À quoi ressemble une journée type?

Je passe le plus clair de mon temps à créer des parfums! Cela dit, dès mon arrivée le matin, je dois me remettre dans le bain. Car pour moi c’est primordial de mordre à belles dents dans la vie en dehors de mon travail, afin de me sentir ensuite inspirée. Une fois installée dans mon bureau-atelier, je hume les mouillettes que mon assistante a imprégnées de parfum la veille. Je les analyse et je corrige les formules que je consigne dans mon ordinateur. Un peu moins de patchouli par-ci, un peu plus de jasmin par-là… Je recherche la perfection. Et la composition d’un parfum ressemble beaucoup à celle d’une recette de cuisine.

En quoi votre mandat chez International Fragrances & Flavors (IFF) diffère-t-il de celui d’un nez pour un couturier, par exemple?

Ça se ressemble! Mais dans mon cas, je compose expressément des fragrances pour de grandes marques de cosmétiques brésiliennes, telles Natura Brasil, O Boticário et la filiale locale d’Avon. Certaines d’entre elles ont un marché très ciblé, et d’autres cherchent plutôt à lancer un type de parfum précis, tel un floral fruité, un boisé épicé, etc. Cela exige un long processus de création, qui peut s’étaler aussi bien sur six mois que sur quatre ans. Les allers-retours sont donc nombreux entre mon équipe de création et les clients. C’est très stimulant!

Quel aspect de votre métier vous plaît le moins?

Aucun en soi! Mais mes créations dépendent toujours des limites que mes clients m’imposent. Ça peut soit contraindre mon travail ou le guider d’une manière inattendue.

Vous avez travaillé aux États-Unis et maintenant, au Brésil. Cela stimule votre créativité?

Bien sûr! J’aime être chavirée par les différences culturelles! Ça me permet de comprendre les origines et l’esprit d’un peuple et de les traduire dans des créations olfactives qui font rêver les gens.

Est-ce vous qui avez choisi de travailler dans la région de São Paulo, au Brésil?

Oui! J’avais envie de soleil, de chaleur et d’exotisme. Et puis je savais que les Brésiliens étaient totalement accros au parfum. D’où vous vient votre passion pour la parfumerie? Je la dois à mon père! Comme il travaillait dans l’industrie en tant que représentant, il a fait éclore en moi le rêve de devenir parfumeuse. Chaque soir, en rentrant du boulot, il me faisait goûter de nouvelles saveurs et humer toutes sortes d’odeurs. Ce faisant, il m’a transmis son insatiable curiosité pour la vie!

En quoi le fait d’être un nez féminin ajoute-t-il une dimension inédite à votre démarche créatrice?

L’intuition féminine joue un grand rôle dans mon métier! Créer un jus parfumé, c’est façonner quelque chose d’intangible, dans l’espoir de faire jaillir des émotions intimes et profondes, parfois refoulées depuis des années chez ceux qui le sentiront. Ça demande de l’écoute et une grande sensibilité.

Quelles sont les qualités indispensables pour devenir un grand parfumeur?

Ça prend du flair, de la curiosité et de la patience. Car des années sont nécessaires pour développer sa culture et sa signature olfactives. Il faut savoir aussi mettre son ego de côté! Le parfum est tellement lié à la mémoire et à des expériences intimes, qu’il ne faut pas se froisser lorsqu’une composition ne remporte pas le succès escompté auprès d’un client.

Si vous pouviez décrire votre style olfactif en trois mots, quels seraient-ils?

Je dirais audacieux, ludique et accessible – j’ai horreur des fragrances prétentieuses! (rires)