Partie de la campagne, sans le sou, Jian Min -qui se fait appeler de son nom anglais Vicky- a construit son empire pièce par pièce. Aujourd’hui, cette jolie Chinoise aux cheveux courts, à la fois posée et débordante d’énergie vise rien de moins que d’être la prochaine figure emblématique de la beauté en Chine.

Comment êtes-vous arrivée dans le monde de la beauté?
Je viens de la campagne, de la région de Suzhou, au sud de Shanghai. À 23 ans, après un baccalauréat en économie et sur les conseils de mes parents, j’ai travaillé dans une usine de vêtements de la région. J’y suis restée trois mois. Je m’ennuyais tellement! Puis j’ai retrouvé par hasard trois amis de l’université qui avaient lancé leur salon de beauté à Kunshan, à quelques kilomètres de chez moi. Je passais mon temps avec eux. J’aimais les voir arriver tout beaux chaque matin, j’adorais les regarder travailler. C’est comme ça que je me suis prise de passion pour ce métier.

Pourquoi avez-vous décidé de vous lancer en affaires?
J’ai commencé par aller à Shanghai suivre un cours dans une école de beauté très réputée. En sortant, je suis retournée travailler dans le salon de mes amis. Je pensais faire ça quelques années, mais j’ai tellement aimé le contact avec les clients que j’ai rapidement pris confiance. J’aimais gagner mon argent, je voulais gérer les choses. Au bout de quelques mois, je suis partie. Pendant quelque temps, j’ai vendu des produits de beauté dans une entreprise familiale, puis j’ai ouvert mon premier salon.
Quels sont les services et les produits que vous offrez?
La compagnie Golden Shine, que j’ai créée il y a trois ans, se divise en trois: les salons de beauté, les écoles et les boutiques. Ça a commencé avec les salons, puis comme on avait besoin de plus en plus d’employés, j’ai pensé créer une école pour faciliter le recrutement et la formation. Aujourd’hui, j’ai six écoles de beauté et environ 500 étudiants par mois. Enfin, il y a les boutiques qui vendent des centaines de produits, dont la marque Vitality, que j’ai développée.

Quels sont vos projets à venir pour la compagnie?
J’aimerais ouvrir une dizaine de spas à Shanghai -dont trois cette année- et développer ma chaîne de boutiques dans tout le pays. Éventuellement, je voudrais importer des cosmétiques et les faire connaître en Chine à travers ma compagnie, et exporter mon concept de spas à l’étranger, mais ce n’est pas pour tout de suite… Je termine actuellement un M.B.A. à l’Université Fudan pour devenir une meilleure gestionnaire, étendre mon réseau et surtout rester à la fine pointe pour faire face à la compétition croissante.

Quelles sont vos ambitions personnelles?
J’aimerais être la prochaine Zhin Ming Ming. C’est la femme la plus connue dans le monde de la beauté en Chine. Elle est une vraie pionnière dans son domaine et elle a beaucoup influencé l’industrie au pays. Aujourd’hui, elle a plus de 60 ans. Je l’ai vue alors que j’étais étudiante dans son école et elle m’a tellement impressionnée! Je la trouvais tellement belle, toujours parfaitement mise! C’est mon modèle.Etre une femme d’affaires en Chine aujourd’hui, est-ce difficile?
Ce qui est particulièrement difficile, c’est d’être une femme d’affaires dans le domaine de la beauté. J’adore ce milieu. Mais dans l’esprit de beaucoup de gens, surtout quand j’ai commencé, travailler dans la beauté signifiait rencontrer beaucoup de gens, notamment des hommes qui veulent parfois d’autres services. Ce n’est pas vu comme un bon métier. Quand on est une belle fille, intelligente, la tradition veut qu’on fasse un «vrai métier» dans un bureau. Mes parents étaient très fâchés quand je leur ai dit ce que je voulais faire. Mais les gens comprennent mieux aujourd’hui.

Comment gérez-vous votre entreprise?
Je m’occupe de tout: marketing, comptabilité, embauches, réseautage d’affaires, organisation des lancements et des partys. J’ai un leadership naturel. Les gens aiment travailler avec moi. Je suis très gentille avec mes employés et ça leur donne envie de bien travailler pour que la compagnie réussisse. Si on a fait une bonne journée avec beaucoup de clients, je prends l’argent pour organiser un party. Je suis leur patronne, mais on est comme des amis.

Selon vous, comment évolue l’industrie de la beauté en Chine?
L’industrie de la beauté s’est développée à une vitesse faramineuse! Quand j’ai commencé à étudier, il y avait de trois à cinq écoles de formation dans tout le pays. Aujourd’hui, il doit y en avoir plus de 500! La Chine change extrêmement vite. Avec la croissance économique et l’augmentation de l’accès à l’information, les mentalités évoluent rapidement. Les Chinois accordent plus d’importance à leur apparence. Ils veulent être beaux. Les femmes en particulier fréquentent davantage les salons de beauté, surtout en ville.

Qu’est-ce qui a changé dans votre perception de la beauté?
Je suis une enfant de la campagne qui a passé beaucoup de temps dehors et ma peau est très mate. Autrefois, je détestais ça. Etre bronzée en Chine, c’est un gros défaut… ça signifie qu’on est une paysanne et c’est très mal vu! J’ai acheté toutes sortes de cosmétiques pour que ma peau devienne plus banche. Aujourd’hui au contact de la mentalité occidentale, j’ai vu que partout ailleurs, être bronzée c’était très beau. Alors je suis fière de ma couleur maintenant. Il arrive encore qu’on me dise que j’ai la peau trop foncée, mais ça ne me dérange plus. J’espère juste que la mentalité des Chinois va continuer à évoluer.