Bien des stars disent en avoir un. Les politiciens et les gens d’affaires également. Ils en parlent avec admiration, voire avec ferveur. À les entendre, ils n’auraient jamais atteint le sommet sans lui. Ou sans elle. De qui parle-t-on au juste? Du mentor, cette figure énigmatique qui semble avoir le don de propulser les carrières.

«Un mentor est un homme ou une femme d’expérience qui prend sous son aile un individu en début de carrière ou en transition professionnelle et l’aide à se révéler à lui-même», explique Nathalie Lafranchise, professeure à l’Université du Québec à Montréal et spécialiste du mentorat. C’est une relation bienveillante et désintéressée: tout ce qui importe au mentor est de donner un coup de pouce à son protégé afin qu’il atteigne ses objectifs. Un peu comme l’a fait Albus Dumbledore avec Harry Potter ou Yoda avec Luke Skywalker.

Même si on en parle de plus en plus, le mentorat n’a rien d’une nouvelle tendance. La pratique est vieille comme le monde: ses origines remontent à la Grèce antique. Dans son Odyssée, Homère relate les aventures d’Ulysse qui, avant de quitter son royaume pour la guerre de Troie, a confié l’instruction de son fils, Télémaque, à son meilleur ami, le bien nommé Mentor.

Près de 3000 ans plus tard, les mentors sont toujours d’actualité. Mieux, ils connaissent un essor sans précédent. Pourquoi? Parce que les carrières modernes sont ponctuées de ruptures – promotion, retour au travail après un congé ou réorientation -, des moments où on a besoin d’un mentor pour nous épauler et nous gratifier de quelques perles de sagesse. Mais aussi parce que les résultats sont au rendez-vous.

«Des études
 montrent que les mentorés gravissent plus rapi
dement les échelons, 
gagnent en confiance et
 ont une identité professionnelle plus solide.
 C’est aussi bon pour les
 mentors, qui voient leur
 expérience reconnue», rapporte Nathalie Lafranchise. Elle en sait quelque chose: elle a été tour à tour mentorée et mentore. «Ma mentore m’a permis de me découvrir, dit-elle. C’est ma deuxième mère, celle qui m’a mise au monde professionnellement. Aujourd’hui, j’ose espérer jouer ce rôle pour d’autres.»

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S’il est populaire, le mentorat reste néanmoins une pratique aux contours flous pour le grand public. «On confond souvent les mentors avec les coachs, les consultants et les sponsors», constate Yvon Chouinard, coprésident de Mentorat Québec. Il est vrai que tous ces spécialistes accompagnent d’une façon ou d’une autre les travailleurs. Le mentor se distingue toutefois du lot. Contrairement au coach, il n’est pas rémunéré pour ses services. À l’inverse du consultant, il n’est pas appelé en renfort pour offrir des solutions toutes faites. Et il ne bosse pas forcément dans la même boîte que son protégé, pas plus qu’il n’a pour mission de pistonner ce dernier, comme c’est le cas du sponsor.

«Le mentor est plus que la somme de tous ces rôles, estime M. Chouinard. En plus de conseiller et de partager son savoir, il propose des défis, fournit de la rétroaction, offre son soutien moral et donne accès à son réseau de contacts, entre autres. Tout ça, de manière bénévole et confidentielle.»

L’ABC de la relation mentorale

On pense avoir besoin d’un mentor? Il existe deux manières de dénicher son Yoda personnel. On cible une personne dans son entourage qu’on admire et qu’on pense être de bon conseil. On prend son courage à deux mains et on lui demande si elle veut nous mentorer. «Les résultats sont souvent surprenants: même les professionnels les plus occupés arrivent à trouver du temps pour aider les autres. Pour eux, c’est une marque de confiance», signale Yvon Chouinard.

Sinon, on regarde du côté de son employeur, de son association professionnelle ou des groupes communautaires. Plusieurs organisent leur propre programme de mentorat, dans le cadre duquel ils jumellent des mentors et des mentorés. Dans tous les cas, la paire doit partager des affinités «comme dans n’importe quelle relation interpersonnelle», précise Nathalie Lafranchise. Sans quoi, la mayonnaise ne prendra pas.

Il faut aussi préciser que le mentorat exige certaines qualités. «Un bon mentor est généreux et a une grande capacité d’écoute, estime Yvon Chouinard. C’est un excellent communicateur qui possède une maturité professionnelle. Il aime transmettre son savoir, mais jamais au point d’emprisonner le mentoré dans ses propres jugements, exigences ou désirs. Il accueille son protégé tel qu’il est, sans jamais chercher à en faire un mini-moi.»

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N’est pas non plus mentoré qui veut. «On doit aimer apprendre des autres et réfléchir sur ses apprentissages et sa pratique, observe Nathalie Lafranchise. On ne doit pas craindre la critique. On doit aussi faire preuve de débrouillardise. Le mentor n’est pas là pour offrir des recettes infaillibles, mais plutôt pour encourager le mentoré à trouver ses propres solutions.»

Au-delà des qualités intrinsèques de chacun, le succès de la relation mentorale repose sur la fréquence des rencontres. Les experts suggèrent des réunions mensuelles de 60 à 90 minutes. «S’il s’écoule plus d’un mois entre chaque rencontre, on perd le fil, et la dynamique s’essouffle», fait remarquer Nathalie Lafranchise. Au bout de 12 mois, parfois plus, le mentoré atteint généralement ses objectifs, et la relation prend fin.

Il arrive que des mentors et leurs protégés ne se revoient jamais, alors que d’autres deviennent de véritables amis. Il faut dire que le mentorat est propice à la création de liens durables. «En plus de partager ses aspirations professionnelles les plus intimes, le mentoré fait souvent des confidences d’ordre personnel, indique Yvon Chouinard. La conciliation travail-famille est un thème récurrent dans le mentorat, tant chez les femmes que chez les hommes.»

Pour beaucoup, le mentorat se révèle une expérience de vie mémorable qu’ils souhaitent transmettre à leur prochain. «Il n’est pas rare de voir des mentorés endosser les habits du mentor, remarque Yvon Chouinard. Ils savent qu’ils ont beaucoup reçu et que c’est à leur tour de redonner.»

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