Marie-Josée Lord, chanteuse lyrique

Devenir chanteuse d’opéra n’était pas un rêve de petite fille pour Marie-Josée Lord. Née en Haïti, la soprano a été adoptée à l’âge de cinq ans et demi par un couple de Québécois de la région de Québec. Elle découvre le chant lyrique sur le tard, après avoir pratiqué pendant 15 ans le piano.

Est-ce que le fait d’être une femme noire lui semblait un handicap pour faire carrière dans le monde de l’opéra? «Non, assure la chanteuse, mes parents ne m’ont jamais laissé entendre que la couleur de ma peau pouvait être un obstacle à quoi que ce soit.»

Cependant, Marie-Josée Lord admet que certains rôles lui ont sûrement échappé en raison de sa couleur. «Ce n’est jamais dit clairement, sinon, ce serait de la discrimination, mais on le sent, dit-elle. Disons que c’est une réalité et je n’en fais pas une obsession.»

D’après elle, même si cela reste marginal, il y a de plus en plus de cantatrices de couleur noire. «Elles ont de très belles voix, assure la chanteuse, mais on ne leur fait pas assez de place sur le marché.»

Pour s’ouvrir aux interprètes de couleur, l’opéra doit se moderniser, croit Marie-Josée Lord. «C’est un peu comme si l’opéra s’était arrêté à une certaine époque, à certains compositeurs, déplore-t-elle. Or, il y a beaucoup d’histoires contemporaines à raconter. Les compositeurs doivent parler de leur époque, comme le fait Michel Tremblay au théâtre.»

 

 

Myriam de Verger, comédienne

D’un tempérament extraverti, Myriam De Verger s’est naturellement dirigée vers des cours de théâtre à l’école secondaire. La jeune femme, née à Rouyn-Noranda de parents haïtiens, a décidé de poursuivre une carrière de comédienne un peu plus tard, alors qu’elle avait déménagé à Montréal.

Depuis qu’elle a terminé le conservatoire d’art dramatique en 2003, elle n’a pas chômé. «Je m’estime chanceuse, j’ai eu de beaux contrats», dit celle que l’on a pu voir au théâtre, à la télévision et au cinéma. «Certaines comédiennes me font remarquer que je ne travaille pas moins qu’elles», souligne l’actrice. «Elles ont raison, mais la différence, c’est que moi, je n’ai pas accès à certains rôles. Peu de premiers rôles sont campés par des personnes de couleur au Québec. Quand on regarde la télévision québécoise, c’est peu représentatif de la société dans laquelle on vit. Alors qu’aux États-Unis ou au Canada, certains premiers rôles sont interprétés par des acteurs de couleur dans les séries télévisées», constate-t-elle.

La plupart des auditions qu’elle décroche sont souvent pour des rôles de «noires». D’ailleurs, Simon Olivier Fecteau en a fait le sujet d’une de ses capsules Web En Audition avec Simon.

«J’aimerais accéder à des rôles complexes où la dimension ethnique n’est pas importante», dit Myriam De Verger. La plupart du temps, elle n’a même pas accès aux auditions pour ce genre de rôle.

À titre d’exemple, la comédienne cite la fois où l’une de ses amies actrices – blanche – a auditionné pour le rôle-titre dans une télésérie à Radio-Canada. En sortant de l’audition, elle appelle Myriam, pour l’inciter à participer; selon elle, le personnage serait tout à fait dans ses cordes. Myriam appelle alors son agent, qui lui dit l’avoir déjà proposée pour le rôle, sans obtenir de réponse. Il essaie de contacter de nouveau l’agent de casting, mais en vain. Myriam et son amie sont pourtant deux actrices du même calibre et seulement l’une d’elles a pu tenter sa chance pour le rôle.

Malgré tout, Myriam De Verger reste optimiste. «Je sais que certains diffuseurs veulent intégrer des personnes de couleur dans les fictions, mais aussi longtemps que je ne le verrai pas, je ne serai pas satisfaite.» En attendant cette ouverture, la comédienne se crée des rôles sur mesure, comme celui d’une mère toxicomane dans la pièce Lost baby, qu’elle a écrit.

 

Photo: Alain Décarie

Abla Osman, mannequin

Née au Québec de parents somaliens, Abla Osman commence une carrière dans le mannequinat en 2010. À 18 ans, elle a déjà fait quelques défilés et travaille pour l’agence Folio à Montréal, tout en poursuivant des études en sciences humaines.

Même si elle n’a jamais été directement écartée d’un travail en raison de la couleur de sa peau, elle entend parfois que les directeurs de casting préfèrent les blanches, car elles vendent mieux les produits. «C’est une fausse excuse, affirme-t-elle, les noirs consomment aussi! Et puis, les personnes issues de l’immigration risquent de devenir la majorité au pays, il faudra s’adresser à eux aussi.»

Elle a accepté de visionner pour nous un court-métrage de l’Office national du film, La couleur de la beauté, dans lequel un mannequin d’origine jamaïcaine tente de percer à New York. Même si elle possède la démarche, les mensurations idéales et un visage d’ange, cette jeune femme ne parvient pas à se faire engager pour la Semaine de la mode. Un directeur de casting dit clairement à la caméra que les mannequins noires ont plus de hanches et que ce sont les filles plus filiformes qui ont la cote ces temps-ci. Pendant la Semaine de la mode de New York en 2008, 87% des mannequins étaient blancs, et seulement 6% noirs.

«Ce documentaire exprime très bien le fond de ma pensée, affirme Abla Osman, j’étais contente que quelqu’un en fasse un film.» Car selon elle, le sujet est encore tabou. Beaucoup de jeunes filles n’osent pas parler de cette discrimination qui sévit dans le milieu de la mode, de peur d’être mal vues par les directeurs de casting et les designers. La situation ne décourage pourtant pas la jeune mannequin, qui espère malgré tout faire carrière dans le domaine de la mode.