Tous les clichés sont vrais. La bombe qui explose. Le monde qui tourne au ralenti. La surdité éphémère et le plancher qui s’ouvre pour engouffrer toute la vie d’avant. J’avais 32 ans et je vivais de mouvement et de jus vitaminés sous le soleil du Mexique quand le diagnostic de cancer du sein génétique est tombé, en même temps que mon innocence. Habitée d’une vision et de l’énergie de la jeunesse, j’avais déjà dessiné la suite: quelques années de voyages et de boulot en ville, puis l’achat d’une grande terre sur laquelle mon chum et moi allions faire pousser des fleurs, des légumes, et des enfants nourris au grand air. Un plan clair, possible… mais chiffonné en boule dans le bureau de l’oncologue. Rapidement, on m’explique les grandes lignes de la maladie, l’urgence de commencer les traitements et, dans le même souffle, une question: «Voulez-vous des enfants?»

C’est que la chimiothérapie est puissante, destructrice. Quand elle pénètre le corps pour attaquer la tumeur, elle a le potentiel de ravager bien des choses sur son passage, y compris le système reproducteur. On m’a offert une semaine, top chrono, pour prendre des mesures de préservation en matière de fertilité—un sprint avant de m’asseoir dans une chaise de traitement. Les jours qui suivent sont affolants, anxiogènes. Je n’en connais pas, des histoires de fertilité qui ont des fins heureuses bouclées en sept jours.

C’est au Centre de la reproduction du CUSM qu’on m’a accueillie. Trois cents patientes atteintes du cancer traversent ses portes chaque année. On a donc l’habitude des diagnostics compliqués qui demandent une attention immédiate. Pas d’attente et, dans mon cas, pas de temps pour la stimulation hormonale que demande la fécondation in vitro (un processus d’environ deux semaines). On me rassure, par contre: des options, il y en a. D’abord, il y a celle de ne «rien faire»: certains protocoles de chimiothérapie moins lourds que ceux qui m’attendent permettent aux femmes de vivre une ou plusieurs grossesses spontanées (c’est-à-dire de tomber enceinte sans une assistance médicale ou l’utilisation d’une banque d’ovules ou d’embryons) à la suite des traitements. Puis, il y a l’option de faire appel à un agent protecteur des ovaires (Zoladex), une substance administrée mensuellement par injection qui plonge les patientes dans un état de ménopause en cessant temporairement la production d’ovules. C’est un procédé que j’ai choisi et que j’ai combiné à la maturation in vitro (MIV), dont l’objectif est de permettre la maturation en laboratoire d’ovocytes immatures lors de leur prélèvement. C’est d’ailleurs un choix particulièrement intéressant pour les femmes pour qui le temps presse ou pour celles qui ont un cancer hormonal — cancer potentiellement réactif à l’augmentation des estrogènes requis pour la fécondation in vitro (FIV). Mon chum et moi avons terminé notre visite éclair en fertilisant ces ovocytes. Des sept qui ont été prélevés, deux embryons ont été créés.

La voilà, ma fin heureuse. Deux embryons qui patientent pendant ma guérison. Si la vie le veut bien, je tomberai enceinte sans avoir recours aux embryons préservés, mais ce filet de sécurité agit comme une source lumineuse sur laquelle je me concentre quand la route du cancer se fait trop sombre.

Si vous marchez sur un chemin similaire au mien — malgré la peur, malgré le choc —, restez bien connectées sur votre vision de la vie d’après et laissez-vous guider par les experts bienveillants qui n’ont aucune envie de vous voir faire un compromis sur votre désir de maternité, et ce, peu importe votre situation personnelle et médicale.

Je souhaite remercier le Centre de la reproduction du CUSM et le Dr William Buckett pour leur apport à cet article. 

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