphraser Coco Chanel, diriez-vous qu’«une femme sans bijou est une femme sans avenir»?

Comme créatrice, je suis tout à fait d’accord avec elle! (rires) De nos jours, on est souvent tourné vers le bien-être intérieur. On fait du yoga, on médite… Mais il est tout aussi important de prendre soin de l’extérieur, car on est jugé sur l’ensemble. Nourrir son âme, être bien dans sa peau, mais aussi connaître son corps, prendre plaisir à s’habiller, à se parfumer: tout cela produit un impact sur notre état mental, nos relations et… notre destin.

Dans vos conférences, vous exhortez les femmes et les hommes à oser. Vous croyez vraiment que l’audace est à la portée de tous?

Absolument! D’ailleurs, c’est pour ça que je raconte mon parcours aux gens: c’est pour leur montrer que tout est possible. Les seules limites sont celles qu’on s’impose.

«Il n’y a pas de vraie réussite sans échec. Plus on surmonte d’épreuves, plus on gagne en confiance, et plus on ose!»

Pourquoi est-ce si essentiel de «mettre ses rêves à l’agenda», comme vous dites?

Parce que pour réaliser un projet, il faut le situer dans le temps. Dès que j’ai un flash, je le note sur papier. En l’inscrivant, j’envoie à mon cerveau le message de prêter attention à tout ce qui favorisera la réalisation de mon projet. Une rencontre, une conversation, une information, etc. C’est fou tout ce qui peut arriver dès qu’on se concentre sur un but précis! Je crois aussi dans l’importance d’assumer son désir, de le verbaliser et d’en parler à qui veut l’entendre, sans avoir peur de se faire voler son idée!

Ou d’échouer…

C’est sûr! Comment se dépasser si on ne tente rien? Si on ne prend pas le risque d’échouer? Il n’y a pas de vraie réussite sans échec. Plus on surmonte d’épreuves, plus on gagne en confiance, et plus on ose! Il faut vivre l’échec, passer au travers, comprendre pourquoi il arrive… Il faut trouver quelque chose de beau à cette expérience, qui ne peut que nous aider à devenir meilleur.

Selon vous, l’entourage influence-t-il notre réussite… ou contribue-t-il à la freiner?

Être bien entouré, c’est primordial! Et j’en parle souvent avec d’autres femmes d’affaires. Vous savez, ce n’est pas facile de reconnaître que certaines personnes nous tirent de l’énergie au lieu de nous en donner, ou de réaliser qu’on a évolué plus rapidement qu’elles. Mais il faut se l’avouer et passer à autre chose, si nécessaire. Ça ne veut pas dire qu’on n’est pas une bonne personne. On gagne tellement à mettre fin à une relation malsaine – et ça vaut aussi pour la personne qu’on a laissée aller. D’ailleurs, on se demande souvent après coup pourquoi on ne l’a pas fait avant!

Sur une note plus personnelle, quelle place accordez-vous à l’amitié?

C’est précieux pour moi! Mes amies sont des femmes dynamiques et audacieuses, qui se démarquent. J’ai besoin de les admirer, tout comme j’ai besoin qu’elles m’apportent quelque chose. J’aime aussi qu’on soit la psy l’une de l’autre. J’aime ça, parler des émotions, de ce que je vis, de mes bibittes! (rires) Je suis un livre ouvert et j’aime avoir l’heure juste. Sans doute parce que je suis intègre et très franche. Avec moi, on sait toujours à quoi s’en tenir.

 

Caroline Néron

Caroline Néron porte un chemisier Jacquemus, un pantalon Paul&Joe, des souliers Gianvito Rossi et des boucles d’oreilles Caroline Néron. Photographe: Malina Corpadean

 

Vous êtes la maman d’Emanuelle, 7 ans. Qu’est-ce que son arrivée a changé dans votre vie d’entrepreneure?

Ema m’apporte tellement! Avant sa naissance, j’avais des ambitions folles et j’étais pressée de les réaliser. Je travaillais jusqu’à l’épuisement. Aujourd’hui, bien que j’aie encore de grandes aspirations, j’ai plus envie de m’investir dans la vie de ma fille et dans ma famille.

Sachant combien la conciliation travail-famille est difficile, comment y arrivez-vous?

Il faut faire des choix. Je travaille de manière plus condensée, en repensant mon horaire afin d’aller la chercher à l’école. Je ne fais pas que parler d’équilibre, je le vis dans toutes les sphères de ma vie! Je me sens accomplie. J’avoue aussi qu’Ema me fait redécouvrir les plaisirs simples et elle apaise mes craintes à l’idée de vieillir. Car je veux être là pour toutes les grandes étapes de sa vie!

Si une boule de cristal pouvait répondre à une de vos questions, laquelle lui poseriez-vous?

J’aimerais savoir si ma famille vivra jusqu’à 120 ans! Parce que chez nous, c’est ce qu’on vise! (rires) Je suis convaincue que le dépassement de soi est synonyme de longévité. Et comme je n’ai aucune envie de ralentir, j’espère que c’est parti pour longtemps. Pour continuer à aimer, à m’accomplir et à aller de l’avant.