Farah, qu’est-ce qui t’a donné envie de plonger dans ce projet d’écriture?

C’est une maison d’édition qui m’a contactée sur Instagram, alors que j’étais encore à l’heure de Mars et que j’étais perdue dans mon propre monde! Quand elle m’a demandé si j’avais envie d’écrire un livre sur mon histoire, je me suis tout de suite dit: «Mais qui voudra lire ça?» (Rires) Puis, l’éditrice m’a convaincue que c’est une façon différente de raconter mon histoire, d’expliquer le chemin que j’ai parcouru pour me rendre là où je suis aujourd’hui.

On te qualifie souvent de battante. Es-tu à l’aise avec ce terme?

Oui, je suis une battante, car j’ai eu beaucoup d’épreuves à traverser. Mais on est toutes des battantes; c’est juste qu’on ne prend pas le temps de s’arrêter pour le réaliser. Dans mon livre, je partage des moments difficiles de mon enfance et de mes années d’études, car je considère comme important de montrer que derrière les personnes qui connaissent un certain succès, il y a des échecs et des périodes ardues.

Est-ce une fierté, pour toi, d’être une femme en sciences ou est-ce parfois lourd à porter? 

C’est un peu des deux. D’un côté, je suis fière de faire partie des 25 % de femmes qui travaillent dans le domaine de l’aérospatiale. Mais ce qui m’a formée en tant que personne, c’est que je ne suis pas juste une femme… Je suis une femme racisée, immigrante et queer. Tout ça fait partie de mon histoire. Mon intersectionnalité fait que je ne peux pas me battre sur tous les plans. J’ai donc choisi de mettre beaucoup d’énergie à encourager les femmes et les minorités à aller en sciences.

Que dis-tu aux jeunes femmes qui songent à suivre tes traces?

Je suis très honnête. Quand je rencontre des femmes qui viennent travailler en aérospatiale, je ne leur dis pas que c’est un domaine où tout va très bien; c’est important de leur dire la vérité. Les choses changent doucement. Je serai là pour les aider. On va y aller ensemble et réussir ensemble. 

Je sais que tu as subi ton lot de microagressions, surtout en début de carrière. À quoi as-tu dû faire face?

Souvent, les gens ne m’écoutaient pas lorsque je parlais ou ils me coupaient la parole pour dire exactement la même chose que moi. D’autres fois, quand j’avais fait un travail, un gestionnaire demandait à un de mes collègues masculins d’en présenter le résultat. Ce sont de petites choses, mais c’est important de parler de microagressions, car au début, je pensais que c’était moi, le problème. Dans ce milieu, tout le monde est brillant, a fait des études supérieures… Mais tu te retrouves dans ce milieu, en ayant le syndrome de l’imposteur, et tu n’oses rien dire quand on t’interrompt, parce que tu te sens mal. J’intériorisais tout ça en me disant que je ne devais juste pas être assez bonne pour travailler là. Un jour, j’ai craqué. J’ai commencé à en parler autour de moi et j’ai découvert que je n’étais pas la seule à subir ce genre de microagressions. Ainsi, je me suis sentie moins seule et j’ai voulu trouver des solutions. Il y a eu des formations au travail, puis certaines personnes sont devenues des alliées. J’ai vu la société changer. Doucement.

Qu’est-ce qu’on peut te souhaiter pour l’avenir?

Je veux continuer à explorer, à faire avancer la place de l’humanité dans l’espace. J’ai besoin d’apprendre; c’est ce qui me passionne! Et c’est sûr que j’ai encore le rêve d’enfant d’être astronaute… Ça devient de plus en plus accessible; alors, peut- être, un jour! Pour moi, ce serait LE rêve, d’aller dans l’espace.

Mon année martienne, Les Éditions de l’Homme, en librairie le 28 septembre.

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