Il y a trois ans, l’appartement de rêve de Filipa De Abreu lui file presque entre les doigts. Son offre se trouve en deçà du prix demandé, et bien en deçà de l’offre d’un Français motivé, qui fait de la surenchère pour mettre la main sur ce logis centenaire de quatre chambres situé dans le quartier en vogue de Lapa, à Lisbonne. Les plafonds, qui s’élèvent à plus de trois mètres et demi du sol, les moulures ornant le plafond et les murs lambrissés de boiseries ont fait l’objet d’une restauration méticuleuse; les grandes fenêtres et la terrasse couverte de bougainvillées assurent une vue imprenable sur l’Atlantique. Malgré tout, Filipa indique à son courtier immobilier: «J’ai le pressentiment que je vais obtenir cet appartement!» Elle part vite pour l’Inde – non sans avoir pris le temps d’envoyer une lettre au propriétaire des lieux dans laquelle elle promet de prendre bien soin de cet espace. À son retour, cela va sans dire, l’appartement l’attend.

Rapidement, Filipa de Abreu s’y installe avec ses trois enfants – ses fils Louis, 15 ans, Antoine, 10 ans, et sa fille, Maria, 14 ans – et le chien de la famille, Flynn. «Je l’ai appelé ainsi en hommage à l’acteur Errol Flynn», précise-t-elle.

Épicurienne évoluant dans l’univers de la mode, Filipa mène la grande vie et se pose tantôt à Lisbonne, tantôt dans les grandes villes d’Europe et à New York, où elle est consultante en création et ambassadrice de la marque Tory Burch.

Elle tient la promesse qu’elle a faite au propriétaire; et elle meuble cet espace avec le genre de souvenirs et d’éléments décoratifs qui rendent un endroit inoubliable. Le moindre recoin recèle de beaux objets dénichés au cours de ses voyages. Et elle accueille toujours beaucoup d’amis. Chez Filipa, les dîners de fête ne sont pas rares, et on y déguste souvent le dessert au rythme d’un trio de musiciens invités, parfois même accompagné des levers de jambes d’une troupe de danseuses de french-cancan. «La maison est faite pour les réceptions, dit-elle. J’aime remercier mes amis en leur offrant la plus belle soirée qui soit.»

Elle peut asseoir confortablement 24 convives (ce qui arrive souvent) autour de la table de la salle à manger, sur laquelle est généralement posé un service de vaisselle en forme de feuilles et de pomme de laitue créé par Dodie Thayer pour Tory Burch Home. À chaque place, une serviette de table en lin sur laquelle ont été brodées les initiales des convives. Puis, un décor saisissant: deux tigres et une girafe président chaque repas du haut d’une murale d’un rose soutenu, peinte à la main. C’est son amie Marie-Anne Oudejans, décoratrice d’intérieur établie à Jaipur, en Inde, et ex-créatrice de la maison Tocca, qui a offert ces panneaux à Filipa en guise de cadeau d’anniversaire.

Selon Marie-Anne, les éléments audacieux de la salle à manger évoquent la locataire exubérante. «Filipa est si pétillante et expressive, dit-elle à propos de son amie. Quand elle dresse la table, le résultat exsude son charme et son amour, et il y a toujours des fleurs, des fruits, des plats délicieux, de la musique, et du champagne qui coule à flots.»

On trouve un autre lit de jour à baldaquin, bleu cette fois, dans le salon de l’appartement, surnommé «la pièce bleue». Les lieux sont entièrement meublés de pièces que Filipa a rapportées d’endroits comme Jaipur et Comporta, une station balnéaire portugaise. Un grand coquillage est rempli de nazar boncuğu en verre (amulettes de protection contre le mauvais œil). Des piles de livres jonchent le sol, car les murs de l’appartement sont trop anciens et trop fragiles pour soutenir des tablettes. Tout ce qu’elle possède lui sert au quotidien. «Rien n’est trop précieux, dit-elle. Tout doit pouvoir faire partie de notre vie de tous les jours. C’est ma façon de voir les choses.»

Il n’est jamais arrivé à Filipa de Abreu d’expédier les trouvailles de ses voyages à la maison. «Je me dépars de quelques vêtements pour pouvoir tout rapporter chez moi. Il suffit que j’aie un mètre carré à ma disposition à la maison pour que je me dise: “Oh, avec quoi pourrais-je le combler?”» Sa philosophie se reflète dans la chambre à coucher, où des illustrations encadrées tirées d’un livre de John Derian côtoient des icônes catholiques et deux fauteuils en forme de tigre faisant office de tables de chevet. «Le minimalisme n’est pas mon truc!» conclut-elle.